MÉMOIRES,
DE M. LE COMTE
„ DE ST. GERMAIN.
Miniftre & Secrétaire (T Etat dé la guerre ^ Lieutenant générai des armées de France , Fe/d - Maréchal au Service de Sa Majeflé, le Roi de Dannemark, Chevalier Commandeur de rôrdre de l'Eléphant, écrits par lui-même.
à
^A AMSTERDAM, Chez MARC-MICHEL REY. M D C C L X X I X.
T
CONTENU
DE CES MÉMOIRES.
Administration.                Pag,
SeStion I.i
Se&ion H.il
Méthode que doit obferver M. le Comte de St, Germain pour parvenir avec fureté à rexécution de fes projeté.16
Ordonnancer en confiquence de ce plan. 2.1
Méthode à obferver.                     •23
Mèyens de confolider cet ouvrage.24.
·         Section III.43
·         Section IV.
Nouvelle Constitution.84
Premier projet pour Fétabliffement S un confeil de guerre.89
Second projet.98
Seconde Partie des Mémoires Militaires.* 128
Du Confeil de guerre, de fa compofition & df fes fonctions.i$5
Du Confeil du Tribunal.161
De la Solde de F Etat militaire.164
De là Compofition des troupes.166
Suite du Mémoire Militaire, 171 Compofition à un Régiment <F Infanterie de deux
Bataillons.18$
Compofition <d’un Régiment * de Cavalerie, Dragons, &c.                       Tpi
·         • 2
Gouvernement intérieur des Régiment. , >' 194, Enrôlement, habillement, armement & équipement des Soldats.200
Des différentes fournitures à faire aux troupes. 208
Des hôpitaux militaires.mit
Des fortifications.213
Des états majors des farter effet.215
Deuxieme Suite du Mémoire Militaire. 217
Des veuves dOfficiers.ibid.
Des exercices des troupes.219
Le manimenf des armes.220
Le feu.221
La marche.228
Les évolutions & déploymens.229
Des états majors de formée.230
Des Officiers généraux.232
Des changemens de garnifons. <234
Des cazernes.235
Divifion de formée.236
Des campemens.241
Du mot ou de la parole.244
Des gardes extérieures ou grandi gardes. ibid.
Des décampemens.249
Des galeres de terre..251
De la conduite dune armée viftorieufe dans le pays ennemi.. 253
Avis de l’Editeur.257
.XI Lettres dun Officier général adreffées. à M. le Comte de Sr. Germain, avec les ni réponfes de ce Minifire. 258*306
AVERTISSEMENT
AVERTISSEMENT
D B
L’E D I T E U R
'      DE CES
MÉMOIRES.
Les Mémoires que nous publions, qui font très-intéreffants par leur objet & par la célébrité de celui qui en eft fauteur, ne font pas de ces ouvrages de pure ima-ginqtion, tels que les tefiamens politiques-de différons grands Msnifires; nous ne pouvons douter qu'ils ne foient le fruit des réflexions de M. le Comte de Saint Germain pendant fa retraite, puifquil n'y a pas un mot, dans les papiers qu'on i nous a confiés, qui ne /bit écrit de fa main. D'ailleurs, fes mémoires militaires 1 j qui en forment la féconde partie ^ &que i précédemment à fon élévation au Minifferè'
A
If AVERTISSEMENT.
il avait envoyés au feu Maréchal du Muy & à M. le Comte de Maurepas /ont trop connus pour qu’on pui/fe en impofer.
Ce Miniftre avoit confervé une liaifin intime avec un homme de qualité d*Allemagne parent de Ma#, la Comte/fi de Saint Germain & qui jouijfoit à un tel degré de /a confiance & de fin amitié que dans toutes les Situations oà il s’efi trouvé, il lui a conftamment ouvert fin ame. Dès qu’il a vu qu’il étoit en danger de mourir, il a ra/femblé tous les papiers qui fi avaient aucune relation avec fis intérêts ou fa fortune perfonnelle & les a envoyés à fin ami en Allemagne, en lui laiffant la liberté d’en faire, après fit mort, tel ufage qu’il croiroit utile à fa réputation. Cefi de cet homme de qualité, qui ne veut pas être nommé, que nous les avons reçus. Nous regrettons
infiniment dé cé qu'il n'a pas voulu nous permettre dé publier en meme tems la correspondance de M. le Comté de Saint Germain avec M. de Cremille; elle aùroit ajouté un nouvel intérêt à cet ouvragét mais il a craint que cette publicité ne Compromit des perfonnes confîdérables & auxquelles on doit des égards & du res-peët. Ceft par un effet de cette même circonfpeBiw quil ne nous a pas permis de copier les conditions qui lui avoient été prefcrites, lorfqu'il fut appelé au Miniftere, ni les lettres que Louis XVL lui a écrites dans différentes circonftances, .Par le premier écrite on aurait vu qu'il n'a rempli aucune de ces conditions; &, dans les lettres dé Louis XVI, au contraire ^ on aurait obfervé avec plaifir combien tous les mouvement de l'âme de ce Prince font marqués au coin de la bonté.
IV AVERTISSEMENT.
fie la' bienfaifance & de la juftice. On aurait furtout admiré cet amour invariable four le bien & ce devoument ab-folu, fi rare dans les. Souverains, pour tout ce qui pouvait y conduire, Mais dé-toit la publicité de ces différons écrits, que, par refpe^pour le Roi, M. le Comte de Saint Germain avait interdit à fon ami ; & cet ami n'a pas voulu qu'on eût à lui reprocher d’avoir manqué aux devoirs d’une amitié fidele,
PREMIERE PARTIE '
ADMINISTRATION.
S E C T I O N . L "
Les differentes deffinées que j’ai ^prouvées dans le cours de' ma vie /ni-ont allez apris à fuporter avec courage lés viciffitudes des chofes humaines. En quelque fituation que je me fois trouvé, j'ai toujours adoré les relforts fecrets de la divine providence» La même' tranquillité d’efprit avec laquelle j’ai Vu dans l'aurore de-ma vie là fortune fécônder mes vœux & mon ambition en m’éîe-vant rapidement àüx premières dignités militaires,je l’ai coiifervée dans les revers que j’ai éprouvés; réduit, pour ainlt «lire, à -l’aumône par la banqueroute du Banquier de Hambourg à qui j’avois confié toute ma foraine,' j’ai trouvé la confo-
talon la plus douce dans la démarche générée <X noble des Colonels Allemands, qui a pour ainfi dire rapelé dans le fouvenir de ma nation mon exiftence, & je leur dois la penfion que le Roi m’avoit accordée ; elle fuffifoit à mes befoips* Parvenu ^lois à l’âge de 68 ans, U ne fubfiftoit plus d’autre defir I dans mon ame que de jouir d’un repos bg^ J’avois $œouvé à un tel point ^:& faujrq fortune, que tout fenti-jpentd’gmbidou était éteintèen moi. Mais àpeine^-je eu Je terns de goûter les douceurs d’une vie fi agréable, que je me fuis vu entraîné de nouveau dans Rembarras & dans l’agitation des affaires. ^ielé à la: tête de l’aMBjfla&lw mili-taire de .FraQçe par un. de ces., hasards, qui tiennent .du prodige a. je, ne ç^ fuis, déterminé qu? pour, né pas .paître; me refufçr à ma paqie* à qui je penfai que ines f^viçes p^qyçdenr .^.li... T^wt Çfc. <we. M fiwrté de travaux ^. tout ÇÇ.WW dW de çontTadi&Qas dans cçtte pénihlQ ^nouvelle carrière ne
DE S*. GERMAIN. $ peuvent fe concevoir; mais, comme tous mes efforts n’ont pas fuffi pour furmon-ter les obftacles qui s’opofoient au bien que je défîrois & que j’étois fincérement intentionné de faire, que j’ai vu une grande & dangereuTe Anarchie s'élever par le choc de tant d’autorités qui con-trarioient la mienne, j’ai préféré de nou* veau le repos à l’éclat de la place que j’occupois & qu’il in’étoit déformais im-poflïble dé remplir aveé la dignité com venable. Je ne penfe pas pouvoir employer plus utilement le loifir que me laifïè ma retraite qu’en rendant compte du plan que je m’étois propofé dans-mon adminiftration; c’eft une jufbficà-tion que je me dois & qui pourra peut-être ramener lés opinions- qui me .font-devenues fi contraires. Je n’ai pas droit de m’en plaindre ; on ne peut me juger que fur les effets que l’on connoît, puis* qu’on ignore là caufe qui les a produits; J’efpere que mon exemple fervira de leçon à tous ceux que la fortune ou les' talons apelteront à une âdminifhation?
$ MÉMOIRES du COMTE
quelconque. En lifant avec attention ces mémoires, ils connoîtront tous les piégés de l’intrigue ou de fa méchanceté, les dangers de fa flatterie, & furtout ceux de fa foiblefTe; iis verront qu’un Ministre qui veut le bien, éprouve des con-tradiétions fans nombre & fouvent les plus fortes, de fa part de ceux même qui devroient y concourir avec lui; & ils conviendront de l’impoffibilité évidente d’arriver à fon objet lorfqu’une force fupérieure lui fait fa loi, que fa corruption eft parvenue à un tel degré que le bien que l’on fait fe tourne en mal par l’abus dont il eft fiiivi & qu’à chaque pas les préjugés s’oppofent à toute inftitution, à tout arrangement patriotique. Us le plaindront fiirement d’être dans la dure néceffité de lacrifier fans ceflè fes bonnes intentions aux vues in-téreffées d’autrui. Maiheureufèment, plus un adminiftratêtir qui voit les chofes de près, envifage fa grandeur de ce mal, plus Ton ameen eft accablée, & plus rapidement elle eft entraînée dans une.
DE S*. GERMAIN. 9 infenfibilité dangereufe pour tout événement bon ou mauvais, & dès lors il y a à craindre qu’il ne laiffe aller les chofes au gré du fort
Je conviens que ce feroit une grande qualité en lui de ne jamais defefpérer du falut de l’état, de fe roidir contre les événemens, de leur oppofer une fermeté fi grande que l’on puiflè prelque Ce flatter de tirer le bien de l’excès du mal. Ce feroit même là une fituation où il éprouveroit le plus de fecours de la part des gens de bien dont malheureufement le nombre eft fi petit Si au contraire il fe décourage, il fera couvert de blâme & il deviendra coupable envers la nation qui a droit de le juger. Voilà par malheur où m’ont conduit le manque de fermeté, une confiance & une défiance également déplacées: j’ai été trompé; je n’accufèrai perfonne; je me bornerai à faire le récit exaft de tout ce qui s’eft pafïë pendant mon miniftere, & je lais-ferai au leéteur le foin de juger ceux qui ont concouru au fuccès de mes opéra-
#ons, ou qii .les ont morcelées ou dé* gradées. Comme ces mémoires rte dob vent paraître qu’après ma mort, je ne craindrai pas de dire la vérité. Mon lùc-cefièur pourra y puifer d’utiles leçons.
S E C T I ON U
Tout le monde fàit que ce fut M, l’Abbé Dubois, Aumônier dé M. le Cardinal de Rohan, que le nïiniftere chargea de me prapofer la place de Secrétaire d’Etat de la guerre. Il ne me paraît pas bien intéreflànt de détailler ici toutes les çirconftancés de là million, mon extrême étonnement & l’embarras où d’abord me jeta une propofition fi peu attendue; mais enfin, par les motifs dont, j’ai déjà parié, j’acceptai & je partis incontinent après pour Fontainebleau où étoit la Cour. Toute la France s’y étoit ras-femblée, & jamais on lie vit autant de démonfirapon de joie & une plus grande
©Il, ST. GERMAIN, j:
: unanimité de fuffisges. J’avoue que mon ?mom propre en fut extrêmement flatté. Mais une longue expérience, une profonde connoiflànce des hotnmes & moi çaratee naturellement froid & indiffèrent, me fàuvereilt du danger de tant d’hommages, & ma tête au milieu de ce brouhaha n’en fut point troublée.
Je ne cairncaffois aucun des miniftres à qui étaient confiés tes diffèrens dépar-temens, & je connoiflois encore moins M- le Comte de Maurepas. J’en avois entendu parler divertement, & , dans ce qui m’étoit revenu de lui dans ma retraite, il me tembloit que l’opinion publique lui accordoit beaucoup d’efprît & furtout beaucoup d’agrément .dans Tefprit, une conception rapide & facile, une mémoire qui n’a jamais rien oublié, une grande habileté à iàifîf le vrai point des aflàires & à les.manier avec dextérité; un ca-laftere doux porté à Tirtdplgençe, à la bienfàifançe ; mais légers, plais capable defacrifien dé grands intérêts à un bon çiot: ?<(^nt ç# cjuel^uqs-unçs dq
t» MÉMOIRES du COMTE ces qualités & de ces vertus qui font les hommes d’Etat, mais suffi perdant la plupart de fes avantages par la légéreté de fon caraétere.
Dès mes premières converfàtions avec lui, je m’apperçus de ces triftes vérités. Si je m’étois laiiTé aller aux mou-vemens de mon aine, j*aurois dès lors demandé la permiffion de rentrer dans mon hermitage Quelques pérfoniies à qui je m’en étois ouvert me diflûaderent; cm me fit entrevoir qu’une pareille démarche affermiroit l’opinion qu’on avoit de mon inconûancé; on me flatta enfin que le caraftere du Roi*- fa fermeté, ia fimplicité, fon amour pour le bien & pour la juftice; & furtout ion averfion pour tout ce qui avoit l’air de la cabale ou de l’intrigue, pouvoient, malgré la légéreté & l’indifférence dé M. de Mau-repas , me féconder & me faire arriver à mon objet Je me livra d’autant plus facilement à cette efpérance que, dans quelques entretiens particuliers que j’eus avec ce Prinçe, je le trouvé plein d’une
DE ST. GERMAIN. 13 bonté féduilànte; tous les mouvemens de ion ame l’entraînoient vers la juftice & la bienfaifance, & il ne relpiroit que l’amour de la vertu & du bien. Je ne devois donc pas prévoir qu’il viéndroit un tems où tous les malveillans, qui étoient en grand nombre, parviendroient au fuccès de leurs vues intéreffées, & que le bien de Ton fervice, peut-être même la gloire de fon régné, feroient ainfi facrifiés aux avantages de quelques individus particuliers.
En même tems que je me plains avec tant de raifon, de quelques hommes puis-lànts & mal intentionnés, qui ont fi fort contrarié mes projets, je dois m’accufer moi-même d’avoir mal commencé l’ouvrage de la grande réformation que je mé-ditois. Il eft vrai que je n’ai pas oblèrvé un allez profond lècret; je me fuis livré avec trop de confiance à quelques hommes qui avoient calculé mon âge, l’in-ftabilité de ma place & l’elpérance de fe faire des amis puiflans aux dépens du .bien. Ces hommes pervers fe font fait un jeu
14 MÉMOIRES du COMtE de divulguer mes Vues & de me prépare# par-là de grands obftacles à vaincre, &j lorfque ces obftacles fe préfenterent en foulé, au &ü de m’encourager & de m’aider à les combattré, ils ne cherchoient qu’à m’entraîner à des condeicéndances qu’ils me fàifoient envifager comme peu importantes tandis que cependant par-là tout mon plan fe trouvoit dérangé.
Ramené par la réflexion à mes vrais principes, je fus faifi d’une juite crainte & d’une défiance fondée; je pris alors là réfolution de recourir à d’autres fècours; j’appelai près de moi un Officier Général dont je connoiflois depuis longtems la probité, le défintéreflèment, l’amour ardent, pour le bien, la franchife, la loyauté & fon auftere vertu. Je fàvois qu’il corn facroit toute là vie à des travaux relatifs à fon état; j’étois d’ailleurs sûr que la Gouf qu’il fuyoit ne pouvoir l’avoir corrompu; mais ce qui m’affermit encore davantage dans cette réfolution, c’eft un mémoire de lui que j’ai trouvé dans les papiers du Maréchal du Muy, rempli de lumières &
de vues patriotiques, qui me l’indiquoient comme l’Officier le plus profondément inftruit& le plus capable de me féconder*
Quoique j’euflè déjà traité avec le Roi divers objets importans que je n’aurois pas dû féparer de l’enfemble de mon plan » comme j’en avois reconnu les inconyé-niens, j’étois bien réfolu de retourner fur mes pas & de recommencer mes opérations.
J’inftruifis donc l’Officier Général dont je viens dé parler, dé mes projets & de mes vues : je les dilcutai avec lui; il me fît quelques obfervations très-juftes & très-lumineufes : je lui fis lire mon plan qui étoit difcuté dans mon grand mémoire que je lui confiai r& je le chargeai de mé-tablir fon opinion par écrit, en s’aftréi-gnant à mes principes dont je ne voulois plus m’écarter. Deux jours après il me remit le mémoire qui fuit. *
Méthode que M. le Comte de Saint Germain doit observer pour parvenir avec fureté à l'exécution de fes projets.
Première Opération.
i°. Il doit commencer par conftater de la maniéré la plus nette & la plus pré-cife, les fommes que le Roi attribue au département de la guerre, les moyens par lefquels on les verfe dans la caiffe des Tré-foriers, le déficit qu’elles éprouvent & enfin la fomme qui en réfulte net, & dont par conféquent M. le Comte de Saint Germain peut difpofer.
·         20.    L’emploi aétuel de cet argent, article par article, détaillé, motivé, afin qu’on puiflè juger de fon abfolue néceffité.
3°. Le même détail pour les fonds attribués, à la dépenfe de l’artillene & du génie.
.4® Le
4®. Le même détail pour les fonds connus fous la dénomination d’ordinaire des guerres^
5°. La difcuffion de la forme à ob-ferver pour reverfer de l’un à l’autre les épargnes.
Cette première bafe établie, il en ré* fultera une fomme quelconque; toutes les différentes dépenfes miles en compa-raifon avec cette fomme donneront la folution de la poffibilité de faire face à toutes les dépenfes actuellement exiftantes»
Seconde Opération.
Établir le projet des réformations à faire & l’arrêter avec le Roi dans le plus grand filence & lé plus gfand fecret ainfi qu’il fuit.
F. Réduction des quatre compagnies des gardes du corps au nombre purement & Amplement nécéflàire pour là garde de la perfonhe du Roi, lavoir: Chaque Compagnie à ioô gardes non compris les Officias & bas Officiers» &
s 5 fumuméraires toujours établis à Ver-failles & ne marchant à la guerre que lorsque le Roi y marchera en perfonne; régler leurs appointemens, leur (bide & leur traitement en conféquence.
11°. La réforme totale des Grenadiers à cheval, des Compagnies des Gendarmes, Chevaux légers & Mouiquetaires, ainfî que la iupreffion de la Gendarmerie, Fincorpofation des 30 Compagnies du Corps des Carabiniers dans les 30 Régi- ; mens de Cavalerie, & les légions dans i les Dragons.                  ■            i
RI0. Le rembourfement de la finance au moyen d’un intérêt à raifon de 1 o pour i cent pendant 15 ans, dont 5 pour cent pour opérer le rembourfement fucceflîf.
IV°. Supreflion totale des grandes charges de la Cavalerie & le rembourfement de leur finance par les mêmes moyens.
V°. Conftater la fomme qui réfultera en épargne de ces différentes opérations, en déduire les traitemens confervés- & les intérêts à payer pour l’extinétion de la finance pendant 15 ans afin d’avoir une , idée jufte du produit net.
Troisième Opération.
F. Établir une nouvelle administration pqur les vivres » pour les hôpitaux, pour le fourage de la Cavalerie & poup les Bureaux de la guerre, ainfi que pour l’hôtel des Invalides , voir a quoi peut monter, année commune, l’objet d’épargne dans ces différentes parties.
11°. Attaquer dans toutes lès parties l’adminiftration de l’artillerie & du Génie pour croître les économies réelles que l’on pejÿ .^ faire.
in°. Réunir enluite toutes ces Tommes enfenjble & établir les forces de. l’armée dans la proportion de l’argent que le Roi a à dépenlèr en y comprenant l’éventuel qui doit s’étendre liicceffivement; mais en réglant Chaque année l’augmentation progreffive ,Tur les lommes qui rentreront par ces extinctions, afin de ne jamais s'engager dans des dépenfes excédentes.
HL Celle de conftitution de l’Infanterie, de la Cavalerie, des Dragons & des Huflàrds.
·         IV.    Celle d’adminiftration, de difci-pline, de fubordination,
·         V.    Celle delàdéfertion, des crimes fit délits militaires, & des ConTeils de guerre, • VI, Celle du fervice des Troupes en garnifon, en cantonnement, en marchant dàns le Royaume & en campagne.
·         •    VIL Arrêter le tableau des Officiers généraux à employer aux divifions ou ^oûr commander dans les Provinces.
; VUI. La nomination des Régimens Vàcans, des places de Colonels en fécond, des Lieutenans Colonels, des Majorités, des Majors & Aide-Majors, des divifions, tous emplois qui feront accordas par préférence à ceux qui parles différentes fupreffions auraient perdu les places qu’ils occupoient, en examinant fie ën apréciant le mérite & les talèns de chacun, afin de les placer fuivant qu’on jugera' qu’ils pourront fervir le Roi plus utilement, •
Méthode à obferver,
A mefîire que chacune de ces ordon* nances fera faite, examinée & corrigée, préfentée au Roi & approuvée par Sa Majesté, toujours dans le fecret & le filence, on les renfermera dans le cabinet jufqu’à ce que tout foit confolidé; enfîiite, avant de les publier, on enverra chaque Officier, foit général, foit fupé-rieur, foit particulier, à fà deftination, & on réglera l’envoi de ces ordonnances de maniéré qu’elles arrivent toutes dans toute» les garnifons du Royaume le jour même où on les diftribuera à VerfàiÛes,. avec ordre de les exécuter dans la huitaine. C’eft le feul moyen d’arrêter daiis fou principe toutes les prétentions, les réclamations & les plaintes, & de parvenir avec fureté à l’exécution d’un fi grand projet. Tout autre le feroit échouer*.
Moyens de consolider cet ouvrage»
Etabliflèment du Confeil de guerre à Verfailles à, l’hôtel de la guerre.
Ce Confeil fera compofé d’un Maréchal de France Préfident, d’un Lieutenant général Vice-Préfident, d’un Secrétaire. d’Etat Raportçur, de qüatre autres Lieu-tenans généraux; un de Cavalerie, deux d’Infanterie & un du çprps d’Artillerie & du génie; de huit Maréchaux de camp, d’un Confeilier d’Etat, d’un Intendant des finances, qui tous auront voix délibérative. Il y fera auffi attaché un Secrétaire garde des Archives,
Le nombre de huit Maréchaux de Camp eft d’autant plus néceflàire que la. plus grande partie de l’année il n’y en aura que quatre qui feront préfens au tribunal, les quatre autres feront con- ftamment occupés à parcourir le Royau-me‘pour vifiter les places, les arfenaux, les travaux, les troupes, voir fi les loix, fes réglement, les ordonnances font oh^
fervées & en faire le raport au Confeil à leur retour.
L’objet de l’établifièment de ce Confeil de guerre étant de pourvoir d’une maniéré fûre à l’exécution exafte & littérale des loix militaires, à la difpenlà-tion jufte des grâces & des récompenfès, tout ce qui eft relatif à l’adminiftration de la guerre y fera mis en délibération, décidé à la pluralité des voix, infcritfllr le Regiftre par le Secrétaire garde des Archives, ligné par tous les membres préfèns. L’extrait motivé fera enfuite préfenté au Roi par le Préfident, le Vice-Préfident & le Raporteur, pour que Sa Majesté puiffe y faire droit & que l’expédition en forme d’ordre & le comman-ment fbient faits en conféquence.
Il fera fait un Réglement de police & d’adminiftration pour ce confeil, qui conftatera l’état des membres qui le com-pofent, leurs droits, leurs prérogatives & leurs fondions.
. Je trouvai ce mémoire fi net, fî précis & fi conforme à mes idées, que je pris la réfolution de le fuivre de point en point, & j’avois déjà en conféquence ordonné un nouveau travail; mais on parvint encore à m’inipirer de la crainte fur les obftacles qu’on me fit envifàger; on me repréfenta d’ailleurs avec affez de vivacité que, puifque le. Roi avoit déjà les projets d’ordonnance de là maifon, & M. de Maurepas ma parole, je ne pouvois plus rien y changer fans me rendre coupable d’infidélité. On me fit entrevoir.enfin, que de telles variations pou-voient donner des impreflions défavorables à un jeune Prince qui ne me con-noiflbit pas. Effrayé par ces raifonnemens captieux, je terminai le travail commencé dans la perfiiafion que cette condes-dance n’influeroit pas fiir les.autres grandes opérations qui me reftoient à faire; mais par-là je fus jeté hors de ma route; &, quelques efforts que je fille pour y
DE ST. GERMAIN, a? rentrer, je trouvai partout des obftacles impoffibles à vaincre.
Je dois un hommage à la vérité. Le même Officier général qui avoit rédigé le mémoire qu’on vient de lire vint me trouver pour m’engager à renoncer à mes projets, qui ne pouvant plus avoir cette liaifon & cet enfemble néceflàire, ne pro-duiroient pas le bien que je defirois; il voüloit qu’en laiflànt tout fubfiiter, je bomaflè mes opérations au rétabliflèment de la conffitution militaire de 1763; il fe fondoit fur ce que, de l’aveu de tous les Officiers inftruits, elle étoit la meilleure, la plus analogue au génie de-la nation & la plus propre à procurer au Roi une bonne & folide armée. 11 ajouta à ces raifons des détails qui fembloient prouver d’une maniéré évidente la force de fon opinion; mais il ne put rien fur moi. J’étois trop perfiiadé de l’avantage de ma çonftitution militaire fur toutes les autres pour ne pas perfévérer dans le parti que j’avois pris. Cependant je ne tardai pas d’éprouver de très-grandes difficultés.
Dès que les Courtifàns virent, que je m’étois relâché de la rigueur de mes principes en faveur des Chevaux légers & des Gendarmes de la garde, leurs espérances fe ranimèrent; on employa alors tous les refïbrts de l’intrigue pour faire conferver, n’importe à quel prix, ni fur quel pied, les Carabiniers & la Gendarmerie: je m’étois engagé envers Mon-fieur frere du Roi & MM. de Mau-repas & de Caftries, fans lavoir par quel moyen je parviendrois à donner à ces corps une conftitudoif qui pût parer aux inconvéniens qu’ils avoient par leur nature. Le Roi qui avoir mieux fend çette vérité que perfonne, avoit l’intention de réformer ces corps ; mais enfuite on l’en détourna en lui repréfentant que loin d’être une opération d’économie, ç’étoit au contraire un objet de dépenlè dans le moment de plus de quatre millions pour le rembourfement des charges , & je fus encore forcé de me relâcher fur ce point.
Cettç marche chancelante encouragea
les malveillans & leur procura les moyens de donner au Roi des impreflions défavorables , dont je ne tardai pas à refièntir les effets; mais je ne m'occupai pas moins de quelques autres opérations utiles, telles que l’arrangement des Gouvememens & h profcription de la vénalité des emplois militaires. Par un effet des mauvais génies qui me maîtrifbient, futilité, les avantages & la lolidité de l’ordonnance des gouvememens dirent encore afibiblis par des modifications auxquelles on me força. Elle a cependant reçu des aplau-dtfTemens; il eft vrai qu’elle en auroit eu bien davantage fi les premiers principes & la première bafe n’avoient pas été altérés; elle avoit au refte l’inconvénient de paroître ifolée au lieu d’être liée à fenfemble de la machine & de faire partie dans le Réglement du Chapitre des récompenfes militaires.
De tout ce qui tient à l’adminiftration du département de la guerre, rien ne m’a donné plus de peines ni caufé plus d’embarras que L’arrangement des vivres; il
étoit queftion de détruire & de fuprimer une compagnie diftinguée par les lumières, fon intelligence, fes talens & les grands & importons fervices qu’elle avoit rendus pendant la derniere guerre, mais dont h dépenfe abforboit des fommes fi confidérables en plus values, qu’il étoit prefque impoflible. d’y faire face. Dans mon premier projet je voulois fier cette partie à l’adminiftration générale & en charger les corps; j’avois déjà fait préparer le réglement qui devoit l’établir , quand les eflàis que j’avois fait faire m’en démontrèrent les difficultés & le danger. J’eus alors recours aux lumières de quelques Intendans; leurs mémoires ne me préfenterent pas des idéesafiez fatisfailàntes pour les adopter; &, après avoir été agité longtems par une très» grande incertitude, je donnai la préférence à la régie; mais, avant de parvenir à celle qui exifte aujourd’hui & dont les avantages font démontrés par une économie de plus d’une million, le Sr. Delille m’avoit entraîné dans un arrangement fi
DE ST. GERMAIN. 31 compliqué, fi dispendieux, où il avoit tant iàcrifié à fon intérêt perfonnel qu’il eût été impoffible de le ibutenir & j’au-rois été forcé de revenir à la compagnie des vivres. Mrs. de Cbamifot & de Gui-bert me démontrèrent cette vérité effrayante & eurent le courage, malgré le danger qui en réfultoit pour eux, de me propofer le plan que l’on fuit maintenant Tout ce que le menibnge & l’impofture purent imaginer d’imputations horribles, Rirent épuifées fiir M. le Comte de Cha-mifot On l’accufoit devoir reçu de l’argent, tandis qu’il avoit rejeté avec indignation, les fommes confidérablés qu’on lui propofoit pour m’engager à renoncer à mon projet II m’étoit d’autant plus impoffible de fufpeéter fa probité qu’à mefure qu’il recevoir des lettres & des foumiffions, il me les aportoit; enfin, on a pouffé l’animofité fi loin qu’on s’eft fervi de la police même pour foire foire des recherches qui n’ont eu aucun fuccès. H n’eft pas moins vrai que, pour avoir rendu un fervice effentiel au Roi, il eft
devenu l’objet de la haine & de l’ani-madverfion de tous ceux qui avoient quelque intérêt dans les vivres, & qui étoient en grand nombre» Ils avoient dans leur parti un homme très-dangereux par fon caraétere, c’étoit M. de Pezay, fans naiflànce, fans talens & fans mérite, mais ayant beaucoup d’elprit & plus d’intrigue encore. Cet homme avoit trouvé moyen de s’élever au point de faire rétablir pour lui une charge qui avoit été précédemment remplie par trois Maréchaux de France. Abufant de là faveur, il avoit acquis le pouvoir d’em-barrafTer toutes les opérations quand il ne les aprouvoit pas. Celle des vivres, quoique fes avantages fulTent géométriquement démontrés, eut à lutter contre les mêmes obftacles, de maniéré que je commençai à être affefté de l’idée affligeante que le Roi fufpeéfoit ma probité. J’avois fuporté beaucoup de dégoûts jufqu’a-lors; mais j’étois bien décidé à ne pas fuporter celui-là parce qu’il attaquoit trop vivement mon honneur. J’eus donc dans cette
bE s*, germain. 33 cette üccàfîon une converfàtion fi ferme avec M. de Maurepas, que Sa Majesté ne refufa plus d’approuver ce pian; à il eut ion entière exécution. L’expérience & le téms prouveront fi j’ai eu tort ou raifort. .
t)ans le même tems j’ai rompu auffi le marché des fourages qui étoit très-onéreux au Roi. Les entrepreneurs, qui faifoient des profits îmmenfès, avoientfait jouer tous les reïforts imaginables pour me faire renoncer à ce projet; fis ont îorigtems cherché à féduire par des intérêts & de l’argent tout ce qui m’envi-ronhoit; mais, loin de féconder leurs vues » tous fe firent gloire de me les dénoncer; & je conçus aflèz par-là combien il ÿ avoir à gagner pour le Roi. j’en ai fait faire le calcul peu de ten^ avant d’àb-diquer le miniftere; &, quoique le Ré-, glement n’ait pas été généralement fuivi avec cette exâftitude^défirable, que d’ailleurs les cofps prévenus trop tard de ces nouveaux arrangemens, fuflèht dans les, commeneemens gênés for lés moyens &
C
entraînés par conféquent à des marchés onéreux, il en rélùltoit cependant déjà fur toutes les troupes à cheval une économie de près d’un million; & je fuis petfuadé qu’à mefiire que les troupes du Roi feront habituées à cette adminiftra-tion, il en réfultera chaque année un bénéfice plus confidérable. Je délire donc que l’intérêt, ce mobile fi dangereux qui produit tant d’erreurs & tant de mal, n’entraîne pas à quelque changement dans cette partie. Il eft toutefois certain que je ne luis parvenu à me ménager les moyens de donner une augmentation de folde que par les économies que j’ai faites lur les vivres & les fourages.
Depuis longtems l’abus & l’inutilité des grandes charges de la Cavalerie & furtout de leurs Etats-Majors étoient démontrés. Il n’y avoir pas un militaire éclairé qui ne s’élevât contre & qui ne réclamât leur fupreffion. Cet objet faifoit partie de mon plan général; mais j’avois manqué le moment, & il étoit difficile d’y revenir. Lorfque j-’entretins le Roi
DE S*. GERMAIN. 35 de ce projet, je jugeai par les objections que Sa Majesté toe fit, que l’intrigue & la cabale l’avoient déjà préparé à la réfiftanct: il me dit que, dans un grand Etat Comme le fien, il ftlloit de grandes grâces pour attacher & confervet à fon fervice de grands feigneurs; comme fi avant la création de ces places abufives, la nobleflè françoife ne fervoit pas, & que routes les fois qu’un mal eft très-évident, aucune confidération doive arrêter; maïs tel eft le malheur des meilleurs Princes, qu’ba les abufe plus facilement Æt plus hafdiinent que les autres, & què les hommes qui les environnent & qu’ils accablent de leur affeCtion & de leurs bienfaits, ne font occupés qu’à tromper leur inexpérience & à égarer leur jeu-neflè, polir fàusfàire leur cupidité ou leur ambition.
Quelque certain que je fufle de la réfiftance que j’allois de rechef éprouver, je ne préfentai pas moins à Sa Majesté un mémoire raifonné -fur la néceffité de cette fupreffion. Un jeune C 2
Colonel, aufli diftingué par fes talens, par l’étendue de fes connoiflànces, par fon efprit, que par la chaleur de fon ame qui peut-être quelquefois l’entraîne au-delà du but, mais dont les écarts-mêmes peuvent être juftifiés par le plus ardent amour pour le bien, & par le patriotifme le plus rare, ayoit fait ce mémoire; & il avoit donné une telle force aux motifs qui me déterminoient, que j’ofai prefque me flatter du fiiccès. Mais le Roi y jeta à peine un coup d’œil, i me le rendit & n’en devint que plus obftiné dans fon refus. Il me dit cependant qu’en laiflànt fubfifter les char- J ges, on pouvoir en détruire les incon-véniens; &, du ton dont Sa Majesté me .parla, je devois concevoir quelques efpérances,- je fis en conféquence rédiger une ordonnance que j’avois combinée, de maniéré que les abus contre lefquels pn s’élevoit le plus, fè trouvoient naturellement détruits, c’eft-à-dire ceux des charges attachées à ces grandes places, fous le titre de Maréchaux ou aide-
Maréchaux des logis, qui donnoient lé droit & la certitude de parvenir au grade d’Officier général à des hommes de la lie du peuple, qui a voient amaffé afièz d’argent pour les acheter, fans qu’ils eus-fent belbin de fervir, ni d’efluyer des coups de fufils, ni même fans être jamais en fituation de mériter ou d’acque-rir la moindre connoiffince militaire; & par malheur le tableau des Officiers généraux n’eft que trop furchaigé de pareils fujets, qui dégradent & aviliflent cette dignité.
Ce mal fe trouvoit totalement détruit par cette ordonnance fi intéreflànte & fi néceflàire à futilité & au bien du lèrvice. Mais après que le Roi l’eut examinée, approuvée, & permis qu’on l’imprimât ; le jour même où je devois la diftribuer, SA Majesté m’ordonna de la fufpendre, & la fùprima enfuite d’autorité : c’eft encore l’intérêt- particulier qui prévalut dans cette circonftance fur l’intérêt pUbHc. Il en réfulta que quatre mois après on fubftitua à cette ordon-
08 MEMOIRES du COMTE nance, une qui perpétue à jamais ces grands abus.
Quelque aflÿgé que je fufiè de tant de contradictions, je ne continuai pas moins mes opérations; je fis rendre au Roi une ordonnance qui fuprimoit les Inipeéleurs qui eoûtoient 7 20000 ® & ne yemplifloient point l’objet de leur in-ftitution, tant par le choix de quelques fujets peu en état, que par la négligence avec laquelle la plupart d’entr’eux fii-foient leurs fondions. Ici on me repré-fenta les incônvéniens & les dait^ers de cette fupreffion après raffojbliflement de mon pouvoir & le peu de liberté que j’aurais à propofer les Officiers généraux les plus méritans pour remplir les places des divifions que je voulois fuhftituer aux Infpeéteurs. Je n’éprouvai que trop par la foite la vérité de ces avis. On m’obfcrva auffi que cette fupreffipn étoit prématurée; mais que, dès que je m’y obftinois, elle devoir du moins marcher de niveau avec la formation des divifions, afin de ne pas çxpofer les troupes à une anarchie dangereufe.
Toutes ces petites opérations n’étoient que des parties féparées & morcelées de mon grand plan, dont il ne m’étoit plus poflible de refaifir l’enfemble; il ne me reftoit que l’elpérance de fortir de cet embarras &.de débrouiUer ce cahos, lorsque tout feroit achevé. On m’avoit donné le projet d’un code qui pouvoir me procurer cet avantage.
Dans le même tems je venois de finir l’arrangement des écoles militaires qui avoit reçu d’autant plus d’approbation & d’applaudiflèmens, qu’il procu-roit plus de débouchés à la pauvrç np-bleflè & une éducation meilleure, J’avois deftiné le fomptueux & vafte bâtiment de ce grand établiflement au raffemble-ment des quatre Compagnies des gardes du corps- H y eut encore dans cette occafion un grand choc & un grande con-tradiétion d’opinions; mais les raifons de ceux qui penchpient pour ce raffemble-ment m’ayant paru plus folides, plus militaires ^ plus propres à remplir l’objet de l’infiruétion & de. la difciplipe, je
pris le Bon & les ordres du Roi, & pn àlloit s’occuper des difpofitions né-ceRaires pour y établir fucceflivement les quatre Compagnies, quand on parvint encore à me faire renoncer à cet arrangement APr& ^ balancé longtems fur la deftination dp ce bâtiment, je m’arrêtai à celui qu’on a vu depuis dans l’ordonnance approuvée par le Roi. Je dois dire, pour ma juftification, que cette ordonnance n’a pas paru telle que je l’avois d’abord propofée, Sa Majesté l’ayant gjardée parjdpvers Elle plus de fix mois pour la communiquer à je ne fais qui* & elle m’a été rendue avec -des chan-getpcns quç j’ai été forcé de fuivre.
On a étrangement abufé dans cette circonftance de la bonté & de la confiance du Roi, & on a pris pouf texte l’école des Aumôniers. On en a fait un moyen d’intrigue qui a eu tout le fuccès qu’on efpérojt. Comme j’avois. été au? trefois aux Jéfuites, que j’étois d’ailleurs dans une liaifon d’eftime & de vénéra-, ^on avec ^L l’Archevêque de Paris, on
crut déjà voir renaître cette fociété de fes cendres, & on fe permit dans cette occa-fion les affertions les plus calomnieufes ; pn étoit bien fûr qu’en parvenant à me donner un dégoût marqué, je n’y réfis? terois pas.. On fit intervenir dans cette grande affhire M. le Garde des fceaux & le premier Préfident du Parlement; on indilpolà enfin tellement Sa Majesté contre moi, qu’il me fu; impoflible de me le diflîmuler à la maniéré dont Elle me donna fes ordres fiir cet objet Dès lors pçffuadé que je ne parviendrois plus à faire aqcun bien, je pris fiir le champ le parti S’abandonner ma place qui ne pouvoit plus avoir aucuns charmes pour moi; je fis donc demander à Sa Majesté la permiflïon de lui remettre ma démiffion.
Je protefte ici, & je renouvellerai cette proteftation à l’article de la mort, que jamais aucune idée de Jéfliite n’eft en? trée dans mon projet de l’école des Aumôniers , que j’ai demandé indiftinflement à plufîeurs Evêques des fùjets inftruits \ & vertueux fous la condition expreflè
qu’aucun n’eût été Jéfoite: & en vérité on me faifoit plus d’honneur que je ne méritois» de crotre que depuis 50 ans que j’avois abjuré les donnes de cette fociété, je puffe y tenir encore par aucun fentiment d’attachement. Mais cela prouve avec quel art les courrions lavent rapprocher les extrêmes & rendre vrai-femblables les choies les plus disparates, quand il s’agit de tromper leur maître, de perdre quelqu’un ou de le calomnier.
Mon projet. pour les Aumôniers des corps était de leur faire un traitement convenable, afin que de bons lujets re-cherchafTent ces places dont la plupart font aujourd’hui remplies par des prêtres fans mérite & fouvent fans moeurs. Les 600 W que Je Roi leur donne ne fuf-filènt pas à leurs befoins. Je trouvois dans le clergé de France des refiburces qui auroient doublé leur état fans qu’il en coûtât rien au Roi.
Pendant que tous les premiers arran-gemens faits pour l’école militaire fe confolidoient, on travaillait à l’prdon-
nance de conflitudon de Farinée, & à celle de réglement & d’exercice. J’avois en même tems chargé le Bon. de Salis, Brigadier, Officier plein d’elprit & de talens, de rédiger l’ordonnance du fervice des places : j’ai vu fon plan qui m’a infiniment féduit, je ne crois même que lui, capable de donner une forme avan-tageulè à cet ouvrage important J’exhorte mon fucceflèur à y recourir quand il s’en occupera.
SECTION IIL
Lorsque les Ordonnances de confti-tution & de Réglement furent achevées & que le Roi les eut aprouvées, Sa Majesté m’autorilà à faire Joindre les Colonels & les officiers inférieurs. Comme j’avois fuprimé les Infpeéteurs & que les diviïions n’étoient pas encore établies, il fàlloit bien que ce fuiTent les Colonels eux-mêmes qui procédaient à donner à tour corps la nouvelle formation & à y
établir l’adminiflratïon prefcrite; On m*a-voit vivement repréfenté le danger & les inconvéniens de cette méthode ; mais je ne m’y fuis rendu que pour les Ré-gimens de quatre Bataillons qu’il étoit queftion de-dédoubler. J’ai eu tort, je le confeflb, car il en a réfulté beaucoup de défordre. Quoique les ordonnances fliflènt claires, tout le monde n’en fih fiflbit pas l’efprit „ où par malice ne vou-loit pas le faifir. On multiplia les questions qui forcèrent à des explications & à des interprétations qui procuroient un nouveau moyen à mes ennemis de me tçndre des pièges & de m’entraîner dans l’erreur. De tous les embarras, le plus pénible & le plus grand, celui qui m’ab-forbôit & me tourmentoit le plus, étoit de débrouiller le cahos effrayant des Colonels, dont le nombre foys le Ministère de mes prédéceflèurs, s’étoit accru 'à un tel point, qu’il étoit bien difficile de s’en démêler. Toutes les protections étoient en aétion dans ce moment-là ôç je fùs.aflàilli de toute paçt, '
Cette partie de l’adminiftration militaire eft peut-être la plus épineufè & la plus difficile en France, en même tems qu’elle eft la plus intéreflante. Comme c’eft de la claflè des Colonels que doivent fortir les officiers généraux & que, s'ils font mal choifis, ils ne peuvent en fournir que de mauvais, il étoit bien important d’y aporter la plus lévere impartialité & la plus férieufè attention. D’ailleurs, les Colonels étant, par état, chargés de diriger les corps, il n’eft as-furément pas indifférent, que ces corps foient bien ou mal conduits, puifque c’eft de-là que dépend la bonne ou mau-Vaife conftitution d’une armée, par con-féquent la gloire & le falut des Empires.
Malheureufement en France, comme je l’ai oblèrvé dans mon grand mémoire, il s’eft introduit une diftinétion pemi-cieufe entre la noblefle de la Cour & celle des Provinces, qui vaut presque toujours mieux, entre la riche & la pauvre, de maniéré que l’une a tout, làns rien mériter, & que l’autre ne parvient à
rien, quelque chofè qu’elle mérite; que tout le monde à des prétentions, &qué peu de perfonnes le mettent en devoir de les juftifier pat des fervices & par des talens. Dans cet état des chôfes , il m’étoit bien difficile de faire un bon choix de Colonels. J’avois perdu de vue le fer-vice de France depuis trop longtems pour connoître les fujets qui préten-doient à ces places; les notes des Bureaux, dont j’avois fait faire le dépouillement, ne pouvôient pas même me guider furement. Je pris donc le parti d’abandonner ce foin entièrement au Prince de Montbarëy, qui, ayant vécu confta-ment en France & exercé longtems une Charge d’Infpeéteur, pouvoit être plus en état d’en juger que moi.
Je né justifierai ni ne blâmerai ce choix; il n’a pas été àuffi libre que le public penfe; tout s’eft réuni à le contrarier, parce qu’il eft dans la deftinée dé la France d’écarter du commandement des corps ceux qui en font les plus dignes & qui feraient le plus en état de les bien
DE S1. GERMAIN. 47 commander; & par malheur on y attaché fi peu d’importance, qu’on n’a pas craint d’intéreflèr la bonté & la fenfibilité du Roi en faveur de quelques fujets dont le choix étoit diamétralement oppofé à la loi que Sa Majesté venoit de figner & de publier. Quoiqu’elle ne prononçât pas d’autorité, & qu’au contraire, die me laüTât le maître de faire au travail arrêté les changemens que je jugerois convenables, cependant il étoit difficile de fe livrer à de nouvelles repréfenta-tions. Tout ce que j’ai eflùyé de blâme & de reproches fiir ce choix des Colonels, ne peut fe concevoir; mais il m’étoit impoffîble alors de me difculper. Le même embarras ayant exifté pour le choix des Officiers généraux des divi-fions, j’avois également les mêmes combats à livrer, des prétentions à repouflèr & des obftaçles à vaincre. 11 réfulta de ces longues difcuffions un rétardement nuifîble, & un défordre dont le mal pouvoir s’accroître par les circonftances. Je me déterminai cependant à faire ce choix
fi difficile & à former les divifions. Si j’ai eu ün tort dans cette occafion, ce n’eft que de les avoir peut-être trop multipliées* Car ce jpremier choix, à trois ou quatre Officiers généraux près, qu’on y avoit admis de complaifance, mais qu’on avoit en même tems placés dans des points où ils pouvoient le moins nuire, avoit été fi bien fait qu’il fiit généralement apiaudi; il n’y avoit donc d’autre changement à y faire que de diminuer le nombre des divifions, de rendre ces Officiers généraux permanens & de ne les remplacer que dans le cas de prévarication aux ordonnances, de maladie, ou de ceflàtion volontaire de leurs fonctions, ainfi que le réglement le preicri-voit. Us fe féroient inftruits eux-mêmes, habitués dans les détails & attachés à leurs devoirs, d’où il auroit réfulté de grands avantages pour la difcipline; mais il y a une fatalité, qui eft particulière à l’adminiftration françoife, c’eft cette cruelle inftabilité dans les choies même reconnues les plus avantageuies* Ce
* choix
choix , des officiers^ généraux n’a pas été plutôt connu que toutes les prétentions les plus mal fondées fe font élevées; j’étois bien réfolu de les repoufler pour maintenir mon ouvrage, mais une autorité fupérieure, qui ne pouvoir ni con-noître, ni fentir le mal qui en réfultoit, m’a forcé de céder encore; il y a donc eu au mois d’Oétobre un bouleverlèment général dans l’arrangement des ^virions; la plupart. des. meilleurs Officiers généraux, .ceux qui- étoi.ent le plus en état de confolider les avantages & l’utilité dç cette inftitution, ont été révoqués ? & oq les a remplacés par des hommes qui n’a-voient jamais fervi , qui n’avoient aucune notion du détail des troupes, ou qui les ayoient perdu de vue depuis fi long-tenis» ou &’en étaient fi peu occupés, qu’ils n’ont pu manifester qu’qne très-grande incapacité ; & ils font «devenus par-U l’objet de -laplaifanterie des Officiera & dps Soldats» r. Il en a çéfulté un grand . mal pour la,discipline,,-par con-foqueïtt de;.défordre .^p^s efl^yant &
D
le plus complet On eft parti de-là pour foutènir que le Syftême des divifions étoit impraticable en France, quoique tout le monde fbit obligé de convenir qu’il n’y a que ce Syftême qui fbit véritablement- militaire.                                j
- Mais précédemment à ce bouleverfe-meht '& à ce défbrdré dont je me défens, & ddrit certainement je ne fuis pas la caùfe/iï ÿ eut des plaintes, des réclamation^ des queftions & des doutes fur les ordonnances de conftitution & de Réglement qui ont donné lieu à des ëclairciflèmens, à des interprétations contre îefquelles 3 m’a paru qu’on s’étoit beaucoup élevé. Ceft dans cette cir-conftance que j’ai éprouvé combien on pouVoit tromper un miniftre & abufer de fà confiance; Ces doutes, ces ques-tiôfii m’ayant toujours été préfentées îfolées ' & fans que la loi fur laquelle elles1 portôient fût mile en opofition, & dans les moniens oîf j’avois la tête remplie ’ de mille autres objets plus : impor-tans',-ôn "eft parvènû à me faire donner
des décidons contraires à l’efprit de la loi & toutes contradictoires entr’elles. Je fus averti de cette trahiibn criminelle par un mémoire qu’un Officier général eut le courage de m’adreflèr, qui met-toit en opofition les lois avec les interprétations; mais ce mémoire étoit écrit avec tant d’humeur & de fiel que je le brûlai après l’avoir lu. J’en fuis fâché aujourd’hui. Si je pouvois le mettre fous les yeux du public éclairé, on verroit, par la critique même, la force & la fétidité de la conftitution militaire aftuelle, en la dégageant des changemens que ces interprétations y ont occafionés, & en ramenant tout au fens littéral des ordonnances.
Je me perfuade d’après cela qu’il n’y a pas un militaire deftitué de préjugés qui ne ibit obligé de convenir que, ce feroit faire un mal irréparable à la France en renverfant de nouveau cet édifice dont le tems feul peut faire connoître la beauté & la force. J’adrefle donc mes vœux. au ciel & je le prie d’inipirer au
Roi la fermeté néceflàire pour écarter toute propofition contraire. Je n’y ai d’autre intérêt que celui du bien & de là gloires Un nouveau bouleverlement décourageroit & effraieroit d’autant plus qu’on n’y verroit de rechef qu’une affaire d’un moment & dont la durée feroit encore foumife au changement de miniffre; & tant que ces maux fe renouvelleront, la conftitution militaire françoife ne prendra aucune force, aucune folidité, ni aucune confiftan-ce. La conftitution pruflienne renferme-certainement une multitude de défauts & de vices que le Roi con-noît; mais il aime, mieux -les laifler fob-fifter que de changer; il cherche à en affaiblir les effets par d’excellentes loix -de difcipline & d’adminiftration-qui font rigoureufement fuivies; & c’eft parce que depuis foixante ans» il n’y a pas eu la' moindre variation, que fes- armées ont une fi grande fiipériorité for toutes celles de l’Europe. Je biffe-à penfer quelle feroit celle-des armées françoifes.
DE ST.GERMA1N. A 55 fi les corps, qui les compofent pouvoient elpérer quelque, fiabilité. Les. lois que j’aipropoféps, & que le Roi a adoptées, fi on veut les examiner. &. les. juger avec équité, font toutes excellentes. Ce n’eft pas la faute de ces lois fi. elles ne font ni fiiivies ni rçfpeélées :. je conviens que jamais on n’a vu tant de prévarications, ni tant d’impunités; mais ce mal ne peut? être imputé ,;aux adminiftrateurs; il eft une fuite, prefque inévitable, de l’efprit d’une Cour jeune, livrée aux. diflïpations & aux plaifirs. Il eft bien difficile d’en fentir les, dangers dans l’âge des. pas-t fions. Une guerre vive , qui ne peut «être que malheureufe, parce que la corruption ne produit que des malheurs, peut feulq faire connoître ces triftes vérités, & peut-être ramener à la raiïbn; mais plus l’égarement aura été long, plus le mal fe fera enraciné, & plus il y aura de difficultés à le détruire. Je n’ai pas ignoré une feule des clameurs. qui fe. font, élevées, contre moi & .contre la* foiblçfle qu’on me reprochoit* .Je ne contefte pas. que je n’eüs-
fe eu le pouvoir de faire un exemple fur des prévaricateurs obfcurs ou fubalternes; mais , par cette raifon même, cet exemple n’auroit produit aucun effet, & la trop grande bonté du Roi le rendoit impoffi-ble fur des hommes puiflànts. J’étois d’ailleurs déjà découragé. Je voyois le mal s’acroître & le bien impoffible, je voyois enfin que toutes les chofès étoient parvenues à un tel degré de perverfité, que les places, les dignités, les décorations & les grâces alloient être envahies par tous les courtifàns, &, de préférence, par ceux qui étoient les plus corrompus; mais ce qui mit le comble à mon dégoût & à mon défefpoir, c’eft quand le Roi, par fon autorité abfolue, me força à rétablir les Officiers des Gendarmes de la garde & des chevaux légers qui avoient été fuprimés un an auparavant; quand, contre la teneur de la loi la plus formelle & la plus pofitive, on créa cent com-miffions de Capitaines en finance. De tous les maux qu’on peut faire à une confti-tution militaire, il n’en eft poin; qui puis-
DE ST. GERMAIN/ 55* fe être comparé à ceux qui rëfultèront de cette création ; je dis plus : c’eft que cent commiffions de Colonels n’auroient pas fait le même mal, parce que ces places de capitaines dégoûtent, aviliflènt & dégradent tout le corps fubalterne du militaire François. Je protefte donc ici que je n’ai eu aucune part à toutes ces. monftruofités, & on peut d’autant plus m’en croire que je ne crains pas d’a-. vouer franchement, les fàutes que je crois avoir faites.
C’eft toujours par amour pour cette même vérité que je confefïê que l’arrangement de l’artillerie eft l’ouvrage de M. de Gribauval. Je l’ai laiffé le maître de donner à ce corps la conftitution qu’A croiroit la meilleure; &, fi on reproche quelque chofe à l’ordonnance qui concerne le corps, il faut adreilèr ces reproches à cet Officier général. Il exiftoit dans l’artillerie une fi grande divifion, que pour rétablir quelque tordre, il falloir né-ceflàirement fe déterminer à un parti: j’ai donné la préférence à celui qui réunis-
foit la pluralité des. fuffiagess ce n’eft pas que je. ne fois très perfuadé que-M. de Saint Auban n’ait des talens & de l'expérience; mais il m’a paru, par tous les mémoires qu’il m’a donnés, qu’il avoit le défaut de tous les vieux Officiers, c’eft d’être trop fervilement attaché aux an-ciens ufages, fans examiner les progrès qu’un art peut avoir fait pour fe per-feéüonner. M de Valiere, dont il a été lé difciple & l’ami, avoit bien auffi ce défaut-là. Quoique je n’euflè fur l’artillerie que des connoiflànces très-fuperfi-cielles, il m’a cependant paru que les principes de M. de Gribauval méritoient la préférence. IP eft vrai que ïon Sy-ftême coûte plus que celui de M. de Saint Auban.
De tous les corps militaires qui- font en France, celui du génie m’a le plus pénétré d’admiration par tous .les fujets du plus grand mérite & en grand nombre qui le compofent; on y trouve toutes les lumières ■& tous les talens réunis au plus haut degré. Leur probité que l’en-
DE S* GKWAiN. 5^
vie, la jaloufie &*la haine ont fi fouvenc attaquée, a paru dans tout ion éclat par: la réunion de toutes les opinions des Officiers généraux des- divifions que j’avois autorifés d’examiner leur adminiftration; & ce n’eft «ju’après m’être alluré de toutes ces connoiflances que je me luis dé» terminé à donner à ce corps laeonlti-tution avantageufe qu’il a maintenant Si j’avois eu- plus de crédit & de force, j’aurois pKmonpéUe-motj-&. j’aurois as-figné aux1 Officiers «du génie exclufive-ment à - tous . les -autres, les fondions des Etats-Majors;-des -armées;* ;Cet ar-rangement,Uoplusr.uçile.aivfervice & le plus r^fenable,. n’-auroitnpus ôté aux Généraux. d’armée la liberté de choifir les fujets qui-leur convenoient pour ces fonctions importantes,: ils auraient feulement été afireintS ' do les prendre dans le coips du génie & par-là je- parvenais à' écarter, en.cas de guerre, toutes les prétentions des gens, de la Cour, fi peu propres à des fondions où-l’inflrudion çft néceflàire & où la valeur nîdbpw
la première ni la plus eflèntielle des qualités. Toutes les fois que l’on fe trouve dans une claflè où l’on peut tout obtenir làns avoir befoin de mériter, il faut être bien hêureufement hé pour fe livrer au travail, l’homme étant par là nature très-pareflèux.
Si je me repens de ce que j’ai fait relativement à quelques établiflèmens mi-' litaires, je m’aplaudis en revanche infiniment de l’arrangement & de la com-polition des Bureaux. La plupart des chefs font des hommes pleins d’honneur, de probité & du premier mérite; mais le plus diftingué de tous, celui qui réunit l’univerlàiité des luflrages du public & de l’armée; c’eft M. de Saint Paul. Il eft impoflible de joindre à une grande' élévation d’ame, à l’étendue de toutes les connoiflànces, plus de fentimens d’intégrité, dé juftice, & plus de probité. M. Melin dans là partie peut être', en tout point, comparé à M. de Saint Paul, & je fais pareillement une diftinétion marquée de MM, Sevin & de Gampyr
Ces quatre hommes, quand ils auront fous leurs ordres de très-bons commis, feront très en état de conduire tout l’en-femble de la Machine; & peut-être, fi pavois demeuré à la tête du département de la guerre & que peufie eu la liberté de revenir fur mes pas pour former un Confeil de guerre, j’aurois changé quelque chofe dans la forme projetée en diftribuant tous les détails à ces Meilleurs. Leurs fondions auroient été d’en être les Raporteufs au Confeil de guerre. Le plus grand reproche que paie à me faire, c’eft de n’avoïr pas fortné ce tribunal; je fens plus que jamais qu’il eft impoffi-ble que la conftitution militaire françoife acquière de la folidité,: de la permanence, ni que les lois y Ibient obfervées & relpeftées làns confeil de guerre. Lorsque les détracteurs de tout ordre, ces ennemis puiflàns de tout blbi, opofent l’impoffibilité d’un pareil établilfement en France, qu’ils citent pour apui de leur opinion, ce qui s’eft palfé du tems de la régence; je leur répondrai que le Con-
ço mémoires to comte feilde guerre d’alors n’avoit pas la foaue qui lui convenoit, & que, s’ilavpit&é bien confUtué, on en aurait lu bien fend les. avantages qu’il eût fubfifté . toujours; & comme dès-lors,il.y aurait eu de la fiabilité dans, les principes ^ notre état militaire , auroit une bien autre cop, fiftance, & à; coup sûr la fupériorité qui lui apartient^ ,            \
La paffion, la prévention, la haine & l’ignorance fè font vivement élevées contre mon arrangement des Invalides; on a crié à l’injuftice & à la barbarie fans rien examiner; Cette partie de l’administration militaire, étoit dans un fi grand défordre. qu’il en coûtoit des fommes im: menfes au Roi, pour fàirelanguir dans l’oprobre & dans le malheur ceux que leur fituation forçoit à recourir à cette relTource, au lieu d’y . trouver un asile qui pût les#fàire. jouir de la. cpnfolaûoQ & du bonheur, que.rEtafc devrôt Mews fervices. Le nombre .wédoib toujours, celui que .comporte^,l’emplacement; je n’ai donc #mdio&: que de jamenes
cet établiflèment aux vrais principes de fon inilitution; j’ai Amplifié fon administration& diminué la dépenfe. Ceux qui font aujourd’hui dan^ te néêeffîté de recourir à' cette refToûrce, gouiflent d’un bonheur mérité'; ' ils font proprement tenus: & parfaitement foignés, & cependant le nombrer des: débouchés n’eft pas diminué;) J’ai augmenté1 les compagnies détachées dans^ la même proportion. Tout le monde* fait combien la plus grande partie de ceux qui étoient à l’hôtel de Paris briguoient & follicitoient des places dans les Provinces. Ce même defir & ce même empreffement n’exiftent plus; il faut donc conclure de-là qu’ils font mieux. J’avouerai même que ce n’étoit pas là mon plan. Je voulois au contraire anéantir & détruire ce1 monument delà vanité plutôt que de la bienfaiiànce de Louis XlV; -imotï intention étoit de former 3 6: étabtilfemens de récompenïès miiitairés dans le# 3 6 principaux gouver-nemens, dont le nombre dans chacun nlauroit-puexdéder a-68 -Bas-Officier*
ou Soldats invalides, à la tête defquels établiffemens j’aurois placé d’anciens Officiers d’un mérite & d’une probité reconnue, pour être chargés de l’administration fous l’autorité & l’infpeâion des Commandons des Provinces & des Officiers généraux employés. En entretenant ainfi un nombre plus confidérable d’Invalides, j’aurois procuré à ces vieux militaires la douceur fi confolante de vivre au milieu de leurs familles & de terminer leur carrière dans le bonheur & le repos. Ce plan étoit même lié à un autre plus confidérable & tout auffi inté-refTant; c’étoit de pourvoir également à la fubfiftance des femmes de ceux qui étoient mariés & à l’éducation de leurs enfans; & fi j’avois pu parvenir par d’autres économies à me procurer les -moyens que j’efpérois, j’aurois ouvert encore une reflburce aux enfàns des fol-dats en activité de fervice, à l’imitation du dépôt des gardes françoifes à Paris, fins cependant leur donner une éduca-lion fi recherchée ni fi foignée, mais
celle qui convenoit à leur fituation & à l’état auquel ils étoient deftinés; ce qui aurait procuré par la fuite .des avantages immenfes pour la population & des moyens de recruter les troupes fans nuire aux parties intéreflàntes de l’agriculture, des manufactures & des arts. Par ces divers établiffemens, dont les avantages étoient toujours fous les yeux du peuple, je ferois peut-être parvenu à faire renaître le goût du fervice qui n’exifte plus; mais, pour exécuter un plan fi vafte, qui néceffitoit à tait de détails il auroit fallu que j’eufle plus de tranquilité d’elprit, moins d’ennemis du bien public à combattre, une confiance plus entière du maître, & furtout aucun intermédiaire entre lui & moi.
J’avois pareillement pour les hôpitaux un projet différent de celui que j’ai fuivi; il renfermoit une adminiftration infiniment plus économique & auroit certainement contribué à la confèrvation de beaucoup d’hommes qui périffent aujourd’hui par une négligence criminelle &
digne du dernier fuplice. ; 'St je eonferve aflèz de fanté & de vigueur d’efprit, j’en ferai un jour h matière d?un mémoire détaillé & raifonné, & je me trouverai bien payé de mes peines^ fi .jamais il arrive à la tête du miniftere un .homme aflèz honnête, aflèz ferme & aflèz courageux pour en entreprendre, l’exécution.
Je regretterai toujours que le Roi n’ait pas voulu accepter, & ait même rejeté mon arrangement pour procurer un fort aux veuves des officiers..iàns qu’il en coûtât rien à Sa Majesté. Je n’ai jamais pu concevoir quel intérêt , on pouvoir avoir à contrarier un pareil projet, fi ce n’eft celui de me foire échouer dans toutes mes entreprifès.
Rebuté par cette multitude de con-Eradiétions, je .n’ai plus eu le courage de rien propofer. J’avois cependant fait quelques anangemens relatifs à la guerre dont là France n’eft que trop dépourvue, & qui lui auroient procuré les mêmes avantages «que-nous admirons .chez nos voi-flns4-celui par exemple d’avoir.conftam-
ment
ment un dépôt de 30000 chevaux pour fon artillerie & pour fos vivres, de maniéré qu’en quelque moment que la guerre eût éclaté, fes armées pourvues de tout auraient été en état de fe raflembler. Pour parvenir à une inftitution fi utile, j’aurois choifi dans toute l’étendue du Royaume les quinze mille fermiers les plus riches & les plus folvables, & dans le nombre de leurs chevaux, je les au-rois aftreint, par une loi , à en élever deux, deftinés à ce genre de fervice. Chaque année les fubdélégués & les Inten-dans auroient été chargés d’en certifier l’exiftence; &, pour dédommager ces fermiers de cette efpece de contribution qu’on leur impofoit, mon intention étoit de propofer à Sa Majesté d’exemter leurs enfans de la milice & eux de corvée & du logement des gens de guerre; fur un Royaume d’une étendue aufli immenfe que celui de France, ces privilèges n’auroient fait qu’une très-foible fenfation, tandis qu’il en réfultoit une économie pour le tréfor, & un bien in-.
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calculable pour le fervice du Roi. A la fin de la guerre, Sa Majesté auroit reftitué en nature ou payé en argent à raifon de 150 fô deux chevaux à chacun de ces fermiers; & cette dépenie même ne pouvoit effrayer, puis qu’en fupofànt qu’il n’en eût refté qu’un tiers, il n’en auroit coûté que 1500000 Livers.
SECTION IV.
Je demande maintenant à ceux qui liront ces mémoires $ de fe dépouiller de toute paflion & de tout intérêt, & de réfléchir de fang froid fur tous les détails dans lefquels je viens d’entrer. Quel eft l’homme doué de quelques lumières, qui ne foit obligé de convenir que, malgré les fàutes fans nombre, que j’ai commîtes, je n’ai pas moins procuré à la France la meilleure conftitution militaire qu’elle ait eue depuis l’exiftence de la Monarchie? Et j’ofe dire que, par fo® uniformiré.elje eft
DE St GERMAIN. 67 fupérieure à toutes celles de l'Europe, tous les corps étant conftitués de maniéré qu’ils paroiflent jetés dans le même moule, ce qui eft d’un grand avantage pour l’ordre, la iimplicité du fervice & la difcipline. Ces corps d’ailleurs, étant divifés en moins de parties féparées, ont auffî plus de force & plus de confiftan-ce. Des Compagnies nombreufes donnent plus d’éclat à l’état dé Capitaine, le mettent plus en fituation d’étendre fes connoiflànces, de fe rendre capable des grades élevés du Militaire, & de fe distinguer lorfqu’il y eft parvenu. Le tems feul peut démontrer ces avantages. Il ne faut pas fe laiffer effrayer pas le premier embarras & par la confufion qui, peut? être, naît de la fùpreflîon des Officiers Majors, & du peu d’inftru&ion de ceux qui doivent les fupléer. Le tems & la néceflité détruiront ce petit mal, qui même n’eft déjà plus fenti dans les corps qui ont de bons chefs; à mefure que l’oifiveté fera par-là bannie, l’inftruétion y fera de tels progrès qu’il n’y aura pas
un féul Officier qui ne Toit en état de fupléer à ces Officiers Majors qu’on regrette tant, & qui ont fait un mal li réel au militaire François.
Il me paroît qu’aflèz généralement on convient de l’excellence dé la formation de l’Infanterie; &, quoique quelques Of-• ficiers ignorans ou gouvernés par de vieux préjugés réclament encore contre celle de la Cavalerie, je ne la crois pas moins bonne que la compofition de l’Infanterie. Mais il exifte fur ce point des préventions révoltantes; je n’en citerai qu’une: elle frapera par fà fingularité.
Au mois de Mars 1776 un Officier général diftingué & eftimable, mais qui a le défaut de tout improuver, a ofé avancer dans un mémoire remis au Roi, que la compofition de la Cavalerie du 1 7 Avril 1772 étoit la meilleure, parce qu’elle employoit beaucoup d’Officiers & de bas-Officiers. Voilà en vérité une excellente raifbn. En effet, dans cette compofition un Régiment de Cavalerie avoit 482 têtes, dont 146 Officiers ou bas
Officiers; il ne reftoit donc que 336 Cavaliers parmi lefquels il y en avoit 48 à pied. Il réfùltoit de-là qu’il n’y avoit pas trois commandés pour un commandant; & cependant un pareil Régiment coûtoit au Roi pendant la paix 3 o 2 3 3 6 W 5. Sols par an. Mais cette compofition étoit bien plus vicieufe encore dans les Dragons & les Huflàrds. On demande à tous les militaires s’ils voudroient faire la gueiTe avec une Cavalerie ainfi con-ftituée? Elle ne foutiendroit affurément par trois mois de campagne.
Les Souverains n’entretiennent pas des armées, pour avoir des Officiers & bas-Officiers feulement ; il n’en faut des uns & des autres que ce qui eft néceffaire pour conduire & faire agir les troupes; il n’y a qu’à les bien choifir.
Si l’on admettoit ce Syfléme pour la Cavalerie, il devrait à plus forte raifon avoir lieu dans l’Infanterie, & par con-féquent dans toutes les autres parties de l’état militaire; & alors toutes les richeflès du Roi ne fuffiroient pas à l’entretien de
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cent mille hommes. Sa Majesté dé, penfe elle feule, pour fon état militaire, plus que l’Empereur & le Roi de Pruflè ne dépendent enlèmble. Cette différence ne provient que des faux emplois & de leur multiplicité inutile. Il eft plus que tems de revenir à des maximes (âges & économiques, pour rendre à la nation fa prépondérance & fon ancien éclat: or perforine ne pourra nier la vérité des principes qui fuivent.
Un Officier coûte plus que deux Cavaliers; &, s’il eft élevé en grade, là dé-penfe augmente à proportion. La fuite d’un Officier confomme à l’armée ce que plufieurs Cavaliers confommeroient; & cette fuite eft la caufe principale des difficultés qu’éprouvent les armées fran-çoifes à lubfifter; & c’eft dans ces cir-çonftances encore que la dépenlè du Souverain devient pref^ue infuportable.
H ne faut d’Officiers aux troupes que le nombre qui eft rigoureulèment néces-faire pour les contenir & les commander.
Si le Roi emploie en apointemens
d’Officiers l’argent que les autres puiflàn-ces emploient à folder des Cavaliers, il aura certainement moins de bras pour combattre , & beaucoup d’êtres oififs, plus portés à mettre le trouble dans une armée qu’à contribuer à l’ordre & au fuccès des entreprifes. :
Plus le grade d’Officier fera commun, moins il aura de confidération, & par conféquent moins l’elpeçe en fera bonne & capable.
On peut de tout homme faire un ïbl-dat; il n’en eft pas de même de l’Officier à qui il faut des qualités particulières.
Malheureufement julqu’à prélent on n’a pas examiné en France les qualités phyfiques & morales des fujets; l’habitude, l’ufàge & les préjugés déterrai* nent lur ce choix.
Un homme de condition, un bon & ancien Gentilhomme ne veulent plus rester dans l’état fubalteme, parcequ’ils ,s’y trouvent confondus gvectrop deperfon-nes d’un rang inférieur j & c’eft ce grand nombre d’Officiers qui en eft la caufe.
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Du temS de M. de Turenne, époque la plus brillante du militaire François, tons auquel nos armées étoient fupérieures à toutes celles de l’Europe, MM. de Beauvais, deTavanne, de Coaiflin, ainfique beaucoup d’autres de la même trempe, étoient fimples Capitaines, & fervoient avec deftinétion dans cet état; mais auffi dans ce tems-là les Compagnies étoient hombreufes, & il n’y avoit pour les commander qu’un Capitaine, un Lieutenant & un Sous-lieutenant; tandis que dans l’état de foiblefle où elles étoient fous le miniftere précédent, elles avoient le même nombre d’Officiers.
Il n’y a pas de doute que, dans ces mêmes tems de fplendeur du militaire François, chaque Compagnie formoit fon efcadron dans la Cavalerie & portoit le nom de fon Capitaine ; le nombre des Officiers fubalternes, qui cependant n’ex-cédoit jamais celui de quatre, étoit arbitraire & dépendoit de celui des Cavaliers qui n’étoit pas fixé non plus.
L’époque de l’augmentation des Offi-
ciers eft celle de la mort de M. de Tu-renne. Les longues guerres de Louis XIV ayant épuifé fes finances, il fit une opération fifcale fur les emplois militaires; on les multiplioit pour avoir de l’ar-gent; &, quand on avoit befoin de troupes , on accordoit les Compagnies à ceux qui vouloient bien les lever à leurs frais ; ils vendoient également à leur profit les emplois fubaltemes; & cet abus mon-ftrueux a fubfifté encore à l’augmentation de 1733. Voilà l’origine de cette multitude d’Officiers qu’on a confervés depuis dans les troupes, fans objet & fans utilité; mais au contraire au détriment des intérêts du Roi & du bien de fon fer-vice.
Si, malgré ces défauts, il y a eu des circonftances où la cavalerie françoife a eu des avantages par les qualités perfo-nelles d’une nation naturellement impé-tueufe & brave, il en exifte un plus grand nombre dans l’hiftoire où les vices de fà compofition, l’indifcipline & le peu d’inftruftioades Officiers trop multipliés,
& par cette raifon trop mal choifis , opt occafionné les revers les plus malheureux & les plus humiliants.
Les principes d’une bonne confiitU’ don militaire doivent être qu’il y ait fuf-fifàmment d’Officiers pour commander; car pour fe battre un fbldat vaut mieux qu’un Officier qui n’agit pas par lui-même, & dont le devoir eft de faire agir les autres. Ces refforts très-néceflaires font vicieux quand ils font trop multipliés.
S’il y a des Officiers bleflës ou mate-des, il y a toute aparence que le nom-bre des cavaliers diminue par les mêmes çaufes & dans les mêmes proportions. Il reftera donc toujours le nombre d’Officiers néceflàires pour diriger & conduire la troupe.
Quant à ceux qui font détachés, ils ne peuvent l’être fans.cavaliers; &, û fur œ . point on veut par la fuite .fo conduire d’après des principes, plus, militaires que ceux qu’on a pratiqués julqu’à préfent, on n’expolèra plus nos détachemens à ^prouver les mêmes échecs à la guerre.
H me femble que, le Roi ayant pourvu par fes lois & fes réglemens à ce que l’état du bas-Officier foit tel qu’il doit être pour exciter l’émulation & encourager les talens, il eft très-intéreflànt pour leur propre confidération que le nombre n’en foit pas trop multiplié, par les rai-fons qu’on a déjà détaillées & plus encore par l’împoflibilité de trouver un fi grand nombre d’hommes capables &in-ftruits. C’eft même cette multiplication de bas-Officiers qui eft la vraie caufe de la mécfiocrité qu’on leur reproche; ce ne font que les bons Officiers qui forment les bons bas-Officiers. Quand les nôtres forant donctds qu’ils doivent être, nous ne nous en plaindrons plus.
La diminution du nombre des Maréchaux de logis rendra aux 'Brigadiers la confidération qu’ils dévoient néceflàire-ment perdre par le trop grand nombre des Maréchaux de logis, qui exiftoient dans les Efcadrons, dans l’ancienne com-pofition; & cette efp^ce de réhabilitation d’un grade, plus intéseffirnt qu’on
ne penfe peut-être, fera qu’on fera plus attentif au choix des Fujets pour le remplir; & on verra alors que le nombre de huit iuffit aux foins qu’exige un Efcadron.
Je ne defirerois donc rien pour la cavalerie, que de la voir toujours compo-fée du même nombre d’hommes & de chevaux, en tems de paix comme en tems de guerre. C’eft le feul moyen de l’avoir excellente. Je préférerais même d’avoir trente mille hommes d’infanterie de moins, pour procurer à l’armée du Roi cet avantage fur toutes les armées de l’Europe. U faut trois ou quatre ans pour former un cavalier, il ne faut que trois mois pour former un fàntaffîn; & les moyens néces-fàires font infiniment plus aifés & plus multipliés en France que partout ailleurs. J’avois fur ce point un plan arrêté, & c’eft dans cet objet que j’avois laiffé fubfi-fter les Soldats Provinciaux, en réformant les Régimens qui coûtoient de l’argent -& étoient parfaitement inutiles. Mon fucceffeur connoît ce projet; je l’en ai
fouvent entretenu: je defire donc qu’il ait la figeiTe de l’exécuter.
Je n’ai plus qu’un mot à dire fur la cavalerie. Le Roi n’en aura point, quelques efforts que l’on fiffe, tant qu’il n’aura pas des Capitaines, & il ne peut en avoir fi Sa Majesté ne change pas la méthode actuelle de nommer aux Compagnies. Il eft plus qu’intéreflànt pour le bien de fon fèrvice que le principe des-truétif de toute émulation, de borner les Lieutenans de Cavalerie & de Dragons au feul état de Lieutenant, d’oppofer à leur ambition une barre de fer impofii-ble à rompre, foit à jamais anéanti. Je fais que les nouvelles lois ne prononcent pas cette profcription ; mais il n’y a pas eu d’exemple qui prouve qu’elle n’exifte pas; & ce grand nombre de com-mifiions de Capitaines qu’on m’a forcé d’accorder ne fait que trop craindre que cette exclufiôn ne iè perpétue à jamais. U eft très-facile de concilier avec le préjugé exiftant le bien que je réclame pour les troupes à cheval. Je penfe donc que
Sa Majesté pourrait fe réferver la difpofition de deux places de Capitaines nominativement dans chaque Régiment ! de Cavalerie & de Dragons, qu’elle ac- 1 corderait comme par le pafië; mais les huit autres places, foit Compagnies ou Capitaines en fécond, feroient toujours données à l’ancienneté. Ces 98 emplois feront plus que fuffiiàns pour procurer les débouchés nécefiàires à ce qu’on appelle la haute noblefTe deftinée à parvenir au commandement des Régimens, fur-tout fi l’on veut écarter de cette prérogative les gens protégés qui ufiirpent ce titre; les fils des gros négocians de Lyon, des Fermiers généraux & des Receveurs des finances, qui, à la faveur de leur argent, ou des alliances contractées avec les grandes maifbns, ofent fè placer fur la. même ligne & réclamer les mêmes droits qu’on leur a fbuvent accordés de préférence & au préjudice des jeunes gens- de qualité. Si enfuite on ajoute à cette précaution celle de compter tous les/fer vices indiftinétement pour parve-
nir att. grade de Colonel en fécond, il n’eœ néfiiitera aucun retardement pour ceux qui ont véritablement droit d’y prétendre.
Il ne me refte plus qu’à prouver à ceux qui blâment & condamnent toujours, fans rien examiner, que c’eft un menfonge abfürde que de dire que le Roi n’æ plus d’armée; qu’il en avoit une quelconque avant mon miniftere, que je l’ai diminuée & détruite par mes opérations , & que la nobleflè n’a plus les mêmes débouchés. Je prie ces habiles gens, ces raifonneurs inftruits qu’on écoute avec tant de plaifir, de confiance & de complaifance, de me répondre & de me contefter les vérités qui fuivent: les preuves font dans leurs mains comme dans celles de tout le monde.
Je les prie d’ouvrir l’état militaire de France de 1775, époque du miniftera de M. le Maréchal Dumuy; ils y trouveront ç^Rêgimens d'infanterie, y compris le Régiment provincial de Corfe; car je veux mettre tout en ligne de compter
De ces 94 Régimens, 8 étaient Allemands, 2 Irlandois, 1 Italien, 2 Cor-fes, 11 Suiflès & 74 François, dont 12 à quatre Bataillons & tous le autres à deux, ce qui formoit un total de 212 Bataillons,
S'ils font inftruits, ils (auront également qu'à cette même époque le complet des Compagnies était arrêté à 54 hommes pour les fufiliers & à 52 hommes pour les grenadiers, qu’ils y avoit huit Compagnies de fufiliers & une de grenadiers par Bataillon ; que chaque Bataillon étoit donc de 484 bas - Officier s ou fufiliers, & que les 212 Bataillons formoient un corps d’infanterie de 102608 hommes.
Cette infanterie, *ainfi confiituée, pro-curoit à la nobleflè 105 places de Colonels, à caufe des Colonels en fécond qui exi-ftoient déjà dans les Régimens Allemands, Irlandois, Italien & Corfes.
H y avoit fept légions compofées de huit Compagnies à cheval & de neuf Compagnies à pied chacune. Dans le nombre des Compagnies à pied,, il yen avoit
avoit une de Grenadiers. Les Compagnies à cheval ainfi que celles de Grenadiers étoient à 29 hommes & les Compagnies de Fuïiliers à 17, les bas-Officiers compris; ce qui formoit un total par légion de 397 hommes dont 232 Dragons t & le total des fept légions 2779 hommes»
Comme il y avoit deux Colonels dans chaque légion , ces fept légions procu-roient 14 places de Colonels»
A la même époque il y avoit 30 Ré-gimens de Cavalerie, non compris les Carabiniers. Chacun de ces Régimens étoient à trois Efcadrons, ce qui formoit 90 Efcadrons de Cavalerie, chaque Escadron de 4 Compagnies, de 36 bas-Officiers ou Cavaliers dont 32 montés; par conféquent le total d’un Régiment étoit de 432 hommes & de 384 Chevaux formant un corps de Cavalerie de 12960 hommes dont 11520 montés;
Le Régiment des Carabiniers étoit compofé de 5 Brigades de 2 Efcadrons chacune; chaque Efcàdron de 3 Compagnies & chaque Compagnie de 52
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Ba MÉMOIRES du COMTE
hommes dont 40 montés & 12 £ pied. Les 30 Compagnies formant iq E(cadrons feifoient dans leur enfemble 1560 hommes dont 1200 Chevaux.
Cette Cavalerie fourniflbit 37 débauchés de Colonels à caufè des- Carabiniers où il y en avoit 5, & de ceux de Noail-les & de Royal-Allemand dans lefquels il y avoit déjà des Colonels en fécond.
Il y avoit auffi quatre Régimens de HufTards de 4 Efcadrons chacun, deux Compagnies de 40 hommes pas Efca-dron, tous montés; ce qui formoit par Régiment un total de 320 hommes & fur les quatre Régimens 1280 hommes.
Comme il y avoit deux Colonels par chaque Régiment de Huflàrds, ils pro-curoient 8 débouchés de Colonels.
Les 1? Régimens de Dragons étoient comme la Cavalerie, de trois Efcadrons chacun; il y avoit par conféquent 51 Efcadrons; chaque Efcadron étoit auffi de 4 Compagnies & chaque Compagnie de 32 Dragons dont 24 montés. Un Régiment de Dragons fpnnoit. donc un
total de 384 hommes dont 288 Chevaux & les 17 Régimens formoient un total de 6528 hommes dont 4896 Chevaux.
Dans ce corps de Dragons il y avoir 19 places de Colonels, parce que les Ré-gimens de Lorraine & de Schomberg en avoient deux.
Indépendamment de toutes ces troupes, il exiftoit répandue dans les provinces & prête à être raflemblée au premier ordre, une milice intente & fignalée de 44310 hommes, formant 11 Régiment de Grenadiers Royaux & 48 Régiment provinciaux qui donnoient auRoi encore 59 places de Colonels dont fl pouvoit difpofer.
Voilà quels étoient les différens corps qui formoient ce qu’on peut appeler l’armée du Roi, non compris l’Artillerie, la Maifon de Sa Majesté à cheval & les Régimens des Gardes françoifes & fuiffes, qui, étant des corps de luxe & de décoration,doivent être comptés comme une réferve précieufe & qu’on ne peut employer que dans les circonftan-
ces les plus preflàntes ; suffi dans la com-paraifon que je vais faire de cette con-ftitution avec celle que j’ai établie, je ne parlerai pas de ces corps d’élite.
NOUVELLE CONSTITUTION.
T æ Roi a maintenant fur pied 106 Ré-gimens, y compris le Régiment Provincial de Corfe, tous à deux Bataillons, à l’exception de celui de Sa Majesté qui eft à quatre, ce qui forme dans la totalité 214 Bataillons. Le complet des Compagnies eft arrêté à 116 hommes dans les Fufiliers & les Chaflèurs, & à 101 hommes dans les Grenadiers. Chaque Bataillon eft compofé de 4 Compagnies, & il y a une Compagnie de Grenadiers & une de Chaflèurs par Régiment. Le total dont chaque Régiment eft compofé, y compris le tambour Major, eft donc de 1146 hommes', mais comme les onze Régimens fuiflès ont encore l’an-
DE S1. GERMAIN. «5 cienne compofition, le total, que pro-duifènt les 106 Régimens ou les 214 Bataillons n’eft que de 120576 hommes. Ces 106 Régimens donnent au Roi 200 places de Colonels à caufe que les Suiffes n’ont qu’un Colonel; mais celui de Rohan-Soubife, de Savoye-Çarignan & les Régimens Allemands ont indépendamment de deux Colonels encore chacun un Colonel propriétaire.
H y a dans ce moment-ci fur pied 23 Régimens de Cavalerie, 4 Régimens de Huflàrds & 24 Régimens de Dragons, qui ont tous la même compofition, foit pour le nombre d’Efcadrons par Régiment, de Compagnies par Efcadron & de bas-Officiers, Cavaliers, Dragons & Huflàrds par Compagnie, ce qui forme un cotps de Cavalerie de 255 Efcadrons, non compris les Carabiniers. Le complet de chaque Compagnie ou Efcadron étant arrêté à 100 bas-Officiers, Cavaliers, Dragons ou Huflàrds, il y a 500 hommes par Régiment, dont 350 montés dans la Cavalerie & 300 feulement dans
8« MÉMOIRES du COMTE
les Dirons; mais les Huflàrds font tous montés. Il en réfulte que le total général de cette Cavalerie eft de 25500 bommes dont 17250 font montés.
Les 51 Régimens de Cavalerie, Dragons ou Huflàrds donnent au Roi 108 places de Colonels dont il peut dilj)ofer, parce que les Régimehs des Etats Majors ainfi que ceux de Royal-AMemand, Lorraine & Noailles, ont indépendamment des deux Colonels, des Colonels propriétaires,
A ce corps de Cavalerie il faut ajouter celui des Carabiniers qui eft de 8 Efcadrons; chaque Escadron d’une Compagnie & chaque Compagnie de 145 bas-Officiers ou Cavaliers tous montés. Total ■i 160 bommes & autant de chevaux.
Il y a dans les Provinces inscrit & fignalé un corps de milice deffiné à former des Bataillais en tems de guerre pour garder les places, qpi a été porté par deux tfrages fucceffifs à 74000 bommes.
Si Ton veut maintenant faire la récapitulation de ces divers détails, on verra
DE St. GÉRNiAÏN. 8?
qu’à l’époque de la mort du Maréchal Dumuÿ, le Roi aydit 127715 hommes; dont 25952 de Cavalerie; mais dont U n’y avoit que 18328 montés, & que dans ce motrient-ci ce nombre eff de 147236 hommes dont 26660 de Cavalerie, desquels il y a 18410 qui foM montés. Il eft donc îtnpoffible de diiconvenir qu’il n’y ait actuellement 19521 hommes dé plus qu’il n’y avoit alors & 72 Chevaux.
Il y avoit dans l’ancienne côiiftitutiort 242 débouchés de Colonels; il y en a actuellement 309. Les débouchés dâni ce genre font donc augmentés de 67 places.
Je penfe qu’on ne me éonteftéra p&S non plus l’avantage d’avoir obtenu dtl Roi la profcription de la peiné dé mort pour les débiteurs & d’avoir trouvé dans mon économie lé moyén de donné? une augmentation d’apointemeris aux (^ ciers & une augmentation de luldé âuï Cavaliers, Dragons, Huflàrds & Seldat£ j’ai eft oùtte éteint les 'dettes dé ftei pïédééeffëursj &, en quittant le dépar-
99 MÉMOIRES du COMTE tement, je fai laiflë fans un fol de dette; & il y avoit près de fix millions dans les caillés des Tréforiers. Je ne difcohviens pas qu’indépendamment de ces avantages il n’en eût réfulté de plus confidérables fi mon plan n’avoit pas été mutilé; mais je penfe qu’un ouvrier habile pourroit, au moyen des matériaux qui exiftent, former une conftitution militaire plus régulière dans les difpofitions & proportions, qu’aucune de celles de l’Europe
Si jamais On a la fageffe de mettre un tel homme à la tête du département de la guerre,, je lui confeille, pour affu-rer la fblidité de fon édifice & pour le mettre à l’abri des viciflitudes des évé-pemens & du tems, de créer un confeil de guerre. Si, jaloux de fon autorité, il ne veut pas lui donner la forme de celui que j’avois propofé, il pourroit du moins l’établir comme un tribunal chargé de vérifier les lois militaires, de les enre-giftrer, de veiller à leur exécution littérale, d’empêcher qu’elles ne fbient ni gérées ni changées, & que le fort de
; tant de braves gens celle d’être fournis : aux caprices d’un foui homme. Mais, : pour mettre cette opinion dans tout fon jour, je finirai ces mémoires en ra-portant le projet de deux ordonnances qui m’avoient été propofées par un Officier général aufli inftruit qu’il eft efti-mable par fes vertus & fon patriotifme. Je regrette infiniment de n’avoir pas fait un ufige plus utile de fis figes & courageux avis. .        .       ..........;
PREMIER, PROJET.
P R É Â M B Ù''L JS.
Sa Majesté voulant donner à fi con-ftitution militaire une fiabilité & une permanence qui en affurant invariablement l’état & la fortune de tous les Officiers de fon armée puiflè ajouter encore (fi cela eft poffible) à leur zele pour fon fervice & à leur dévouaient à fes vo-■ f5          ‘      '
ço MÉMOIRES »d COMTE
lontés, elle s’eft déterminée en conlë-quence à créer un tribunal fous le titré Ûe confeil de guerre, qui foit le dépo-fitaire & le confervateur des lois militaires en même tems qu’il fera chargé d’examiner & de difcuter avec équité les plaintes, les réclamations, les droits & les prérogatives de chacun avant dé les fbumettre à la décifion de Sa Majesté; elle a en conféquence ordonné & ordonne ce qui fuit
ArticleL     '
Le Secrétaire d’état de la guerre .con- | tinuera à avoir l’adminiftration du département de la guerre, de diriger les affaires contentieuiès.des Provinces qui en ' dépendent, de propoièr aux places & aux emplois vacants, de folliciter près | de Sa Majesté les grâces & les ré-compenfes; mais il ne pourra jamais être décerné aucune punition, ni être 1 fait le moindre changement à la coriftî-tution militaire, aux lois & aux ordoii- |
DE ST. GERMAIN. $1 nances qiie d’après la vérification & l’avis du conféil de guerre, que Sa Majesté veut être établi à commencer de ce jour, qui feul pourra propofer ou ftatuer fur les rectifications que le tems & les circonftances rendront nécefiàires.
·         II.
Seront pareillement renvoyées à ce tribunal toutes les plaintes en contravention aux lois & aux ordonnances, enfin toutes les prévarications qui pourroient exiger une punition exemplaire & éclatante, voulant Sa Majesté que le Confeil de guerre prononce en dernier reffort; fe réfervant feulement Sa Majesté le droit de faire grâce ou de commuer la peine. .
·         III.
Seront renvoyées pareillement à ce tribunal, pour être jugées définitivement, les plaintes que les Officiers au-roient à former contre des Supérieurs tiranniques ou injuftes; mais, en même
p* MÉMOIRES du COMTE
teins que le Confeil de guerre doit les protéger & les mettre à l’abri de toute vexation ou oppreffion, l’intention de Sa Majesté eft que ceux qui inten-
, teront de pareilles plaintes mal à propos, foient punis avec la plus grande févérité.
Veut enfin Sa Majesté que tou- ! tes les affaires militaires foumifes à des difcuffions, à des vérifications ou à un examen quelconque, foient du reflbrt de ce tribunal, qui feul pourra en connoître.
·         V.                          i
f Ce tribunal ou Confeil de guerre fera compofé
d’un Maréchal de France Préfidc. i d’un Lieutenant gai. Vice-Préfidc i d’un Lieutenant gai. ou ; :
. Maréchal de camp Raporteur, t
.. de quatre autres Lieutenans gaux. 4
. de quatre Maréchaux de camp/    , 4
. qui tous auront voix délibérative. *
Il y fera établi auffi un Commiflàire ordonnateur fous le titre de Greffier, Secrétaire garde des archives, & dont les fondions feront de rédiger les arrêts & de tenir les regiftres. .
VL
Ce tribunal s’aflèmblera à Paris dans la fàlle du Confeil de l’hôtel des Invalides, où fera logé le Greffier & où fera auffi le dépôt des regiftres & des papiers. Le Préfident convoquera ce Confeil toutes les fois que les afiàires l’exigeront.
VIL
Aucun des membres qui le compo-fent ne pourra fe difpenfer de s’y trouver, à moins de maladie dont il fera avertir le Préfident, & dans tous les autres cas qu’après en avoir obtenu la per-' miffion de lui. ’
VIIL
L’intention de Sa Majesté eft que tous les objets qui feront mis en délibération, foient décidés à la pluralité des voix & que, lorfqu’il y aura partage par égal nombre, celle du Préfident, du Vice-Préfident ou de tel autre Officier général qui préfîdera ce jour-là ,ibit comptée pour deux voix & que le moindre nombre foit toujours obligé de fe ranger à l’avis du plus grand nombre.
·         IX.
Sa Majesté voulant donner à cet établiiTement utile & avantageux toute la folidité & la confiftance dont il a be-foin, pour que les différais membres qui le compofent ne puiffent être affujetds à aucune crainte ni incertitude fur leur état, elle déclare que dans aucun cas, ni dans aucune circonftance, elle ne révoquera ni ne changera aucun de ceux qu’elle y aura une fois admis, à moins
DE S*. GERMAIN. 95 que fon âge, (es infirmités ou la néceffité de l’employer plus avantageufement ailleurs pour fbn fervice, ne l’y obligeaient. Elle veut que, fi contre toute attente quelqu’un prévariquoit dans fes devoirs, il (bit jugé par le conièil de guerre même, à qui feul & à l’exclufion de toute autre jurifdiâion, elle attribue le droit d’en connoître.
·         X.
Veut pareillement Sa Majesté que, lorfqu’il vaquera des places dans le con-feil de guerre par mort, démiflion ou autrement, le remplacement en foit fait d’après le choix du Conieil de guerre même qui propofera à Sa Majesté les trois fujets qu‘il aùra Jugé les plus dignes, parmi lefquels elle iè referve de choifir celui qu’elle jugera convenable & auquel elle fera expédier les pouvoirs ou commifiions néceflàires.
XL
Sa Majesté a jugé à propos de régler aux diflerens membres qui doivent compofer le Confeil de guerre, les trai-temens qui fuivent, favoir:
Au Maréchal de France Préfident. 3<Sooo®paran. Au Lieutenant Général Vice-Pré-
fident.......24000
Au Raporteur, foit qu’il foit Lieutenant Général ou Maréchal de camp, pour lui & fes frais de bureaux...... 60009
A chacun des quatre Lieutenans
Généraux. .     .     .    . ' 18000
A chacun des quatre Maréchaux
de camp.....12000
Au Commiffaire ordonnateur Greffier, pour lui & fes Secrétaires ou fj-ais de Bureaux. .    .    .    48000
. Tous ces traitemens feront indépen-dans de ceux dont ces membres du Con-feil de guerre peuvent jouir à d’autres titres, & leur feront payés tous les fix mois des fonds de l’extraordinaire des guerres, fans autre retenue que les 4^ pour
pour livre & la capitation. Us jouiront en outre de la franchife de leurs ports de lettrés.
Voilà quel feroit le plan du Tribunal à établir, fi l’on vouloit laiflèr fubfifter la place de Secrétaire d’Etat de la guerre, quoique ce moyen ne (bit pas fuffifant pour parer à tous les ittconvéniens, il produiroit du moins l’effet > d’aflurer la Habilité dé la conïlitution militaire, dé rendre aux lois lé relpéét qui leur dl dû & leur Force, ce qui efl: impbfllblé dans l’état aétuél des chofes; mais fi au contraire ori avoit la fâgeffe de fuprimef la formé éxiftante de Fadmihiftration du département de la guetre & qu’au lieu d’en confier le foin à un feul, on voulût créer un véritable Confeil de guerre; voici fur quel pied & par quelle ordon* fiancé ôn poürroit l’établin
98 MÉMOIRES du COMTE aMQ^AéattMè^sBBB
SECOND PROJET.
PRÉAMBULE.
Sa Majesté voulant donner à fa conftitution militaire une fiabilité & une permanence, qui en aflurant invariablement l’état & la fortune de tous les Officiers de fon armée, puifïè ajouter encore à leur zele pour fon iervice & à leur devoument à fes volontés, s’eft déterminée à créer un tribunal fous le titre de Confeil de guerre qui foit chargé déformais de l’adminiftration du département de la guerre en même tems qu’il fera le dépofitaire & le confervateur des lois militaires, le défenfeur des droits & prétentions de chacun- Sa Majesté a en conféquence ordonné & ordonne ce qui fuit.
Article I.
A commencer de ce jour il fora établi à Verfailles, à l’hôtel de la guerre, un tribunal fous le titre 4e Confeil de guerre.
IL
Ce Confeil fera compofé d’un Maréchal de France Préfident, d’un Lieutenant général Vice-Préfident, d’un Se* crétaire d’état Raporteur, de quatre autres Lieutenans généraux, de huit Maréchaux de camp, d’un Confeiller d’état, d’un intendant des finances, qui tous aur vont voix délibérative, & d’un Secrétaire pour tenir les regifires.
IIL
Ce tribunal s’aïfemblera les Lundi, les Mercredi, & les Vendredi de chaque femaine, & extraordinairement lorsque le Préfident jugera néceflaire de le convoquer.
IV.
Aucun des membres qui le compofent ne pourra fe difpenfer de s’y trouver à moins de maladie, donc il fera avertir le Préfident, & dans tous les autres cas qu’après en avoir obtenu la permiflion de lui.             G 2
L’objet qui détermine Sa Majesté à créer un Confeil de guerre, étant de pourvoir d’une maniéré fûre à l’obferva-tion exafte & littérale des lois militaires, à la difpenfation jufte des grâces & des récompenfes, tous les objets relatifs à l’adminiftration du département de la guerre, y compris les troupes de là mai-fon, les Gardes françoifes, les Gardes fuiffes, ainfi que fon Régiment d’Infanterie, y feront mis en délibération, & décidés à la pluralité des voix, fon intention étant qu’après que l’enregiftre-ment en fera fait dans le regiftre du Confeil par le Secrétaire, foufcrit & ligné par tous les membres préfents, l’extrait motivé lui en foit préfenté daifs la même forme par le Préfident, le Vice-Préfident & le Secrétaire d’Etat de la guerre, ou tels autres membres du Confeil qui à leur défaut en rempliront les fondions, pour que S. M. puiffe y faire droit; fe réfer-vant dans tous les cas d’admettre les
modifications qu’elle jugeroit juftes & Taifônnables, & voulant Sa Majesté que l’expédition en forme d’ordre & de commandement ne puifle être faite que d’après ion approbation, lefquelles expéditions ou ordres feront toujours con-trefignés par le Secrétaire d’Etat, Rapor-teur du Confeil, chargé d’y veiller & d’en certifier au Confeil.
VI,
L’intention de Sa Majesté eft au furplus que lorfqu’il y aura partage de voix par égal nombre, celle du Préfî-dent, du Viçe-Préfîdent ou de tel autre Officier général qui préfidera ce jour-là, foit comptée pour deux voix & que le moindre nombre foit toujours obligé de fç ranger à l’avis du plus grand nombre?.
VII.
Toutes les demandes, de quelque part qu’elles puiflènt émaner, de quelque nature qu’elles foient, feront toujours adres-
G 3
fées au Confeil de guerre, dans la forme qui fera prefcrite. Ordonne Sa Ma je s-tté que toutes celles qui ne feront pas en réglé foient rejetées comme non ad-miffibles.
VIIL
Chaque jour de Confeii le Secrétaire fera aporter au Confeil toutes les lettres & tous les paquets qui lui auront été remis à l’adrefle dudit Confeil; on les ouvrira en préfence de tous les membres qui le compofent; &, comme leur étiquette devra énoncer l’objet qui y eft contenu, on les numérotera & on les rangera dans l’ordre où l’on jugera à propos de les mettre en délibération. Ces numéros feront en même téms tranferits fur une feuille volante avec l’étiquette à côté du numéro ; cette feuille fera lignée par tous les membres du Confeil & reportée le Confeil fuivant, pour qu’il ÿnfoit -ftatué dans lè même ofdœ & que la juftpie!h plus exaéte foit même obfer--vée dans l'accélération du report à faire.
·         IX.
L’opération prelcrite par l’article précédent étant faite, tous les mémoires feront remis au Secrétaire d’état Reporteur, qui en fera le renvoi aux différens bureaux pour procéder à l’examen & aux vérifications qu’il jugera néceffaires, d’après lelquelles il dreffera ion report à faire au Confeil de guerre pour qu’il y (bit ftatué dans la forme prelcrite; & veut Sa Majesté que l’original du mémoire, ainfi que toutes les pièces justificatives ibient toujours jointes à la feuille contenant ce raport, afin d’éviter toute lurprife & d’écarter toute prévention. Ces mémoires, ces pièces juftifi-catives & ce raport feront eniuite brûlés après qu’ils auront été tranicrits fur un regiitre particulier établi à cet effet, au bas de chaque feuille duquel tous les membres du Confeil ligneront; ce regiftre fera dépofé dans les bureaux pour y avoir recours en cas de plaintes ou de réclamations.
G 4
·         X.
Sa Majesté voulant donner à cet établiflement utile & avantageux toute la folidité & toute la confiftance dont il a befoin pour que les. différens membres qui compofent le Confeil de guerre ne puiflènt être aflujettis à aucune craiqtc pi incertitude fur leur état, elle déclare que dans aucun cas ni dans auçune cirt conftance elle ne révoquera ni ne chant géra aucun de ceux qu’elle y aura , une fois admis & que, fi contre toute attente quelqu’un prévariquoit dans fes devoirs, fon intention eft qu’il fojt jugé par le Confeil de guerre même, à qui feul & ^ l’exclufion de toute autre jurifdiâion dlq attribue le droit d’en connoître,
XL
Veut pareillement Sa Majesté que* lorfqu’il vaquera des places dans le cont feil de guerre par mort, démiflion ou aut trement, le remplacement en foit fait d’après le choix du Confeil de guen-q piême qui propofeja à Sa Majesté les
DE ST. GERMAIN. 105 trois lùjets qu’il aura jugés les plus dignes, parmi lefquels elle fe réferve de choifir celui qu’eHe jugera convenable auquel elle fera expédier les pouvoirs ou com-Uiiffions néceflàïres,'
XIL
L’intention de Sa Majesté eft que le Préfident du Confeil de guerre, par le droit de là place, foit admis & puiflè prendre féance dans tous lès Con-feils en qualité de Miniftre d’Etat, que le Vice-Préfident, le Secrétaire d’état Ra^ porteur & le Conlèillèr d’état entrent au Confeil des dépêches; le relèrvant Sa Majesté de leur donner entrée au Confeil d’Etat, lorfqu’elle le jugera utile & avantageux à fon fervice.
XIII
Sa Majesté a Jugé à propos de régler aux différens membres du Confeil de guerre lés apointemens & les traite-mens qui fui vent, lavoir:
Au Maréchal de France Préfident 72000®paras. Au Lieutenant Général Vîce-Pré-
fident......48000
G 5
Au Secrétaire d’Etat de la guerre
Raporteur.                      144000
A chacun des quatre Lieutenans généraux.  ....24000
A chacun des huit Maréchaux de
camp. .    .    •    •    .15000
Au Confeiller d’Etat & à l’Intendant des finances, à chacun.   .15000
Au Secrétaire, pour lui, fes co-piftes & fes frais. .      .42000
Tous ces traitemens feront ipdépen-daps de ceux dont ils peuvent jouir à d’autres titres & leur feront payés tous les mois des fonds de l’extraordinaire des guerres fans aqtre retenue que les 4^ pour livre & la capitation. Ils jouiront en outre de la franchife de leurs ports de lettres.
XIV.
L’intention de Sa Majesté eft qu’il foit nommé le Ier. Janvier de chaque année quatre Maréchaux de camp de ceux , qui font membres du . Confeil de guerre chacun à fon tour, pour être chargés de parcourir, à commencer du 1er. Avril jufqu’au Ier. Oftobre, toutes
DE ST. GERMAIN. 107 les gamifbns & tous les quartiers du Royaume afin d’y faire la revue des troupes, vifiter les places, lés arfènaux, les travaux de l’Artillerie & du Génie, les re-giftres des délibérations des Confeils d’ad-miniftration, & entrer en un mot dans tous les détails qui pourront faire connoî-tre fi tout ce que les lois & les ordonnances prefcrivent, eft littéralement exécuté, & en faire leur raport au Confeil à leur retour.
XV.
Pour parvenir à remplir exactement les intentions de Sa Majesté relativement à ce qui eft prefcrit par l’article précédent, tout le Royaume, y compris la Corfe, fera divifé en quatre départe-mens, pour qu’il en foit aligné un nominativement à chacun, des quatre Maréchaux de camp de tournée & que l’in-■ftruâion nécefl&ire fur te . qu’il aura à examiner, foie; dreflée eu conféqueneç & lui foit remife (ignée de tous les membres du Confeil
XVL
Ces Maréchaux de camp de tournée jouiront par forme de gratification extraordinaire & à titre de frais de cour-fes de 12000 fB chacun, qui leur feront payés avant leur départ fur des ordonnances particuliers que Sa Majesté leur fera expédier, & tous les honneurs dûs à leur grade leur feront rendus partout où ils paflèront & oîi ils féjour-neront, fans que pour cette raifbn ils * puiffent priver du commandement ceux que Sa Majesté en auroit pourvus.
XVIR
Lorfque dans des cîrconftances de guerre Sa Majesté jugera du bien de fon fervice d’employer à fès armées ie Préfîdent où le Vice-Préfidént, ou tous deux enfemble, le Confeil de guerre fera alors préfidé par lé plus ancien Lieutenant général préféra, & les autres membres de ce Confeil qui pourroient être appelés aux armées pour y fervirferont
remplacés par intérim par des Officiers généraux du même grade que Sa Majesté le réferve de nommer; bien entendu qu'au retour des titulaires» ils reprendront leurs droits & leurs fondions & que ceux qui auront été nommés ad intérim ne pouront prétendre à les continuer.
xviii.
Le Confeil de guerre fera lui même le réglement qu’il croira néceflàire pour radminiftration intérieure de tous les détails qui lui font confiés, afin qu’il y régné l’ordre le plus exaft & la plus grande accélération dans les expéditions.
J’ai cru que ces deux projets, dont le dentier eft abfolument conforme à mes principes & à mon opinion, dévoient faire partie de mes mémoires; ils font tous deux bons & ont un grand objet de bien & d’utilité. D y auroit peut-être quelques additions & modifications à y faire; mais à coup for cette iàge détermination
confoleroit le militaire François de tous les maux paffés, &, en le raffinant fur fon fort à venir, elle feroit peut-être renaître l’émulation & le goût du fervice qui n’eft que trop affoibli maintenant
Je fais bien qu’on oppofera à cette inftitution excellente & utile la difficulté de choifir les fujets pour compofer ce tribunal; je crois dont devoir encore établir ici mon opinion à cet égard, & j’eipere qu’on fera perfiiadé qu’elle n’eft dirigée ni par la haine ni par l’intérêt, mais par la juftice la plus pure & le defir du plus grand bien.
Partant de ce principe qui a toujours été le mobile de toutes mes aérions, fi j’étois confulté, je propoferois pour la place de Préfident le Prince de Beauveau; fon efprit, fes talens, fon élévation d’ame, & fiirtout ce fentiment de juftice fi né-ceffaire quand on doit décider du fort des autres hommes, font les qualités que j’ai reconnues en lui. C’eft de tous les Officiers généraux celui que j’ai le plus vu, le plus fuivi & que j’eftime le plus;
DE ST. GERMAIN, ni c’eft aufll de tous ceux qui ont commandé des diviflons celui qui s’eft le plus exactement conformé aux lois; & Sa Majesté peut fe rapeler tout ce que j’ai été dans le cas de lui en dite dans différentes circonftances. Je fais bien que la jaloufie, l’envie & la prévention s’élèveront contre mon opinion; mais elle fera parfaitement juftifiée fi jamais on met M. le Prince de Beaiiveau en évidence.
On m’opofèra peut-être encore qu’il n’eft pas Maréchal de France & qu’il n’y a aucune raifon pour l’élever à cette dignité au préjudice de fes anciens. Quoiqu’on n’y parvienné pas en raifon de fon ancienneté, friais en celle de l’utilité dont on peut être, rien n’emjpêcheroit de faire ce qu’a fait l’Impératrice Reine à la mort du Maréchal Daun. Elle l’a remplacé par M. de Lafcy qui n’étoit pas à portée d’être Feld-Maréchal; en lui conférant cette dignité elle a donné l’affurance à tous ceux qui étoient fes anciens qu’ils reprendroient leur rang
lorfqu’ils parviendraient à la même di gnité, & il n’y a eu ni plainte ni ré clamation.
Les cinq Lieutenans généraux (dont le plus ancien doit être Vice-Préfîdent) que je crois le plus en état de remplir les cinq places du Confeil de guerre affectées à ce grade, font:
MM. de Caftries, de S tain ville, de Gribauval, de Rochambeau & de Ca-raman.
On voit bien par cette difpofition que je fuppofe que cet établiflèment feroit précédé d’une promotion de Lieutenans généraux dont le nombre eft fi confidéra-blement diminué qu’elle me paroît indis-penfable; d’ailleurs les Maréchaux de camp de la promotion de 1761 font déjà pourvus de ce grade depuis dix-fept ans. Mais autant que fe crois la promotion des Lieutenans généraux né-ceffaire, autant celle des Maréchaux de çamp feroit préjudiciable & dangereufe
M. le Comte -de Broglie a bien fon mérite aufli ; c’eft un homme de beaucoup
coup d’elprit, il a un caraftere décidé, une ame forte, & il n’y a jamais que les hommes à grand caraétere qui foient capables de grandes choies. La défenfo de CafTel fera toujours célébré, & dans toutes les occalions où il fera perfon-nellement chargé de quelque chofe on trouvera en lui la même intelligence & la même fermeté d’ame. On le craint, je le fais bien; il y a eu des circonftances où il m’a inipiré le même fentiment; mais dans les relations que j’ai eues avec lui pendant mon miniftere, j’ai cru démêler la caufe qui. produifoit cette crainte. Il eft févere; il n’eft pas adulateur; il juge peut-être avec trop de liberté &fàns égard à l’élévation ou au crédit des hom-, mes; il homme lès lâches, les ignorans, par leur nom; &, comme le nombre en, eft grand, il s’élève contre lui une foule, d’ennemis. Leurs clameurs fe font entendre de toutes parts, & alors on ne le confidere plus que comme très-dan* gereux. J’ai banni de mon cœuf tout reffentiment, tout préjugé & toute haine*
H
& je ne Vois plus en lui qu’un Officier général qui peut fervir le Roi très-utilement, dans quelque circoriftarice que Sa Majesté puiflè l’employer.
Jè Cônfidere M. le Marquis de Voyer Comme un Officier général très-intéreflànt par l’étendue de Tes connoiflànces, par la fupérîorité de fon génie & de les lumières; fl a de la-valeur, de l’intrépidité mèriie, :& c’eft encore un de ces hommes à- grand: caraftere dont l’elpece eft fl taré, & qui, fi les circonftances le Évôrffënt, doit un jour jouer un grand rôle. Jé fais tout ce qu’on peut lui reprocher,' tout ce qu’on peut dire lur fa morale; que les- ennemis exagèrent peut-être: mais- il n’eff queftion ici que des talens militaires & des qualités héroïques qui peuvent contribuer à la iplendeur d’un Etat & à la gloire du Souverain.
M. le Baron de Wurmfer joint à une expérience de cinquante deux années de fèrvicè, toujours aétives & jamais interrompues, une valeur brillante dont i! a donné des preuves dans beaucoup d’oc-
calions, à mes ordres & (bus mes yeux, même ;ril a furtôut ce caraétére de dignité & de répréfèntation néceflaire à un homme qui commande, & dans toutes les circdriftances où H.a été employé, il a fait refpe&er les lois & maintenu l’ordre. C’eft de tous les Officiers généraux celui que je crois le plus propre au commandement d’üne grande Province. Je ne préfumé pas que (à religion puiflè être un ôbftaclè; elle n’a rien de commun avec le fervice du Roi; d’ailleurs nous ne fbmmes- plus dans ces tems malheureux où 'cette différence d’opinions fur le Dogme produifoit des divifiohs. L’intolérance eft bannie de tous les Etats policés; &, fi quelques prêtres fanatiques & fouvent fcandaleux pouvoient encore faire de cetté différence de religion un motif d’exclufion pour un homme qui a bien & utilement fèrvi, il faut croire que là fagefle du gouvernement rendroit leurs clameurs impuiflàntes. J’ai autant dé res-peét que perfônne pour la religion ; mais c’eft parce que je fuis bien perfiiadé de
Ha
fa fàinteté, & que je tâche de la pratiquer avec une vraie dévotion, que je crois qu’elle doit entraîner mon ame à la juftice, à la bienfaifànce, à tout ce qui intéreflè l’humanité & à rejeter tout ce qui pouroit tenir à un reflèntiment quelconque.
. Je ne parle pas de quelques autres Lieutenans généraux qui peuvent avoir des talens & du mérite; mon filence fur eux ne peut affaiblir leurs droits; mais, comme je n’ai point eu de relation avec eux, que je ne les ai pas eus à mes ordres à la guerre, que je ne veux rien dire de hafàrdé, que mon deflèin eft de juger fans paffion, fans intérêt & fans prévention, j’aurois craint de ne pas leur rendre la juftice qui leur en due.
Les huit Maréchaux de camp le plus en état de remplir avec fuccès les huit places affeftées à leurs grades dans le Confeil de guerre font fans contredit ceux qui fuivenu
MM. de Puyfegur, Sarsfield, Duc d’Ayen, Baron de Wimpffen, Duc de
Gulnes, Comte dTïauflbnville, Marquis de Jaucourt, & Marquis de Miran.
Le Secrétaire d’Etat de la guerre Ra-porteur peut être ou militaire ou homme dé robe. Mais je penfe cependant que les gens: de Robe pour ce genre de -détail valent mieux que les militaires. Ils font plus ' habitués au travail, lavent y mettre plus de méthode &plus d’ordre, s’astreignent davantage aux formes, & n’ayant aucun préjugé ils ne peuvent être entraînés par leurs propres idées; ils font au contraire obligés de recourir aux lumières des autres. Vous avez la démonftra-tion fous vos yeux dans le département dé la Marine. Tel Officier général de Marine qu’on eût choifi pour remplir cette place n’auroit jamais eu la même fageffe, ni par conféquent les mêmes fuc-cès. Un homme de l’art apofte dans là place fës préventions, fes erreurs, fes haines * fes amitiés ; & , comme il fe croit toujours' plus' habile que celui .qui l’a précédé ., 31- ne fonge qu’à détruire & à recréer; perfûadé:d’ailleurs qu’il n’y fera
pas lôftgte®?» il ^ pïeflè devancer & de placer fes amis, fes parçns j lès créa-turesj fans examen nidifcernement; Ion ton dt abfolu, defpodque. -Dans le métier qu’H a fait il n’a connu que eeSprin-pipes.. Sa. chüte.ffeffjamaisâuin accablante "pour lui que .pour * un.homme de robe;vil. lui.reffè toujours Une;Cxiftence quelconque; fuivant qu’il a été choifi dans une tls® plus ©U : moins élevée L’autre au contraire rentre dans le néant; l’un peut donc tout affronter , tandis que l’homme dé robe cft .obhgé de calculera vis-à-vis de 'tout le monde. On ne peut difcon-yenir que Louis XIV. n’ait eu un regrie bien bridant ; il n’aVoît choifi les Ministres que dans » cWe. : L’époqUe où la France a. eu. la mêilteute discipline & les plus/gtorieux. ruoCè^ eft leminiftcre de?M< de Lqukoê< jSous fesïùc^^ cettç même ; djfçipiitfe s’èft affoiblie & ênfuite détruite^ païcp qu’ils, oiit été mal édifia, :que le Roi avoit vieilli, qu’il .étoit .devenu dévot , & queil’^gé & la .dévotion avoient ’affoM les îeÇbrts de
fon ame. B étoit difficile de trouver .un autre Lôuvois. La nature eft avare, en fait de grands hommes. Dès lors un Confeil de guerre eût foutenu cette. dis-> cipline établie , & laFrance feroitwjour-d’hui ce qu’elle n’eftpas, laplus.grande, la plus importante & la plus formidable puifïàrice du mondé. . Un. ConfèiT. de guerre auroit paré aux inconvéniens de l’affiriffement où étoit tombé Louis XIV. La cabale & l’intrigue, les favoris:.& les favorites, qui produifent de fi grands maux, auroient perdu tous leurs moyens J’ai cru que ce tableau pouvoir n’être
I pas inutile ici
Je choifis M. de Caftries pour être membre du Confeil de guerre; il a dû : nerf & de la force dans. le caraétere; l’amour de l’ordre, de la difcipline & du bien. .. B' eft de plus .un très-honnête homme,-& je penfe qu’il pourra être très!-utile dans: un -tribunal par l’étendue de fes Gennoiflances dans toutes les parties de détairqu’il ne doit qu’à fon infotigable aplication;J’ignoré quels fout -ïei Païens
ISO MÉMOIRES DU COMTE
pour la guerre. Je ne me fuis jamais trouvé à portée de les juger.
M. le Comte de Stainville > indépen^ dàmment des talens & des qualités militaires que j’ai obfervées en lui & qui le conduiront un jour au commandement des armées * à une expérience longue & éclairée de toutes.les parties de l’admi-niftration. Il a puifé dans le fervice étranger d’èxceiléns principes, & il eft très-, propre à éclairer de fes connoiflànces & de fes lumières un tribunal. Son caraétere eft févere ; mais il a dans fon ame tous les i fentimens de juftice néceflàires à un juge.
M. de Gribauval eft indilpenfàblemenç néçeflàire dans ce tribunal. Ingénieur habile, Officier d’artillerie éclairé, il ajoute à toutes les connoiflànces de fon art une immenfîté d’autres connoiflànces qui font foutenues par l'expérience de plufieures guerres & par l’opinion des militaires de tous les pays, & quoiqu’il ait auffi fes préventions, fes amitiés & fes haines, elles ne peuvent être d’aucun danger dans un Confeil de guerre, au lieu que fon in&-
DE ST.xGERMAlN. ni
truftion & lès talens lui feront d’une res* fource infinie. Cette vérité, que je crois inconteftable, peut faire fentir encore davantage la néceffité d’un pareil établifle-ment. Je le répété; il eft plus nécefiàjre en France que partout ailleurs, furtout dans la fituation aduelle des chofes-
M. de Rochambeau eft un homme plein d’honneur & de probité. A ces vertus de l’ame il ajoute des talens réels, des connoiflànces étendues, une inftruc-, tion, une érudition immenfe & la pratique non interrompue d’un métier qu’il a toujours fart avec goût‘& avec plaifir. Un tel homme fera donc d’une reffource précieufe dans un tribunal femblable, (bit feulement comme fimple membre, foit qu’on voulût le charger de fondions plus importantes. Si l’on perfiftpit à vouloir prendre le Secrétaire d’Etat Raporteur parmi les militaires (ce qui eft abfblument contre mon opinion) M. de Rochambeau eft certainement un des hommes que je croirois Je plus capable, de remplir cette plaçe.
Je n’entrerai dans aucun détail particulier -fur les huit Maréchaux .de camp que je propofe; ils font connus pour être les hommes les plus inftruits dans cette clas-fe; on les. a vu briller en général à la tête desRégimens qu’ils ont longtems commandés, & de tels hommes font bien propres à la double fonction à. laquelle ils font deûinés par mon projet; il feroit même difficile dans tout ce qui oompofe les Maréchaux de camp aâuels de trouver des hommes qui aient plus d’inûruc-tion & de mérite qu’eux & qui foient plus capables de fe dévouer au bien. J’y ajouterai cependant encore M. le Marquis de Conflans, non pour être, membre d’un tribunal, mais pour tout ce qui tient à la guerre de campagne; c’eft un des Of-Aciers . généraux qui manifefte le plus de talens diftingués. .
Je rangerai dans la même clafle que M. de Conflans , pour être employés avec les troupes, MM. de Narbonne-Fritzlar, de Guelb & Bon. de Violmenil; tous ces Officiers ont bien fait la guerre, la plu-
part fous iftes Ordres. J’ai donc quelque droit dé lés juger. Quoiqu’il y ait des nuances de tâlens & de mérite entre eux, tous ne font pas momsbàns. En général on ne peut avoir confiance dans les hommes, que.quand on les a vus beaucoup aux coups de fufils. Les talens, les mœurs & lés beaux raifonnemens de Verlàilles & de. Paris ne font pas ceux des camps, & lé mépris ou le fuffrage des belles Daines n’y peut rien. C’eft là où chacun reprend lès droits & où le courtifan arrogant devient fimple & mo-defte.
Mais fi l’on Voüloit avoir un plus grand nombre de Maréchaux de camp, il faudroit néceflàirément les chercher parmi les Brigadiers.: Là on trouveroit le Bm. de Salis dont j’âi déjà parlé, le Mis. de Vibraye & de Lambert qui. font des hommes d’un toérite bienrare,& quelques autres encore de cette fnême trempe.
. Le choix» àïàire du Confeilier d’Etat pour les parties contentieufes, & de l’Intendant pour les finances, n’étant pas de
confulté mon amitié & les convenances de M. le Comte de Maurepas. J’ai penfé qu’un homme qui lui étoit entièrement dévoué pouvoit m’être à moi-même plus utile pour le ramener à mon opinion,' quand je préfumerois qu’il pourroit la contrarier ; on peut affez juger par les événemens ii je me luis trompé ou fi j’ai bien calculé, & actuellement que M. le Prince de Montbarey eft feul & livré à lès propres forces, on verra encore mieux par la méthode, l’ordre, la faga-cité & la juftice de fon adminiftration, le nerf & la fermeté avec laquelle il maintiendra l’ordre & la difoipline, fi, malgré l’opinion que j’avois de quelques autres Officiers généraux , je n’ai pas dû lui donner la préférence.
Je me fuis borné, dans ces mémoires, aux objets & à l’adminiftration purement militaires; je ne me luis jamais occupé d’autre chofe, & ce que j’aurois à dire fiir les autres parties du gouvernement ne mériteroit pas la même confiance. Je fi* Dirai donc par le mémoire que j’avois
écrit dans mon hermitage de Lauterbach, & d’après la lefture duquel le Roi s’eft déterminé à me nommer à la place de Secrétaire d’Etat du Département de la guerre. Ce mémoire formera la fécondé partie. Il m’importe infiniment, pour que le public puiffe bien me juger, qu’il foit connu de lui.
ta8 MÉMOIRES DU .COMTE
SECONDE PARTIE
MÉMOIRES MILITAIRES'.
L’étaï militaire doit être le fànétuaire & l’école des bonnes mœurs & des vertus héroïques ; il doit être le foutien du trône, de l’autorité, de l’ordre public, le modèle des grandes & belles vertus, & enfin l’ornement & le bouclier de la nation dont il fait partie. Telles doivent être fes qualités & fes fins; &, s’il s’en éloigne, il n’eft plus qu’un corps onéreux, inutile & fouvent dangereux. C’eft à la légiflation à lui imprimer l’elprit qui doit l’animer & le vivifier, pour le rendre vraiment utile; &, comme les cho-fes de ce monde tendent toujours au relâchement & à la corruption, elle ne doit rien oublier pour entretenir conftam-ment & y conterver ces vertus qui lui font
font propres & abfolüment néceflàires: elle y parviendra, fi elle l’établit fiir de bons fondemens, fur des principes fondes & invariables^ & fi elle difpofe fes inftitutions & lès régleœens de façon que tous les individus de l’état militaire trouvent leur propre intérêt à faire le bien.
H y a des principes qui font de tous les tems, de tous les lieux, qui feront éternellement vrais & bons» parce qu’ils font uné émanation de la fagefTe divine» qui les a gravés dans tous les cœurs, & dont on ne s’écarte jamais qu’il n’en réfulte les plus grands défordrés: ils rie S’altèrent qu’a proportion que les autres fe corrompent
Je n’examine pas fi le militaire ftari-çois eft fondé fur des bafes folides & fur des inftitutions qui puiflènt le conduire à toute la perfection qui lui eft propre. J’éviterai même avec foin de critiquer & de jeter un coup d’œil envieux fur ce qui exifte. S’il m’arrive de relever par hazard quelques abus, ce ne fera point par Un efprit de cenfure, mais feulement
ijd MÉMOIRES du COMTE
pour en fàlre fortir quelques vérités utiles. Mon unique deflèin eft de propofer des principes inconteftables, qui dès lors doivent être invariables, dont les confé-quences feules peuvent être modifiées par une main fage & habile, félon les circonftances, & dont l’enfemble forme néceflàirement une conftitution militaire qui ftffe jouir ceux qui la compofent de leur propre eftime, & qui foit digne en même tems du Monarque qu’elle doit fervir.
Premier Principe.
La ftabilité dans les principes, dans les maximes, les réglemens, les ufàges même, quand ils ne font pas défectueux & vicieux, eft abfolument néceffaire. L’homme ne s’accoutume point à des changemens continuels; ils lui infpirent de la défiance, fouvent du mépris pour leurs auteurs, qui eux-mêmes par-là donnent des preuves de leur légèreté & de
DE Sæ. GERMAIN. 131 leur incapacité, B faut des réglés fages & fixes fur tous les objets; fans cette précaution abfblument néceflaire, le xn£« me homme n’aura qu’une conduite incertaine , & nulle ftiîte dans là marche. Comme 1? préfomption humaine eft. très-grande, qu’il y a peu d’hommes qui ne Te croient plus habiles les uns que les autres, que par-là tous font enclins 1 changer l’état aétyel des çhofes, dan? l’efprit de vouloir les améliorer; je penfè que, pont conferver cette fiabilité fi né-ceflàîre dans les régiemens, les maximes & les, ufàges, un tribunal ou unCqnfqü de guerre» pour h (Mon de l’était militaire:, ^t préférable à toute autre .méthode*.
.   Un- tribunal a pi® de poids,. de w
; fifianee, de folidité, &cpnferve mieux > les formes de les réglés qu’un particulier : quel qu’il puifle être. Dans un tribunal, , le même efprit, les mêmes maximes font ç à jamais confèrvés, Je propoferai donc un Confeil de guerre, là.compofitio®, ; & qu’elles doivent être fes fonéfious,;
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·         & je crois que ce tribunal eft plus né-ceflàire encore à la nation françoife qu’à toute autre.
·         * Second Principe.
I l n’y a guerés que les motifs fuma-turels qui puiflent porter l’homme à toute l’énergie dont il eft capable; aufli voyons-nous par l’hiftoire, que les peuples qui ont jeté un grand éclat furent tous vertueux & religieux dans les jours de leur fplendèur. Les Romains, dans les - beaux’ jours de leur république, étoient les plus religieux des hommes. La religion, & les bonnes mœurs qui én font un écoulement néceflàire, ont enfemble une telle influence fur le fort des Empires, que leur décadence & leur chûte furent conftamment reflet & la fuite de l’affoibliflement de la religion qui amene nécefTairement la corruption des mœurs, & celles-ci font Un-thermomètre afliiré, qui marque l’état des nations.
Ces grands objets font, trop négligés dans l’état militaire; il n’y a pas même d’or-donnançe des Rois qui ftatuent fur de* articles auffi effentiels. Si l’on ne juge pas convenable de donner là-defliis des ordonnances expreffes, il doit du moins être enjoint à tous Commandans de faire refpeéter foigrieufement la religion & Ion culte, ôç de ne pas fbuffrir des mœurs publiquement dépravées & corrompues. S’il arrivoit qu’un Commandant fût lui-même vicieux & fcandaleux, il doit être révoqué fur le champ. C’eft un mauvais levain qui corromproit toute la maflè. Toute troupe, fans religion & fans mœurs, ne fera jamais bonne.
Troisième Principe*
Du Principe précédent fuit néceflâi-rement l’importance d’un bon choix d’Officiers polir mettre à la tête des Régimens;, des . Corps & des Compagnies, d’exemple eft de toutes lesinftruétions
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la plus efficace, comme elle eft la plus douce & la plus perfuafive. Les inférieurs fe règlent toujours, même machinalement, fur la conduite de leurs fupérieurs. Il eft donc néceflàire de mettre à la tête de toute troupe, des Officiers déjà connus & diftingués par leur conduite, par leurs bonnes mœurs & par leurs fervi-ces. C’eft du choix que Ton en fera que réfultera le bien ou le mal
Il ne fuffit pas pour le bien du fervi-ce de choifir des hommes de bonnes mœurs, pour mettre à la tète des troupes; ils doivent être outre cela intelli-gens & reconnus capables par leurs fer-vices précédons. C’eft pour aflurer ce choix fi néceflàire, que, dans la com-pofition des corps, je propoferai dans la fuite d’établir une efpece de noviciat pour les grades, duquel on pourra tirer les fujets capables de remplir avec dis-tinétion les emplois qui leur feront congés. L’ancienneté dans les avancemens èft une bonne méthode ; mais elle ne doit avoir la préférence qu’à mérite égal,
DE SK GERMAIN; -j^ parce que le bien du fèrvice doit l'emporter comme de raifon fur toute autre confédération. La nature ne jette point le» hommes au moule; elle les forme fuc» ceflivement, les uns plus vite, les au* très plus lentement, en proportion, des difpofitions qu’elle leur a données, & de leur propre aplication. U faut l’imiter» les <ayer, leur donner le tems de mûrir & de fe rendre capables, av^nt de Jet furcharger. Que peut - on attendre d’un jeune homme fans connoiflances, fans principes ? parce qu’il n’a eu ni le tems ni l’occafion d’en acquérir; & fouveot encore il eft fans mœurs, fans-talons dç fans volonté. Perfonne ne peut donner ce qu’il n’a pas lui-même; c’eft donc le perdre entièrement que de le charger d’uq fardeau qu’il ne peut pas porter., Donnez-lui le tems d’acquérir , les forces né» ceffaires; il deviendra un homme utile & peut-être un jour un homme fu^' rieur,
’ Lfl véatlité dans les emplois.jnilitair^ eft. .«ftiréîWt ce .qu’il Y a. de JBW
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deftruftif & de plus préjudiciable au bien du fervice. L’argent ne donne ni les ta-lens ni le mérite; & il en faut beaucoup de l’un & de l’autre dans l’état militaire. La vénalité devroit être tout au plus per-mife, quoique très-rarement, en faveur d’un vieux Officier hors d’état de continuer fes fer vices, & que le Roi ne pourroit pas dignement récompenfer; on pourroit lui permettre alors de vendre à un autre Officier capable de le remplacer dignement La vénalité fut introduite fous Louis XIV. Avant cette époque; les armées de France étoient les meilleures de l’Europe. Ce ne fut plus la même chofe dans les fuites, & alors on chercha à lupléer au défaut de qualité par la quantité; de-là font nées ces nombreufes armées qui écrafent les Etats, même en tems de paix.
H s'eft introduit fbcceffiveulent, & Ton peut dire malheureufement, un ufa-ge de diftinétion entre la grande nobleffe & celle des Provinces, entre la riche & la pauvre. La première clafle obtient
d’emblée les premiers grades comme de droit, & la féconde clafle, par le feul malheur de fà naiflànce ou de là pauvre, té, eft condamnée à croupir toute là vie dans les grades fubaltemes. Cet ufage eft doublement pernicieux. La première clafTe n’a pas belbin de travailler pour réuflir; elle obtient de droit; & la le? conde ne travaille point, parce que Ion travail lui ferait inutile. Par-là toute l’émulation eft anéantie: or, fans émulation l’homme n’eft rien & ne çherche qu’à végétai
Les emplois ne font pas faits pour les hommes; mais les hommes font faits pour les emplois. La raifon & le bien public exigent .qu’ils fe rendent capables de les exercer dignement, fans exclure la fécondé clafle dés emplois auxquels fon aplicatfon, fon travail & fes talens la rendraient digne de . prétendre & de s’y rendre utiles. H eft bien de donner des préférences à la première clafle, quand elle le mérite; comme elle a plus de moyens de, fe procurer upe meilleure éducation,
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que par confisquent fes difpofitions & fes talens doivent être plutôt développés, die fera plutôt capable d’exercer de grands emplois» Mais dans tous les cas le bien du fervice doit l’emporter fur toute autre confidération. Les hommes ne peuvent fe donner les talens; il faut les chercher où la nature les a placés. Ce n’eft que dans h pratique & dans l’aftion qu’ils fe font connoître; il faut donc commencer par eflàyer & éprouver les hommes, quels qu’ils fbient, pour pouvoir les employer à l’avantage de l’Etat & au leur propre.
Quatrième Principe.
La prodigalité des finances introduit l’efprit d’intérêt direâtement oppofé à l’efprit d’honneur, qui doit être l’ame du militaire; & cet efprit d’intérêt produit la corruption. L’état militaire ne peut pas être enrichi ; toutes les finances d’un Etat n’y fuffiroient pas, & il ne doit pas
être riche: mais il en doit être dédommagé par les honneurs & la confidéra-tion; il doit làvoir que lès fervices, lès mœurs & lès vertus doivent toujours faire Ion principal luftre. Les apoin-temens pour chaque grade doivent être réglés fixément, de façon que chaque individu puiflè vivre honnêtement félon fon grade; mais militairement, fins être dans la néceffité de prendre fur le patrimoine qu’ü peut avoir. Les Commandans des corps ne doivent pas permettre que leurs lùbordonnés excédent en dépenlès leurs apointemens, ni que ceux qui font riches de leurs propres fonds humilient leurs camarades par une dépenfe qui ne conviendroit pas à leur grade. Ceux qui font riches peuvent dépenfer leur argent chez eux ou ailleurs; mais au corps ils doivent vivre dé leurs apointemens comme leurs camarades. Chaque individu doit être afireint à lavoir le fuffire & s’entretenir de tout, avec ce que le Roi lui donne. L’homme militaire doit être lôbre, fe durcir au travail & à la peine»
140 MÉMOIRES du COMTE & s’accoutumer à toutes fortes de privations.
Les penfions; le terme même de pen-fion doit être inconnu & aboli dans l’état militaire. Si l’on accordoit des penfions, cette porte une fois ouverte, chacun travaille à y paflèr, & s’occupe plus de ce foin que de celui de remplir fes devoirs. Outre les maux infinis qui en réfulte-roient, on lent aflèz qu’elles feroient plus foùvent accordées à l’intrigue & à la faveur qu’aux fervices & au mérite; mais en aboliffant l’ufage des penfions il eft jufte d’accorder, quoique avec beaucoup de modération, des gratifications; i«. aux corps qui auront fait quelque action d’un grand éclat & d’une grande utilité, 2°. aux Officiers bleffés, pour leur fournir les moyens de fe faire guérir, 30. à ceux des Officiers que des maladies ou des pertes d’équipages auroient obérés & mis hors d’état de fe foutenir, 40. aux Officiers qui auroient. eu de§ çommiflions extraordinaires. .    . .........
·         t. Quarté aux Officiets /qui auroipnt eu
le bonheur de faire quelque aétion d’& clat, d’une grande utilité, & qui annon* cent d’heureufes dilpofitions & des ta* lens, ils ne doivent jamais en être ré-compenfés par de l’argent, mais par des avancemens, & le bien du fervice l’exige. On doit accorder à un tel Officier un grade fupérieur avec les apointemens ou demi-apointemensde ce nouveau grade, félon le plus ou le moins de mérite dé Ion aétion; le placer à la fuite d’un Ré» giment jufqu’a ce qu’il y ait une vacance qu’il doit remplir de droit Par-là l’on excite une grande émulation dans les troupes & l’on forme de bons Officiers fans qu’il en coûte beaucoup. U ne faut pas prodiguer ces fortes de grâces qui ne doivent être accordées qu’avec laplus grande circonlpeétion & toujours dap^ la vue de procurer le bien du fervice Tout ferpit perdu , fi ©n les accordent trop légèrement ; on accoutumeroit l’état militaire à donner aux aétions militaires une valeur & une importance qu’elles ne méritent pas & à regarder des fervicqs
fort ordinaires comme des prodiges de prudence & de valeur; ce ferait anéantir Vidée du vrai.
Cinquième Principe.
L’usage d’accorder des retraites aux Officiers qui fouhaitent de quitter le fer-vice eft un ufage très-vicieux qui fait perdre au Roi grand nombre de bons Officiers dans le tems où ils pourraient lui rendre lés meilleurs fervices, & qui en détermine plufleurs à beaucoup de mauvaifes pratiques pour obtenir ces fortes de retraites,afin de vivre dans l’oifiveCé qu’il eft naturel de préférer à un genre de vie pénible, gêné & laborieux. L’Of-ficiér doit fervir tout le tems que fes forces le lui permettent. S’il veut fe retirer, •quoiqu’en état de continuer fes fervices, il doit en être le maître; mais il ne doit rien avoir à efpérer pour les fuites. H a été payé des fervices qu’il a rendus. Si au contraire il a ufé fa fanté & fes forces dans le fervice & qu’il ne foit plus pro-
DE ST. GERMAIN. 143 pre à le continuer, alors il eft jufte qu’en lui accordant la permiffion de fe retirer, il conferve pour le refte de fes jours les apointemens ou demi-apointemens du grade qu’il occupe, félon qu’il a bien ou mal & plus ou moins longtems fer* vi. Il en devrait être de même pour les bons Officiers; & la même réglé, quoi* que modifiée , devrait avoir lieu pour les Soldats. Leur enrôlement devrait être de dix années. .
Quand le Soldat a fini le tems de cette première capitulation, il doit être le maître de fe retirer s’il le veut, & fous aucun prétexte on ne doit pouvoir le retenir, parce qu’il a fait un contrat qui doit être lacté. & dont les obligations font également obligatoires pour les deux parties contradantes. S’il veut contrafter une fécondé fois & toujours pour dix années, on doit lui accorder deux à trois deniers de iblde. de plus par jour & ainfl augmenter & Iblde de deux à trois deniers par chaque capitulation. Ces augmentations lui feront payées ou par
jour, ou par mois, ou-àlafin de chaque année. Il doit toujours être le naître de pouvoir quitter le fervice à la fin de chaque capitulation. S’il le quitte i quoiqu’il foit en état de le continuer, il doit alors en recevant fon congé conferver pour le refte de fes jours toute la folde dont il jouit, s’il a fervi le tems de quatre capitulations : & là moitié feulement de cette folde, s’il n’en a fervi que deux ou trois. Par cette réglé, auffi jufte que fimple & facile, le Roi engagera lés Officiers & Soldats à bien fervir tant que leurs forces le leur permettront, & il y trouvera un double avantage. U épargnera du côté des enrôlemens & il aura des armées com-pofées de vieux Officiers & de vieux foldats qui font toujours lés meilleurs. Un foldat n’eft bien formé qu’au bout de cinq à fix années de ferviçe après lesquelles: il n’eft plus guefe propre aux travaux du Païlàn. 11 eft donc mieux qu’il continue à fervir, & il le fera volontiers dès qu’ü aura une perlpeétive aifée & affurée pour fes vieux jours.
SIXIEME
Sixième Principe.
L’homme doit avoir fur cette terre un état certain qui lui foumiffe les moyens de vivre honnêtement, que l’humeur, le caprice, la légéreté, la dureté, né puiflènt jamais lui ôter & qu’il ne puiflè perdre que par là propre faute, s’il ne remplit pas fes devoirs. C’eft à la légiflation à lui prefcrire & à lui faire connoître les devoirs qu’elle exige de lui. Il manque à l’état militaire un ouvrage élémentaire qui prefcrive les devoirs dé chaque individu, depuis le Soldat jufqu’au Général de l’armée. Cet ouvrage feroit de la plus grande utilité, parce que chacun pourroit aprendre fes devoirs. Les Com-mandans des troupes doivent être auto-rifés à punir leurs fubordonnés par les arrêts, la prifon & autres peines légères pour les délits de peu de conféquen-ce; mais, dès qu’il s’agit de punitions graves , comme de pertes d’emplois &c, elles ne doivent être décernées que par
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i46 MÉMOIRES du COMTE
un Confeil de guerre & des formes juridiques, confirmées par le Roi même; elles auroient aufli bien plus d’efficacité. La principale fonction des Infpeéteurs devrdit être lors de leurs revues de tenir, lorfqu’il y a lieu, ces fortes de Confeffs de guerre & de régler avec les Colonels & les Officiers de l’état major les chan- i gemens & les remplacemens d’Officiers qu’il y a à faire afin d’obvier autant qu’il eft poffible aux effets de l’humeur, de la faveur & de l’arbitraire.                  !
Septième Principe.
La tiédeur dans le fervice, l’infùbor-dination, la fraude envers le Roi, les lâchetés, font des crimes qui doivent ■ être inconnus dans l’état militaire & qui ' doivent toujours être punis à toute rigueur; un Officier qui ne remplit fes devoirs qu’avec dégoût & nonchalance I doit être renvoyé; celui' qui fraude le Roi de même que celui qui commettroit
des lâchetés, comme de retenir à ion profit la folde du Soldat, doivent être chaifés honteufement L’infubordination doit être également punie féverement, mais toujours en obfervant les formes juridiques dans les délits aflèz. graves pour faire perdre emplois ou honneur» La fubordination doit être auffi exalte» auffi entière de grade à grade que du Soldat au Général de l’armée; mais elle ne doit pas être tyrannique ni arrogante de la part des ftipérieurs, ni fervitude dans les inférieurs. Un fupérieur eft un pere de famille, dont l’autorité doit être également majeftueüfe, ferme, douce & polie, & qui, pat le tendre intérêt qu’il prend à fes enfàns qui font fes inférieurs, doit fè concilier leur.reipeét, leur ôbéîs-fance & leur afièétion. Les inférieurs , par reconnoiflànce de ces fentimens & par attachement, doivent craindre de déplaire & de défbbéir.
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Huitième Principe.'
L’oisiveté à laquelle le militaire eft condamné, le corrompt néceflàirement; elle eft la fource de tous les vices & la mere de l’incapacité & de l’imbécillité. Quand on conduit les hommes comme des enfans, ils reftent enfans toute leur vie & ne deviennent capables de rien. Pour avoir un corps vigoureux, il faut beaucoup exercer les membres pour les fortifier; il en eft de même des facultés de l’ame; ce n’eft qu’en les exerçant qu’on donne de l’aptitude & de l’énergie à l’homme. On a fuivi une toute autre •méthode: fi un Régiment a befbin de 6o bottes de foin, d’abord on lui envoie Commiflàire des guerres, entrepreneurs & des commis; ainfi pour tout le refte. Cela n’eft-il pas pitoyable! ce Régiment ne peut-il pas fe procurer ces 60 bottes de foin par lui même? Tout corps eft une famille, qui, au moyen de ce que le Roi lui donne, doit fe fiiffire
à elle même & Te procurer tout ce dont elle a befoin, fans fecours étrangers, qui font toujours onéreux au Roi & aux troupes. Les Commandans des corps font des peres de famille qui doivent fa-voir former & employer leurs fubor-donnés félon leurs talens, & par ce moyen s’entretenir eux-mêmes avec une grande épargne pour le Roi.
Je crois pouvoir me citer ici: quand j’ai commandé des détachemens, même des corps d’armée, & que je n’ai eu aucun de ces fecours, la troupe a eu abondance de tout fans qu’il en coûtât un fol au Roi. Avec quelques Officiers in-telligens, quelques bas-Officiers & Soldats , tout alloit en réglé & rien ne man-quoit. Mais, dès que la foule des employés m’avoit joint, je ne pouvois plus fournir allez de fubfiftances; le détordre fe mêloit partout ; il en coûtoit infiniment au Roi, & cette partie feule me donnoit plus d’embarras que le refte du fervice. Les vivriers ne font proprement que des diftributeurs, & chaque Soldat peut faire
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cette befogne comme eux ; fi Ton accou* tumoit l’Officier à faire tous lès détails d’entretien & de fervice, les troupes feraient beaucoup mieux entretenues; l’épargne ferait immenfe pour le Roi, & l’Officier ne croupirait point dans une honteufe & ftmefte oifîveté. Il doit lavoir que tout ce qui a râport au fervice eft très-honorable & que c’eft fon devoir de s’employer à tout ce qu’il peut pour procurer le bien du fervice de fon maître. J’entrerai dans la luite dans un plus grand détail fur cette partie.
Neuvième Principe.
C’est un ufage bien pernicieux que celui d’accorder des titres; il met toutes les têtes en fermentation, occafionne des murmures & des dégoûts dans les troupes, & anéantit le progrès des cûnnoiflànces & des talens. Un Capitaine à qui l’on donne le titre de Colonel ne remplît plus qu’avec dégoût les devoirs de Capitaine, qu’il ne fe donne même plus la peine
d’aprendre, & en même tems H n’a pas occafion d’aprendre ceux de Colonel; & cependant par un ufàge plusftinefte en* core, établi depuis peu, il eft avancé au grade de Brigadier & de Maréchal de camp félon ion ancienneté, fans qu’il ait jamais bien fait le fervice d’aucun grade. Que peut-on attendre d’un tel Officier? La pratique feule & le travail forment les hommes & les rendent capables du commandement.
Dixième Principe.
Tout édifice militaire doit avoir futilité uniquement & la plus grande économie. Il faut en retrancher tout ce qui n’eft pas d’une néceflité abfolue, afin de pouvoir entretenir ce qui eft néceflaire avec une noble, mais ftricte économie; en finvant même exactement cette réglé, l’état militaire eft bien coûteux, & fa dépenfe double au moins en tems de guerre. Si l’on fentoit bien la néceffité de fe conformer à cette réglé, les Princes n’au-
roient de gardes que ce qui eft néceflaire pour la dignité du Trône; & du refte, pour leur fûreté & le maintien du bon ordre, ils fe contenteraient d’avoir un corps de troupes de campagne à portée de leurs réfidences qui feroient fucces-fivement relevées par tous les corps de l’armée. Ils aprendroient ainû à connoî-tre les Officiers & les troupes, & ver-roient bientôt avec fatisfaétion que l’œil du maître féconde & vivifie tout. Les ççrps diftingués & à privilèges particuliers, font toujours d’une très-grande dépenfe, & ne peuvent s’entretenir qu’aux dépens & en diminution de l’armée. Ils fervent moins que les troupes de campagne, font ordinairement peu difciplinés & mal entretenus, & toujours très-em-baraflànts dans les armées. Un homme, parce qu’il eft galonné, chamarré, & qu’il a une plus forte paye, ne vaut pas mieux qu’un autre pour la guerre, & fouvent H.vaut moins. Un corps de 3000 hommes de ces troupes diftinguées coûtera autant que 10000 hommes de troupes
àe campagne, & ne rendra pas les mêmes fervices. Ce font les grandes armées, & non les corps diftingués, qui annoncent la véritable puiflànce.
Depuis Louis XIV, Prince qui avoit l’eiprit grand & élevé, toutes les infti-tutions, tous les établiflèmens tiennent plus de l’oftentation que de l’utilité; & rarement la raifon de l’économie a été confoltée. Je ne citerai que deux exemples, l’Ecole militaire & l’hôtel des Invalides. Dans le premier de ces établiflèmens il s’agit d’élever de très-pauvres Gentilshommes pour en faire des Lieu-tenans d’Infanterie; l’éducation devroit toujours être proportionnée à l’état que l’homme doit avoir dans la fociété; il ne s’agiflbit donc que de leur former un cœur honnête, un eiprit docile & un corps robufte & vigoureux; de leur aprendre à lire, à écrire, l’arithmétique, quelque choie des mathématiques, de la géographie, & les langues des nations voi-fines de la France; au lieu de cela, on a fait un établiflèment comme s’il s’agis*
foit d’élever des Princes. Le fécond eft deftiné à recevoir des pauvres vieux Soldats , pour les laiffer mourir en paix & en tranquillité; il devoit donc être proportionné à cet objet. Mais on leur a bâti un? des plus beaux palais de l’Europe, pour les y faire vivre comme des moines; & la dépenfe annuelle de cet établiflèment fufliroit feule pour entre-tenir plus de 10000 invalides, qui, répandus dans les Provinces, s’y rendroient encore utiles. Ce n’eft que dans les édifices publics, comme les Eglifes, les Palais des Rois, les tribunaux de juftice, les maifons de villes &c. que l’on doit mettre de la grandeur & de la magnificence, qui annoncent la puiflànce & la félicité d’un peuple. Dans tout le refte & furtout dans ce qui concerne le militaire, on ne doit chercher que futilité, dirigée par l’économie. Ceft un corps deftiné à*vivre dans îa peirie &le travail, dans la fobriété & dans la privation; fl ne feut donc rien y admettre qüï'puifle lui infpireT des mœUrs contraires.
Du Conjeil de guerre, de fa compofition, & de fes fonctions.
Un Préfident, qui doit être un militaire confomtrié, eft le chef & famé du tribunal, fl propofe tout ce qu’il croit utile au bien düiervicè; mais il ne peut rien faire ni ‘ordonner feul de fà propre autorité; ioàr -doit être tégté & décidé dans ce QônÆû, '4' lapluralfté des voix où il n’en à qü*une, comme les autres membres, hors les cas où les voix fe-roient partagées; .alors feulement il en auroit deux, pour pouvoir former une réfbiutioti. H doit fignér tout ce qui émane du tribunal, & féparémentau-des-fus des aûtres qui fuient avec lui. Il travaille avec le Roi; en fabfènce du Tré-fident, lè plus ancien militaire du Tribunal doit préfidet fané difficulté; mais il ne ligne les aétes que fur la même ligne que les autres membres.
IL
Un Vice-Préfident, qui doit toujours être un homme de loi. Il feroit même bon qu’il eût exercé une intendance dans une province militaire. Il a la direction de tout ce qui a report à l’état civil, celle de la chancellerie, du tribunal, des archives, & des différens bureaux dont nous allons parler; il figne avec le Pré-fident, mais au-deffous, tout ce qui doit être préfenté & fournis à fa décifion du Roi, & tout ce qui émane du Con-feil pour les parties feulement dont il a fa direction.
HI.
Un premier département, qui a fa direction de l’Infanterie, des Milices & des Invalides. Ce département doit avoir pour chef un Officier iupérieur auquel on donne pour le détail un homme intelligent en fous-ordre, par exemple un Çommiflàire des guerres ou un chef des bureaux aâuels,
·         IV.
Un fécond département , qui ait la direction de la Cavalerie, des troupes légères & de l’Ecole militaire. Il doit avoir , de même que le premier département, un Officier fupérieur pour chef, & un homme en fous-ordre pour le détail.
·         V.
Un troifieme département, qui ait la direction de l’artillerie, des arfenaux, fonderies , fabriques d’armes de toute elpece & bouches à feu, des falpêtrieres, fabriques à poudre &c. Il doit avoir pour chef un Officier iupérieur d’Artillerie, à qui l’on donne de même un ou deux ; hommes intelligens pour le détail.
VL
Un quatrième département, qui ait : la direction du Génie, des Fortifications, 5 & généralement de tout ce qui y a report. Il doit avoir pour chef un Offi-
cier fupérieur du Génie, auquel il faut comme pour les autres départemens les fous-ordres^ héceflàires.
VIL
Un bureau des finances, qui doit avoir pour chef un bon financier avec les aides néceflàires. Ce bureau doit dreffer les tableaux des payemens, for* mer tous les comptes, tenir des regiftres exaéts des recettes & dépenfes, retirer les quittances, enfin gérer tout ce qui concerne les finances. Il y aura une cais-fè à trois ferrures, à différente clef chacune, dont le Vice-Préfident, le chef du premier département & le chef de ce bureau auront chacun une clef. Cette caiflè ne doit s’ouvrir qu’ai préfènce de tous les trois. Elle eft deftinée à recevoir les fommes d’argent, à conferver les regiftres des comptes & les quittances des parties prenantes. Les trois membres chargés du foin de cette caiflè, & qui en ont les clefs, doivent ligner tes regis-
DE ST. GERMAIN. 159
très & les décomptes à chaque travail qu’ils feront A la fin de chaque année le tribunal demande des Commiflàires au Roi pour examiner fa geftion, l’état des finances , & pour avoir, d’après cet examen, une décharge générale que l’on confèrve foigneufement Cette opération eft fimple & aifée. M. le Contrôleur général des finances fournit un état des fommes qu’il a données, fur les ordonnances du Confeil de guerre ; ce dernier en montre l’emploi par les ordonnances du Roi & les quittances de ceux .qui ont reçu.
VIIL
Un bureau pour les hôpitaux & pour toutes les fournitures à faire aux troupes, de quelque nature qu’elles puiffent être. Il doit de même avoir un chef bien intelligent avec les aides néceffaires.
IX.
Enfin un bureau pour les affaires de juftice, procès, Confeil de guerre &c.
Il doit avoir pour chef un habile avocat La vie des hommes eft fi précieufè; il eft fi trifte & fi douloureux de la leur ôter, que l’on ne peut prendre aflèz de précautions pour pouvoir la leur confer-ver autant qu’il eft poflîble. Les lois militaires font trop féveres; il n’y a pas une jufte proportion entre les délits & les peines. Ne ferait-il pas digne de la clémence du Roi, d’ordonner que tous les Confeils de guerre qui portent fentence de mort, fuflènt envoyés, avant qu’on procédé à l’exécution, au tribunal de la guerre qui les ferait revoir & examiner par le bureau de juftice, pour, après avoir vu fon fentiment, le porter à la décifion du Roi. On fauveroit par-là la vie à bien des malheureux, qui foüvént périflènt bien légèrement. Ce bureau pourroit aufli travailler à adoucir les ordonnances, qui étant moins rigoureufes, en feraient mieux obfervées. Tout le monde répugne à faire périr un homme; cette répugnance fait fermer les yeux fur quantité de fautes que l’on ferait punir, s’ü
s’il n’étoit pas queftion de peines capitales.
La chancellerie du tribunal, qui eft fous la direction du Vice-Préfident, doit être compofée de plufieurs bons Secrétaires principaux & de plufieurs écrivains pour tous les départemens & toutes les parties militaires; c’eft dans cette chancellerie que doit s’écrire & expédier tout ce qui émane du- triblinaL
Du Confeil du Tribunak
Le Confeil doit être compofé dü Pfé* ïident, du Vice-Préfident, d’un nombre déterminé d’Officiers généraux & des chefs des trois premiers départemens. Le chef du quatrième département peut en. être difpenfé, n’ayant que peu de relation avec les afiàires militaires & beaucoup d’occupations dans fon propre département; mais quand il fera fon travail, alors il y prendra féance & aura fà voix comme les autres»
L
C’eft au Préfident à régler les tems & les jours où le Confeil doit s’aflèm-blef, &; auquel les différens départemens & bureaux doivent faire leur travail ; il peut mêmè les convoquer toutes les fois qii’il lé jugera néceflàire. Quand il eft aflemblé, le Préfident ouvre publiquement les paquets & les lettres adreffées au.tribunal, les lit s’il le veut, & les remet enfuité aux chefs des différens départemens que les affaires qui y font contenues concernent, pour en faire leur raport à leur premier travail. Afin de faciliter cette befogne, toutes les lettres àdrèffëes. au tribunal doivent être en formé de Mémoire, & fans complimens, avec Fattention de mettre au haut de ces mémoires, à la première page & d’abord à gauche, Cavalerie ou Infanterie,;. Artillerie, ou (Génie &c, félon que le mémoire eft dé fun ou de l’autre corps & vis-à-vis à droite le nom du Régiment ou du corps.
On voit ainfi, du premier Coup d’œil, à quel département les différens mémoi-
res doivent être remis ; l’adreflè doit être fimplement: au Conseil de Guerre. Quand les départemëns ont reçu les mémoires, ils font l’extrait de chacun dans un cahier à demi-marge. Le jour de leur travail, ils font au Confeil le raport de leurs extraits, & difent leur fentiment fur les objets qui y font contenus. Le Confeil décide à la pluralité des voix, & les chefs des départemens écrivent ces décifions à l’autre marge vis-à-vis les extraits, & ils les- fignent. Quand les cayers font remplis, on les dépofè dans les archives, afin que. dans les mêmes cas on puiflè donner les mêmes décifions. Sur ces décifions les ordres s’expédient à la chancellerie en forme d’ordre & fans compliment, font fignés du Préfîdent, du chef du département & paraphés par l’homme en fous-ordre du département, & enfin expédiés à leur deftination fous le fceau du tribunal; ainfi de même pour chaque département. Le Vicë-Préfident porte au Confeil le travail- des bureaux, comme il a déjà été dit. L 2
Quant aux affaires qui doivent être portées à la décifion du Roi (& tout y doit être porté & fournis) le Préfident, après l’avis du Confeil, en fait faire des extraits iùccints, écrits à demi-marge; &, au-defibus de chaque extrait, il met le fentiment du Confeil & figne cette feuille avec le Vice-Préfident. Il préfente en même tems au Roi toutes les pièces qui concernent cette affaire afin qu’il puiflè les lire, s’il le juge à propos; il écrit enfuite à l’autre marge & vis-à-vis chaque extrait, les décifions & les ordres du Roi, & il prie Sa Majesté de vouloir bien apofèr fà fignature au-des-fous de fes ordres. Ces pièces, qui font la réglé fuprême de tout & la fureté du Confeil, doivent être foigneufement con-fervées dans les archives.
De la Solde de P Etat militaire.
Tout doit être Amplifié autant qu’il eft pofüble; cette régie eft encore plus
néceflaire fur l’objet de la finance que fur tout autre: elle le fond en paflànt par plufieures mains, & fe réduit enfin à peu de choie. Le bureau des finances, fur l’état qu’il à de toutes les parties qui reçoivent, forme fon tableau de payement. D’abord, il fait un total de toutes les retenues ordonnées par le Roi qui le prélèvent à fou, profit, fur le fond entier deftiné à l’entretien de l’état militaire & qui peut relier fous la main du Contrôleur général, d’après l’état que lui en fournit le tribunal de la guerre. De cette façon tout le monde reçoit net les apointemens que le . Roi lui a accordés. Le Confeil de guerre demande en-luite à M. le Contrôleur général les as-fignations nécelfaires fur les Tréforiers & Receveurs des provinces pour les fommes dont il a befoin pour faire ces payemens. Après avoir reçu ces aflig-nations, il envoyé fes ordonnances de payement à ceux qui doivent recevoir, lelquels, for les payemens qui leur font faits,, donnent deux quittances pour ne
fervir que d’une? L’üné de ces quittances eft envoyée à M. le Contrôleur général & l’autre au Confeil de guerre qui la fait dépofer dans la caiffe du bureau des finances. Én tems de guefre, le Confeil peut envoyer à l’armée un (impie caiffier pour diftribuer fur fes ordonnances celles du Général de l’armée & recevoir les doubles quittances pour les renvoyer à leur deftination, comme il eft dit ci-deflus. Cette méthode fîmple abrégeroit bien des formalités coûteufes au Roi, rendroit les Tréfôriers militaires peu néceflàires.
J^e la Compofition des Troupes & premièrement des Milices.
La con’fbmmation étonnante d’hommes que font lès armées françoifes â fait imaginer l’établiflèmént- des Milices; C’eft former & entretenir une double année, fans pouvoir en tirer des avantages proportionnés à la dépenfe. Ce feroit même
augmenter cette confommation d’hommes & porter un coup mortel à la population, que d’envoyer des milices en corps aux armées pour réparer leurs pertes. Un Bataillon ou un Régiment de milice rendra fort peu de fervice, & il en périra dans une campagne un tiers, ou peut-, être une moitié; & il en arrivera de même chaque campagne. Il feroit trop long d’en expliquer les raiibns; l’expérience d’ailleurs l’a allez prouvé. Si donc on ne peut pas les faire lèrvir, fans un grand préjudice pour l’Etat, & fi l’on ne peut en retirer une véritable utilité, pourquoi en faire la dépenfe? Les milices ne devroient être autre chofe que des claffes de 500 hommes pour autant de Régimens d’infanterie qu’il y a. Elles n’ont befbin ni d’Officiers, ni de bas-Officiers. On commanderoit, quand il en feroit tems, des. Officiers fupérieürs des R.égimens voifins, pour , avec les. Intendans ou. leurs fubdélégués, palier ces différentes dallés .en revue * donner les congés & faire les remplacemens. De
cette façon les milices exifteroient fans être à charge au Roi & aux provinces. S’il fiirvient une guerre confidérable ou dangereufe qui exige une augmentation de forces, on peut d’abord former an fort une compagnie de cent hommes dans chaque claflè, leur donner alors des Officiers, & les mettre en garnifon pour les exercer: fi les armées faifoient des pertes que l’on ne pût réparer que par le moyen des milices, on pourroit prendre alors proportionnément fiir ces di£ férentes compagnies le nombre d’hommes néceflàires pour les incorporer dans les Régimens & tout de fuite recompléter ces compagnies par d’autres Miliciens. L’Artillerie & la Cavalerie pourroient également dans des cas de néceflîté, tirer de ces compagnies les hommes qui leur feroient propres. Ces compagnies fe-roient ainfi une pepiniere d’hommes déjà à moitié formés; mais, avant d’employer des moyens deftruétifs & onéreux au Roi & au peuple, il convient d’examiner d’où vient cette grande confommation
d’hommes que font les années» pour pouvoir y remédier.
Il y a plufîeurs caufes qui foccafio* nent, & l’on peut afTurer que toutes prennent leur fource dans l’indilcipline des troupes, qui a la tienne dans la mauvaife compofition des Officiels. Il ferait impoffible d’exprimer tous les maux qui en réfultent. Si les Officiers, plus attentifs à leurs devoirs, s’occupoient fans cetie du foin de leurs troupes, veil-loient toujours fur eUes, les occupoient 'à des travaux utiles, à la propreté, à Fembelliffement de leur camp, à des jeux même pour les amufer, qui les rendraient en même tems fouples & vigoureux; & s’ils avoient foin de les tenir toujours raflèmblés, & de les faire vivre avec ordre, les troupes ne périraient pas comme elles font; mais l’Officier cherche à fe divertir, ne refte jamais à là troupe; & le Soldat qui n’eft plus lùrveillé, fe libertine, court à la maraude, commet mille excès, épuife fes forces & périt. Ceux qui font plus vigoureux, après
s’être accoutumés à un «(prit ïk libertinage, déferrent. Ladéferfion eft.pro-digteufe dans tes armées de France; d’où vient cela ? D’abord de h légèreté. desprit, enfuite du libertinage,. & enfin de! ce que te payfan fiançois «n’a rien que fon corps. Tout homme qui n’a. ni mai*1 fon ni propriété, n’a point de..patrie. I Le -fentiment momentané du mal-être & l’efpérance du mieux, deviennent fes feuls guides. Peut-être remédieroit-en 1 en. partie, à ce mal, fi les propriétaires des. terres entendoient mieux leurs; intérêts, ou fi, confultant plutôt l’intérêt de fEtat que le leur propre., .au lieu de tenir des fermiers, ils divifoient leurs propriétés en rentes foncières ou. autrement fur autant de familles qu’elles en pourroient entretenir dans l’aiiàoce; & il y àuroit plus de monde employé, jplus de payfans aifés;. toutes des « terres feraient beaucoup.mieux cultivées; ; PEtat y jgagnevoit: & il.païôît aulïïquç tes.pro» prières auraient .des. revenus plus alfa* rés; 'Ilc eft .oegâin aqu’un Soldat qui. a quelque bien chezjal, ne défertera pas.
DE S^. ÆERM’AÏH 17j
S U I T E
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MÉMOIRE MILITAIRE.
ji n’en àf^as- de la profèflion militaire cèmme des autres’înftitûtions & proffes-fions dé la foeiëté; âahS Ces démieres le lilùs ou ttioins deJcapadîtè/dé connois-fancés, d’aùenàôn & d’èx&titude n’ont fouvent pas -Uitë influence importante & encore moins iubite.: Dans1 la profeffion militaire ,au Contraire, tout eft capital ; la moindre !^te'd$groranCè où dé né-gligènce,- la nïôiridre inattention, là plus légère draiffion de'-là part dü Général, dé cene même-â’un Offièiér particulier, ont toujours des' iùités: fàCheufes, & peuvent foüvent ôccafionner les plus grands déiàftres.k
L’état militaire eft comme ces machines compofées d’une infinité de petites roues dont chacune, féparée de fon tout, ne mérite aucune attention & n’eft bonne à rien; mais qui, raflèmblées & miles en ordre, donnent à la machine toute l’énergie qu’elle doit avoir pour remplir fes fins. Elle ne pourroit plus les remplir, fi on lui ôtoit la plus petite de fes pièces. La machine fera d’autant plus parfaite, que les différentes pièces qui doivent la compofer feront mieux travaillées. Il en fera de même de l’état militaire. Il fera bon, il remplira avec diftinétion les fins .auxquelles il eft deftiné, fi toutes les parties dont il. doit être compofé font oonnes, folides, bien proportionnées, &. fi le tout eft animé par un elprit vraiment militaire.. C’eft de cette compofî-tion que je vais m’occuper; &, pour la propofer auffi bonne qu’il eft poflible, j’en prendrai le modèle, autant que les circonftances actuelles peuvent le permettre, dans les tems de M. de Turenne, tems de la gloire de la nation, & auquel
DE S* GERMAIN. 173 les années françoifes, de l’aveu de toutes les nations» étoient fupérieures à toutes celles de l’Europe.
Les années font compofées d’infanterie, d’artillerie & de cavalerie. Il doit y avoir une jufte proportion entre ces différentes armes, & c’eft fur l’infanterie qui eft la force & la bafe des armées, que ces proportions doivent être réglées. Les plus juftes font un 5eme ou im 6eme de cavalerie fur toute l’infanterie & deux canons de parc par mille hommes d’infanterie. Le Roi de Prufle, après plu-fieurs campagnes, pour fupléer à la foi-bleflè de fon infanterie, imagina cette reïfource; tout le monde l’a imité, fans avoir les mêmes raifons, & ne s’en eft pas bien trouvé. La France, eu égard à l’étendue de fes frontières, de lapofition des nations qui l’avoifinent & de l’état aftuel de l’Europe, devroit avoir 180000 hommes d’infanterie, 30000 hommes de cavalerie & 14 à 15000 hommes d’artillerie; avec ces forces, qui ne font pas trop confidérables pour un fi grand
Royaume y elle peut mettre en campagne deux années, chacune de- 80000 hommes d’infanterie & 12000 chevaux avec l’artillerie néceflaire, foit de campagne ou de fiege. Il refteroît encore allez de troupes dans le royaume pour-maintenir l’ordre & garder les fbrterefles. Dans une profonde paix on peut les diminuer plus ou moins félon les circonftances par la réforme d’un certain nombie d’hommes par compagnie, en congédiant de préférence ceux qui fouhaiterbient de l’être. Les réformes doivent toujours être faites de façon que, lorfqu’il s’agira de recompléter les corps, il ne faille mettre tout au plus qu’un quart de recrues fur trois quarts d’anciens Soldats; en obfer-vant cette régie, les corps feront bons & bien en état de fervir, mais on les ruineroit, fi l’on s’en écàrtôit. C’eft un grand5 abus de réformer des corps entiers & de fe mettre par-là dans le cas d’en dèroff lever de nouveaux. Un nouveau Régiment ne peut être bon & fblide qü’àprès. cinq ou fis campagnes, &, jus-
DE STJ GERMAIN. 175 ques-là, il aura fait une confommation d’hommes étonnante.
L’Impératrice Reine, en montant fur le trône, n’avoif ni argent, ni armées, & une grande guerre à fournir. Pour pouvoir faite <fôce à tout, elle fe trouva dans la néceffité de tirer* de la Hongrie des eflàiâs- de troupes légères qui lui coû-toierit peu » parce quelles vivoient de pillages qu’dfes'préféraient à un entretien & à* une folde réglée. Elfes dévaluèrent la terre & incommodèrent les armées mal dilciplinées. Ce font là les fouis fervices qu’elles ont rendus & qu’elles peuvent rendre. Sans examen on crut que, pour les réprimer, il n’y avoit pas d’autre mo yen que de leur oppofor des troupes de la- même éfpece, & en conféquence on multiplia les corps de troupes légères. Qu’eft-il arrivé de cette opération? La dépenfo a beaucoup augmenté, fans -pouvoir atteindre le but qufon s’étoit propofé. La France ne pourra*jamais avoir, ni eu quantité ni en qualité, autant de ces fortes de troupes que fos- ennemis-. Les
troupes légères courent le pays pendant toute une campagne, fouvent le dévastent, affament néceflàirement Tannée, ne peuvent procurer que de très-légers avantages par leur conftitution, & font inutiles les jours de batailles, qui font cependant ceux qui décident du fuccès de la guerre. D’un autre côté, les troupes réglées croupiflènt dans leur camp, ne s’aguerriflènt point, parce qu’elles n’es-fuient jamais un coup de fufil; l’Officier ne fe forme point, parce qu’il ne voit de la guerre que fon camp & le quartier générât Ainfi toute l’armée fe trouve neuve & fans expérience un jour de bataille.
Il n’y a rien de petit à la guerre; tout y eft elfentiel & toutes les troupes félon leur genre doivent être employées à en ; procurer le fuccès. A la place des corps de troupes légères, je propoferai une compagnie de Chaflèurs par chaque. Régiment d’infanterie, & un Efcadron de Chaflèurs à cheval dans chaque Régiment de Cavalerie ou de Dragons. Ces
Compagnies ;
Compagnies & Efcadrons annexés aux Régiments, auront la même dilcipline & le même efprit que les troupes réglées; ferviront toujours fous leurs Officiers & feront propres à être employés à toutes mains dans la guerre de campagne & dans les batailles. Quand on les envoyé à la guerre, on peut les faire foutenir par des corps entiers ou par des bataillons & efcadrons fëparés, & même par des compagnies entières félon les circonitan*. ces; Chaque troupe doit pouvoir féparé-ment fervir hors de fon corps, fous fe» propres Officiers; de cette façon on pourra fucceffivement aguerrir toutes les troupes, former de bons Offiders; & les troupes irrégulières des ennemis ne tien* dront pas contre de pareils détachemens; quand elles fetoient même deux ou trois fois plus fortes en nombre.
La guerre de campagne, qu’on apelle lâ petite guerre, eft cependant celle qui aguerrit les troupes & forme les Officiers* Le Roi de Prufle à tiré fes meilleurs Généraux de fes troupes légères. Les M
Officiers. & les troupes ne s’inftruifent qu’en fàifant la guerre & en brûlant de la poudre; & rien n’y eft plus propre que les détachemens.
Les Régiments d’Infanterie ne doivent être que de deux bataillons, tous également compofés & comme jetés au même moule, fans qu’il y ait.la moindre différence. Cette uniformité eft commode pour les détails, pour le fervice, & fur-tout pour les décomptes.
La diftinétion ne peut jamais dépendre d’une..compofition différente; elle ne vient que des aérions diftinguées. Les Régimens. de deux bataillons font plus maniables à la guerre, & furtout dans une bataille. Outre cet avantage confidé-rable, l’expérience a démontré que quatre bataillons, en deux Régimens, font toujours plus complets & mieux entretenus que quatre bataillons en un fèul Régiment. Il feroit inutile d’en chercher ici les raifbns. Il n’eft rien de fi aifé que de dédoubler les Régimens ; Picardie de quatre bataillons, par exemple, peut for*
lier deux Régiments (bus la dénomina-ion de Picardie' premier & Picardie fe-zond ainfi dés1 autres.
Les Régiments dé Cavalerie, Dragons 8c Huflàrds doivent être de cinq efca-drons, tous également compofés & comme jetés au même moule ; moins les choies font compliquées, plus elles font Gmples, & meilleures elles font.
Les troupes parcelées & trop morcelées ont rarement Une folide confiftance, & preique jamais cette unité fi néceflaire qui porte là perfection dans toutes les inftitutions. Si les bataillons pouvoient être d’une feule troupe, ils n’en feroient que meilleurs, parceque l’unité y ferait entière. Je propofe, en conféquerice de ce principe, de les former de quatre compagnies feulement; oh pourroit également les fornier de fix compagnies; mais je crois que la compofition à quatre compagnies eft meilleure & beaucoup plus militaire: Outre cela il en réfolte ptufieurs autres avantages. 1 °. le Roi y trouvé une grande épargne; 20. il eft plus aifé de
choifir de bons Commandions de compagnies j quand le nombre en eft moindre; & ce choix eft bien effentiel; 3°. on peut plus facilement & à moins de frais leur faire un bon traitement; & 4°. la multiplicité d’Officiers du même grade eft diminuée & le fèrvice s’en fait beaucoup mieux, parce que la fubordination eft plus exalte &c. Autant qu’il eft possible, il faut éviter les grades égaux dans une même troupe» La fubordination, qui dans un fervice militaire doit être entière, devient bien foible, fouvent nulle, mais toujours dure & pénible entre les Officiers d’un même grade. '
Je propofe de mettre dans les Régi-mens des Colonels en fécond & dans les compagnies des féconds Capitaines. C’eft ce que j’apelle le noviciat, pour forma la jeune nobleflè & lui fournir les moyens de fè rendre capable de monter aux premiers grades fucceffivement & de les remplir avec diftinétion, avec gloire & avec utilité pour l’Etat.
Les Romains, dans les beaux jours
de leur République, avoient une excellente méthode pour former leur jeune nobleflè fans nuire au bien du fervice; ils lui confioient les charges de Tribuns, première dignité dans les Légions; mais çes Tribuns qui avoient des fondions difUndes, honorables, mais peu eflèndeb les à remplir, n’influoient d’ailleurs en rien fur le fervice, la diicipline & l’entretien des légions, dont les foins étoient confiés aux Principites & aux premiers Centurions, tous anciens Officiers blanchis dans le fervice. Ainïi les Tribuns avoient l’occafîon & les moyens de s’in-ftruire, fans pouvoir nuire à la chofe publique. De l’état de Tribun on les éle-voit aux premiers grades, quand ils s’en étoient rendus capables.
Je propofe de former les efoadrons de Cavalerie, Dragons & Huflàrds d’une feule troupe fous un chef. Cette com-pofition eft aflùrément plus militaire, par conféquent meilleure que de les former #e plufieurs compagnies.
Je propofe encore de donner à cha» M 3
182 MÉMOIRES DU COMTE
que Régiment d’inftnterie une compj gnie, & à chaque Régiment de cavalerie & de Dragons un efcadron, que j’apelle auxiliaire, à l’effet de remplir les vuides qui fe font dans les compagnies & encadrons pendant le cours d’une campagne & dont on peut également fe fervir à d’autres ufàges. Si, au commencement d’unè guerre, on avoit foin d’avoir toujours en réferve & comme en Magafin, des hommes, des chevaux, des armes & munitions de toute efpece, pour pouvoir d’abord remplir les vuides qui fe font néceflàirement en tout genre, les guerres finiroiént bientôt & fon regagne-roit abondamment les- dèpenfes qu’occa-fiohnent d’abord ces fortes de réferves. Une armée toujours complette l’emportera furement for celle qui n’aura pas eu les mêmes précautions; &, fi elle ne finit pas promptement & glorieufement une guerre, ce fera la faute de celui qui la commande.
Je ne donne point de compagnie, ni d’éfcadron aux Colonels commandant les
DE S*. GERMAIN. 183 corps, parce qu’en tout tems, &furtout dans une bataille, ils doivent veiller fur tout le corps. Leurpofte, quand les Ré-gimens font en bataille, doit être à cheval derrière le Régiment d’où ils peuvent le mieux le diriger, le conduire & le contenir; ce n’eft que dans des cas extrêmes & pour ranimer une troupe qu’il leur convient de fè mettre à la tête. Le Colonel en fécond commande le premier bataillon, & le Lieutenant-Colonel commande le fécond. Comme il eft important que chaque troupe combatte fous les yeux de fes propres Officiers, les compagnies colonelles & lieutenances-colonelles doivent être placées dans le centre; il en doit être de même de la cavalerie pour l’efcadron colonel fur lequel les autres doivent fe diriger. Il ne devroit y avoir que deux étendards ou drapeaux dans chaque Régiment. Les canons des-Régiments peuvent être fer-vis par des Soldats choifis & éxercés, qui tirent aufli bien que les Artilleurs & coûtent moins au Roi. Les inftrumens
·         ,84 MÉMOIRES du COMTE
4e mufique militaire ont été introduits pour annoncer aux troupes les différons mouvemens qu’elles avpient à faire; ils étoient de différente efpeçe, parce que les mêmes, quoiqu’en variant leurs tons, ne peuvent que très-imparfaitement faire çntendre les Qrdres dans le tumulte & fe bruit des combats; mais, à prêtent que l’on rafîne fur toutes chofes, la mufique militaire ne fervira bientôt plus que ppur faire danfer les Dames. De-là il arrive qu’il faut donner tous les ordres, verbalement. Un Général d’armée, un Général particulier même eft forcé d’envoyer fes ordres à chaque corps par des. aides de camp qui fouvent les rendent mal & fouvent font mal compris, ou il faut qu’il les porte lui-même & perde dans cet exercice un tems précieux qu’H pourront mieux employer. La lenteur d’ailleurs d’une pareille méthode nç peut être que préjudiciable. Cette partie qui paroît peu importante mérite cependant attention & redreffement.
Les inftruments de mufique militaire
PE ST. GERMAIN. 185
loi vent être de différente eipece, très-iruyans, très-aigus, pour pouvoir être attendus au loin. Il fera aifé de régler >ar leurs fons les principaux mouyemeps ]u’une armée aura à exécuter.
——-VT"'—
Compofition d'un Régiment d'Infanterie de deux .Bataillons.
; Colonel Commandant, fans compagnie, j Colonel en fecond.. avec compagnie. 1 Lieutenant-Colonel., avec compagnie. 1 Major . , . . . . fans compagnie. 2 Porte- drapeaux.
·         1    Tréforier.
·         1    Chirurgien major.
·         1    Tambour major.
·         1    Armurier.
·         1    o.          La Mufique,
Compagnie de Grenadiers..
lî Capitaine Commandante
I Capitaine en fécond^ M 5
i86 MÉMOIRES du COMTE
i Premier Lieutenant
i Lieutenant en fécond.
i Sous-Lieutenant.
i Premier Sergent
i Fourier, qui n’eft qu’un écrivain.
·         4 Seconds Sergents.
·         8 Caporaux.
I Frater.
z Tambours.
84 Grenadiers.
106.
Comme je fais la compagnie de Grenadiers très-forte, il n’eft pas néceflàire qu’elle (bit compofée de Grenadiers tous | choifis dans le corps. Il fuffit qu’il y en ait deux tiers ou trois quarts de cette première efpece, le refte peut être rempli par d’autres beaux hommes de bonne volonté ; la compagnie n’en fera pas moins bonne. Cette compagnie en bataille forme quatre divifions, chacune de fept files de Grenadiers, outre celle des Officiers & bas-Officiers fèrre-files, qui font par divifion huit files. La divifion du
DE St GERMAIN. i8f
Capitaine commandant doit être dans le centre à la droite ou à la gauche, félon la polition dans l’armée. Il fait une file avec un fergent & un caporal à la droite ou à la gauche de là divifion, félon qu’il eft placé. Il en doit être de même pour les trois autres divifions à côté de chacune defquelles un Officier, un Sergent & un Caporal font ferre-filés. Le premier Lieutenant & quatre Caporaux fë placent derrière la compagnie.
Compagnie Colonelle,
·         i    Colonel en fécond.
i Capitaine en fécond.
i Premier Lieutenant.
·         i    Lieutenant en fécond.
·         2    Sous-Lieutenans.
i Premier Sergent i Fouriér écrivain.
·         5    Seconds Seigens.
·         10 Caporaux.
·         I    Frater.
, a Tambours.
·         144 Soldats ou fufiliers.
169*
. Cette compagnie, ou campée, ou en bataille, doit être au centre du bataillon à droite ou à gauche félon fa pofitioa dans l’armée. Je mets dans la compagnie colonelle & dans celle du Lieutenants Colonel un Sous-Lieutenant 4e plus que dans les compagnies ordinaires des Capitaines; parce que le Colonel en fécond & le Lieutenant-Colonel, commandant çhacun un bataillon & ayant leur pofte au centre devant les drapeaux, ne peuvent pas en même tems commander des divifions, qui doivent cependant être commandées chacune par on Offiçier. Cette compagnie en bataille forme quatre divifions de même que la compagnie de Grenadiers; chaque divifion eft compo-fée de 12 files de Soldats.
La compagnie 44 Lieutenant-Colonel eft compofée de même ^ue la précédante, & fait également un total dç ^69 hommes.
DE ST. GERMAIN. 189
Des fix Compagnies ordinaires des Capitaines.
Une Compagnie ordinaire doit être compofée ainfi qu’il fuit
·         1    Capitaine Commandant.
·         1 Capitaine en fécond.
·         1 Premier Lieutenant
·         1 Lieutenant en fécond.
·         1 Sous - Lieutenants.
·         1    Premier Sergent
·         1    Fourier.
·         5    Seconds Sergens.
·         1    o Caporaux.
x Frater.
a Tambours.
144 Soldats ou fufiliers.
169.
Ainfi 6 Compagnies feront 1014 hommes.
De la Compagnie des Chaleurs.
La Compagnie des Chaffeurs doit être compofée comme une compagnie ordinaire, mais d’Officiers & de Soldats jeunes, vigoureux, ingambes; elle doit être habillée légèrement: elle campe & combat à la gauche ou à la droite du Régiment, laiflànt toujours le pofte d’honneur à la compagnie de Grenadiers.
De la Compagnie auxiliaire.
Cette Compagnie, peu néceflàire en tems de paix, devroit être très-forte en tems de guerre, & compofée comme les compagnies ordinaires; il eft évident qu’elle feroit de la plus grande utilité.
Je ne propofe dans les Régimens ni Aide-Major, ni Garçon-Major; ces emplois font inutiles. Les Capitaines en fecond doivent alternativement exercer les fondions d’Aide-Majors & les Lieu-tenans en fecond & les Sous-Lieutenans celles de Garçons-Majors ; c’eft un bon moyen pour les occuper & les former.
/
DE ST. GERMAIN. 191
Compofition d'un Régiment de Cavalerie, Dragons, ou Hasards, de 5 Efcadrons chacun.
Etat Major.
·         1    Colonel Commandant.
·         1    Colonel en fécond.
·         1    Lieutenant-Colonel.
·         1    Major.
·         1    Quartier-maître Tréforier.
·         2    Porte-étendards ou Porte-guidons.
·         1    Adjudant.
·         1    Chirurgien.
·         1    Aumônier.
·         1    Maître maréchal expert.
·         1    Maître fellier.
·         1    Armurier.
13-
Chaque compagnie de Cavalerie, de Dragons, de Huflàrds, de Chevaux légers ou de ChalTeurs formera l’efcadron, afin qu’il n’y ait dans cet eicadron qu’un feul Commandant & une feule autorité.
Chaque Régiment aura fix efcadrons, dont un auxiliaire pour recruter pendais la guerre. Des cinq autres efcadrons, i y en aufa quatre de Cavalerie & un de Chevaux légers ; & dans les Dragons quatre de Dragons & un de Chaflèurs à cheval. Les cinq efcadrons de Hus-làrds feront tous Huflàrds.
Chacune de ces compagnies, foit Cavalerie, foit Dragons, Huflàrds, Chevaux légers ou Chaflèurs, formant fon efcadron, fera compofée ainfi qu’il fuit
Compagnie ou Efcadron colonel i Colonel en fécond.
i Capitaine Commandant.
i Capitaine en fécondé
i Lieutenant.
i Lieutenant en fécond.
·         •    2 Sbüs-Lieutenans;
' i Cadet Gentilhomme;
·         *    i Maréchal de logis en chef r i Autre Maréchal de logis.
·         •    i Fourier écrivain.
8 Brigadiers,
DE ST. GERMAIN. 193
·         8    Brigadiers.
152 Cavaliers, Dragons ou Huflàrds.
·         2    Trompettes.
·         1    Frater.
·         1    Maréchal ferrant.
174 hommes, ÿ compris les Officiers, le Cadet Gentilhomme, & non compris le Colonel en fécond.
La compagnie ou efcadron du Lieu* tenant-Colonel fera -compofée comme celle ou celui du Colonel.
L’Efcadron ordinaire, foit de Cavalerie, foit de Dragons, de Huflàrds,'de Chevaux légers ou de Chaflèurs fera compofé ainfl qu’il fuit           .
·         1    Capitaine Commandant
·         1    Capitaine en fécond.
·         1    Lieutenant
·         1    Lieutenant en fécond.
a Sous-Lieutenans.
·         1    Cadet Gentilhomme.
·         1    Maréchal de logis en chef.
·         1    Autre Maréchal de logis.
·         1    Fourier écrivain.
N
194 MÊMÔIRÊ^dü COMTE
8 Brigadiers.
152 Cavaliers, Dragons ^Hufîàrds ou Chaffeurs. •
·         2    Trompettes.
1 Frater.
·         1    Maréchal ferrant.
i 74, - y compris lés Officiers & le Cadet Gentilhomme.
Lé total d’un Régiment fera 863, y
: compris 4’Ètac Major. *
t J)# GouwriKtnetît intérieur des .Ri-; ,.t . -.gimens*-. •
Chaque Régiment? chaque corps de troupes, doit former uhé famille, * faVoir, au moyen de cé qué lé Roi lui donne, fournir lui-même à toüs les befoiiis & à tout ion entretiêiT, dé que^uée^ece qu’il puiffe être. Cètté méthode eft la plus fimple, là méilleure pouf le bien des troupes &'; É-fërrice, & la-plus économique poür lë Roi. De Mirtiftre de la guerre doniieh A chaque Régi-
DE S*. GERMAIN. 195 nent & à chaque cprps un règlement détaillé fur l’emplqi des fommes d’argent ju’il lui alignera ,& recommandera la plus grande, économie, comme le ipoyen le jIus fur de mériter les bontés du Roi. Le§ polirions dçs corps étant différentes, ’économip le fer? dp même, & l’un pour-71 plus épargner que l’autre. Ce fera 'affaire des inlpefteurs, lors de leur revue, de voir & de propofer au Ministère de la guerre les fecours qu’il con-? vient d’accorder félon les circonltances.
Chaque Régiment, chaque corps de troupes, doit avoir une caiffe à quatre ferrures différentes, dont le Commandant, deux Capitaines & le Tréfbrier du Cprps, en qualité de Commiffaire de cette caiffe, auront chacun une clef. Dans cette caille doivent le dépofèr les argents, les quittances des parties prenantes & les regiftres, qui, à chaque travail, doivent être lignés par les quatre Commiflàires de la caiffe. Ces quatre Copimilfaires ligneront également toutes les quittances à remettre aux tréforiers du Roi pour les
N a
Tommes que les corps recevront Mai les compagnies donneront un état, fignf de leur Chef & en différentes rubriques, de tout ce qui doit leur être payé pour le mois, & des réferves qu’eHes peuvent avoir. J’expliquerai ci-après ce que j’en-tens par ces réferves. Les quatre Com-miflàïres de la caiflè, après avoir examiné ces états & les avoir foldés & payés, les font quittancer au bas par les chefs des compagnies & les dépofent enfuite dans la caiflè. Les Tréforiers des corps qui ne font que des faifeurs de comptes & teneurs de regiftres, ne doivent jamais avoir aucun argent en mains à leur propre difpofition; tous les argents doivent être dans la caiflè.
Quand les infpeéteurs feront leur re-, vue, ils examineront l’état des caiflès ô? de la geftion pour en rendre compte au Miniftere de la guerre & procurer aux quatre Commiflàires de la caiflè, s’il y a lieu, une décharge générale, ou la leur donner de là part pour l’année échue. Cette décharge ou approbation devroit
PE ST. GERMAIN. 19?
être inférée au bas des Regiftres, après quoi toutes les quittances particulières font jetées ou brûlées, & l’on ne con-ferve que les regiftres, qui, lorfqu’ils font remplis, font envoyés au bureau de la guerre. Les Commandans des corps & les Commiïlàires de la caiflè ne doivent jamais faire aucun marché. Les commandans ordonnent ceux qu’il y a à faire, nomment des Officiers intelli-gens pour les contracter fous leur autorité & leur direction.
Les réferves dont j’ai parlé, & que les compagnies peuvent avoir, font de deux efpeces: il doit être défendu, de par le Roi & fous peine de caflè, de retenir aux Soldats, fous quel prétexte que ce puiflè être, la moindre chofe de ^û folde qui doit être entièrement employée à fa fubfiftance. Mais un Soldat peut commettre tels délits qui méritent la prifon, avec la punition en outre d’être mis au pain & l’eau; cette derniere punition au refte ne doit jamais être infligée que par les Commandans des
corps & non par d’autres Officiers ; dans ce dernier cas là folde lui eft retenue, première elpece de rélèrve.
H peut être également retenu quelque choie de la folde à ceux des Soldats qui obtiennent la permiflion de travailler chez le bourgeois ou d’aller chez eux en femeftre, pour le tems feulement qu’ils font ablèns. Ces deux elpeces de retenue doivent être refondues dans la caiflè des Régimens par les compagnies, & les Commiflaires de la caiflè en tiendront un regiftre particulier. Ellès feront à la longue une maflè que Ton peut augmenter en la mettant lurement à intérêts, for laquelle on donnera à chaque Soldat exi-ftant la fomme de huit à dix livres de gratification s’il forvient une guerre, à l’entrée de la campagne & non autrement: avec ce lècours & là folde ordinaire, le Soldat fera à fon aîfe & pourra le procurer les fecours riéçeflàires pour confèrver fes forces & là lànté. Quand il eft haralfé, exténué 'de fhtigues, trempé par les pluies, glacé par les froids.
DE F- GEB.MAIH.199
il pourra s’açheter une bouteille de vin ou • fe procurer quelque autre foulage-ment péceflaire: il fera par-là moins enclin à la maraude qpi fait perdre tant de bons hommes., & qui détruit à la longue les armées; il évitera beaucoup de maladies, autre çaufe de deitruétion; & il fera moins porté à la défertion que la trop grande pauvreté & le mal-être oc-cafionnent prelque toujours. C’eft.un état trop malheureux que celui d’un honame qui ne peut fe fournir les moyens de réparer fes forces épuifées, & qui ne peut fe procurer aucun de fes befoins & de fes goûts, fouvent plus forts que les befoins même. Telle eft cependant la malheureufe fituation du Soldat. De-là viennent ces pertes effrayantes que l’on voit dans les .aimées & qu’il faut recompléter, enfuite à grands frais chaque campagne, au détriment de la population. Je viens. d’indiquer un W®-. .bien Tacile pour prévenir de fi grand, maux ornais, comme ce moyen ne fufôroit pas.dans une.longue guerre pour
•          ' N 4
fournir à chaque Soldat au commence* ment de chaque campagne la gratification propofée, c’eft à la fàgeffe & à la prudence du gouvernement d’y fùpléerfùr les contributions des pays ennemis ou autrement; & il regagnera abondamment la dépenfe que lui occafionneront ces gratifications. Les avantages qui en réfuteront pour la confèrvation des hommes, & pour le bien du fervice par confisquent, font trop manifeftes pour s’ape-fantir plus longtems fur cette matière.
De T enrôlement, de F habillement, désarmement & de S équipement des Soldats.
Il feroit à fbuhaiter fans doute que l’on pût former les armées d’hommes fûrs, bien choifis, & de la meilleure espece; mais, pour former des armées, il ne faut pas détruire une nation, & ce feroit la détruire que d’en enlever ce qu’elle , a de meilleur. Dans l’état aâuel des chofes, les armées ne peuvent gue-
DE S’. GERMAIN, soi
res être compofées que de la bourbe des nations & de tout ce qui eft inutile & nuiiible à la lociété: c’eft enfuite à la difcipline militaire à épurer cette maflè corrompue, à la pétrir & à la rendre utile. Le prix des enrôlemens devroit être fixé invariablement pour l’Infanterie, la Cavalerie, les Dragons &c. & jamais ce prix fixé ne doit être excédé. Quand il eft une fois connu & qu’il eft le même pour tous les corps félon leur genre, ceux qui ont envie de s’enrôler le font également, fans courir d’un Régiment à l’autre , dans l’elpérance de trouver meilleure fortune. Cela coûte moins, & les enrôlemens deviennent plus faciles. Comme j’ai déjà traité cette matière, je n’y ajouterai plus rien.
Si l’on connoiflbit bien tout ce qu’un Soldat en campagne doit fuporter de fatigues, de travaux & de peines, on ne rhabillerait pas comme un citadin, & motos encore comme un Soldat de théâtre. 11 faut, de préférence à tout, longer à fà confèrvation. La propreté inté-
N 5 .
Heure qui contribue fi fort à la fànté , doit être le premier objet à lorgner. Son habillement doit le garantir, autant qu’il eft poffible, des intempéries de l’air & des injures des faifons: fans être trop large, il doit être fi commode |i corps qu’il ne gêne en rien lès différens mouve-mens. L’habit du Soldat devroit être à-peu-près en forme de fâc ou de redingote, fans aucun plis, defcendre julqu’au défaut des genoux & pouvoir fe boutonner jufqu’en bas quand il pleut. Il devroit avoir un petit capuchon de Bouracan ou d’autre étoffe que l’eau ne perce pas, que L’on plie & aflujettit fur les épaules & qu’il peut mettre fous fon chapeau .dans les grandes pluies. Sa coëffure doit être un bon chapeau à l’épreuve de l’eau, trouffé de façon qu’il ne gêne point le port des armes, que l’on puiffe détrous-ièr & abattre quand il pleut fort & dont les ailes affez /longues faflènt découler L’eau au. défaut (des épaules. Le Soldat ainfi habillé .reliera à fèç, même dans les grandes /p^j^sxj&.rçonfervera fa $nté.
DE ST. GERMAIN. 203 pleins un habit fera jufte au corps, fans être cependant trop large & trop ample, 6c moins il fera incommode dans les grandes chaleurs, & mieux il garantira de la pluie. La cavalerie doit être habillée de même à peu de chofe près. Les bottes molles font les meilleures; elles bleffent rarement & feint à tous les uâges. Les Ruflès ont une très-bonne méthode: du commencement de Mai jufques vers la fin de Septembre toute leur infanterie fert èn veftes & en guêtres, & depuis la fin de Septembre juiqu’en Mai eUe reprend fes habits & elfe ëft chauffée avec des bottes molles; mais chaque Soldat porte un manteau en écharpe. Sans cette précaution elle ne poürroit pas fervir en veste. Le Soldat François ne porte point de bas fous fes guêtres, même en hiver; après cëla il ne finit pas s’étonner que les maladies faffent -tant de ravages dans les armées. .
L’âfinement de finfànterie eft bon; je crois qu’il ri’y a rien à y changer. Celui de la cavalerie n’eft pae.de même:
-fes moulquetons font trop courts & la laifiènt (ans défenfe, fi elle eft expofëe à un feu, même feulement des Huflàrds, fans pouvoir joindre ion ennemi. Il faut cependant que toute troupe foit. mile en état de pouvoir fe défendre, dans quelque occafion qu’elle fe trouve, & qu’elle ne ibit pas forcée de s’enfuir faute de pouvoir ripofter à fon ennemi Les épées de la Cavalerie & des Dragons doivent avoir trois pieds de Roi de lame& être plus propres à pointer qu’à fabrer; c’eft ainfi que la Cavalerie de Charles XII. Roi de Suede étoit armée; & cette Cavalerie étoit invincible. J’ai une épée de fes Trabants qui eft afiurément la meilleure arme de Cavalerie que l’on puiffe voir. Cette épée, à caufe de là longueur, peut être attachée à la felle, paflant horifontalement fous la cuifle gauche; les Cavaliers & Dragons de-vroient en outre porter au côté ou en écharpe une autre épée plus courte dont ils puflènt fe fervir facilement dans la mêlée. Tout efeadron armé avec ces
longues épées Suédoifes doit culbuter Ion ennemi. Il porte d’abord vivement là pointe dans le nez ou les yeuxdq cheval qui lui eft oppofé, le fait ainfî reculer ou fe cabrer & tout de fuite ey s’élevant fur fes étriers qui doivent êtrç courts, porter la pointe de fon épéq dans le vifàge de fon ennemi ou au dé? faut de la cuiraffe; il le renverfera ainfî certainement fans pouvoir prefque en être atteint. Dans une affaire de Cava^ lerie, le fécond rang eft prefque toujours celui qui plie le plutôt & entraîne le premier par fon mauvais exemple. D’où vient cette bizarrerie? C’eft qu’il eft dans le cœur de l’homme de fuir le danger quand il ne peut pas le faire partager à fon ennemi. Ce fécond rang qui n’eft que fpeéfateur, eft livré à la réflexion; la réflexion groflît le danger & infpire la peur; le premier au contraire agit, & l’adion fouille, échauffe le fàng & allume le courage. Les féconds rangs, outre leurs armes ordinaires, devroient encore avoir des lances légères, au mo-
yen défquelles ils pilent atteindre l’ennemi en même tems que les premiers rangs l’attaquent l’épée à la main; alors* comme ils pourront attaquer, il ne s’enfuiront certainement pas. Le Cavalier doit être fort court fur fes étriers; il fatigue moins le cheval, le blefïe rarement, con-ferve plus de force & d’adrefie, & peut en s’élevant atteindre l’ennemi de plus loin & plus forement. Le feu Maréchal de Saxe avoit propofé de fubftituer des bâtines aux folles; h avoit ration. Ces bâtines ne bleflènt jamais les chevaux; mais, comme l’on trouvera fans doute ces bâtines trop peu élégantes, on de-vroit du moins mettre fous la folle & ■à cru, .une couverture de laine pliée en deux ou quatre doubles, & les che-^auxavec cette précaution feront rarement bleflës. Il foroit également bien •aitile de mettre for les folles une peau de mouton entière non paffée & avec 4a laihé que l’on arrête & fixe avec une îur-fangie; elle conferve lés folles & les ‘armes. Dans l’arriere-faifon que les pluies
devenues frdides & fréquentes tuent tant de chevaux, on les met fur leurs dos avec de la paillé encore par deflbus, le tout aflujetti avec-une fur-fàngle; & cette précaution légère les conferve aufli Gins & aufli vigoureux «pie s’ils étoient dans une écurie. De nos jours on n’employe prefque plus la cavalerie ni dans les dé-tàchémens & la guerre de campagne, ni dans les aétions générales. On l’a fi fort adonifëe, on l’a fiirchargée de tant d’em-bellifTemens & de fuperfluités, quelle eft devenue prefque immobile. •
Les troupes ne doivent avoir en équipage que le pur & abfblu néceflàire, & Tien qui ne Ibît d’une néceflité indifpeh-faHe. Leur beauté, leur élégance font dans la propreté intérieure & l’uniformité extérieure. C’eft de leur conièrvation ■& de leur difcipline qu’on doit s’occuper par préférence.
Les déférentes académies de l’Europe propofent chaque année des prix, & fouvent fiir des objets aflèz frivoles; pourquoi n’en pas propofer pour celui
qui inventerait la meilleure cuiraflè & fa plus légère, tant pour l’infanterie que pour la cavalerie; une pareille cuiraflè n’eft pas impofiible à trouver; elle donnerait une grande affurance aux troupes & conferveroit bien des hommes.
Des différentes fournitures a faire aux Troupes^
C’eft la parefle d’efprit & l’intérêt de quelques particuliers qui ont mis en vo-1 ^ue toutes ces entreprifes qui font fi ruineufes pour le Roi & fi nuifibles aux troupes. Les Régimens peuvent fe pro- ! curer eux-mêmes tous leurs befoins (ans entrepreneurs, comme ils fe fournilfent de bas & de fouliers. Il ne faut pas craindre que l’induftrie humaine refte en défaut où il s’agit de la vie & de la fiib-fiftance. Pourquoi les Régimens ne font-ils pas eux-mêmes leur pain, du moins en tems de paix? On trouve partout du bled & des moulins. U n’y a rien de fî aifé
DE ST. GERMAIN. 209
aifé que de conftruire des fours où il n’y en a pas, & fi les Régimens n’ont pas de boulangers , ils peuvent en former; c’eft l’affaire de quatre jours. Pendant la guerre même, les Régimens pour-roient eux-mêmes moudre leur farine & cuire leur pain. Il y a des moulins & des fours portatifs très-commodes. Les Rus-fes le font bien, & certainement le François a plus d’elprit & d’aptitude que le RuïTe. Enfin, il y a peu de cas où les entreprifes. foient néceflàires; il ne s’agit que d’accoutumer l’Officier & le Soldat aux foins & au travail; plus on les occupera, & mieux ce fera pour les fouftraire à cet engourdifièment & à cette léthargie qui font la mort de l’ame. En tems de guerre quelles dépenfes immen-fes pour le Roi, & quelles charges des-truétives pour les pays, que les entreprifes des fourages, qui, malgré cela, font prefque toujours de mauvaifè qualité & empoifonnent les chevaux? Que ne pourrois-je pas citer fur cet article! à quoi bon tout cet appareil? L’été l’ar-
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mée fourage & l’hiver le pays doit livrer, & les Régimens foigner, eonferver & ufer avec ménagement & économie; fi la denrée n’eft pas dans le pays, on trouve d’abord dix marchands pour un qui fe chargent de la livrer. Le Roi dans de certains tems fait diftribuer de b viande aux troupes pendant la campagne; cette gratification leur profite peu, & coûte au Roi trois & quatre fois plus que fà valeur. Si le Roi, au lieu de cette diftribution, faifoit donner à chaque Soldat trois liards ou un fol par jour, & que Ton eût foin en même tems d’avoir des bouchers au quartier général & même dans plufieurs régimens, tout le monde y gagneroit; le Roi feroit une grande épargne, & le Soldat en feroit beaucoup mieux. Les bouchers du quartier général feroiént- feus la pcÆoe du grand prévôt, & ceux des Régimens fous celle des Majors; maisil-davroit être féverement défendu de prendre aucun bénéfice fur ces bouchers &• fur les marchands & payfàns qui aportent des
DE S*. GERMAIN. 211
lenrées au camp. Ces bénéfices perçus enchérifTent les denrées & tournent tou-ours au détriment des troupes. Chacun lans le militaire doit vivre de là folde & 'aire fon devoir; & tout bénéfice perçu lait être un crime irrémiffible, puni de a caflè & de perte d’emploi. Quand on )uvre une fois la porte aux bénéfices & aux rétributions» elle s’élargit fans ceffe, & ne peut plus être fennée.
Les fournitures pour les cazernes & les hôpitaux, font un goufre de dépen-fes. Que ne pourroit-on pas également dire là-defius? Il feroit bien aifé d’y remédier. Ces fournitures doivent d’abord être faites aux dépens du Roi. Un bon Bourgeois, fous l’autorité du Commandant de la place ou du Magiftrat, peut les conferver dans plufieurs chambres, moyennant une petite rétribution par année; quand elles font délivrées aux Régimens, ils doivent en répondre. Quand par vétufté. elles font dégradées, le Commandant dé la place, affifté du Magiftrat &; de quelques ouvriers intcl-
Sia MÉMOIRES du COMTE
ligens, fait former un devis pour les réparations qui eft envoyé au Miniftre de la guerre, lequel, après l’avoir aprouvé & fourni les fonds, charge les Régimens préfens de le faire exécuter fous l’autorité & l’infpeétion du Commandant de la place ou avec l’afliftance du Magiftrat.
Des hôpitaux militaires.
Dans toutes les places de garnifon; il y a des hôpitaux qui font prefque toujours gérés par des entrepreneurs, qui, comme de raifon, veulent faire fortune. Il eft bon qu’il y en ait dans les groffes gamifons ; mais pourquoi ne pas les faire adminiftrer par économie par un Ecclé-fiaftique ou un Religieux, qui par état ne doit & ne peut acquérir, & qui foit | déjà verfé & exercé dans la régie d’une maifon ? Un bon Capucin intelligent, qui auroit déjà plufieurs fois exercé dans fon ordre la charge de gardien, y feroit très-propre; fi l’on n’en eft pas content.
DE &. GERMAIN. 213
on le renvoyé à ion couvent, & tout eft dit. La même régie pourroit & de-vroit avoir lieu pendant la guerre dans les *petites gamifons. A quoi bon des hôpitaux? Les Régimens ne peuvent-ils pas Ibigner eux-mêmes leurs malades par économie? Ils ont des Chirurgiens majors & un Frater par compagnie qu’ils peuvent y employer avec les Soldats né-ceflàires; il ne s’agit que de leur fournir quelques chambres, des lits & autres uftenfiles que l’on doit avoir en réferve.
Des Fortifications.
Si l’on n’y prend garde, on fortifiera fucceflivement toute la terre, & la nation n’aura pas aflèz d’hommes pour garnir convenablement les fortereflès & mettre en même tems une armée en campagne. Dans un grand Royaume, il eft convenable d’avoir dans les provinces frontières quelques grandes fortereflès qui fervent en même tems de- magafin, de
$14 MÉMOIRES nu COMTE
point d’apui à une année battue ou défe-brée, & d’azile aux peuples de la campagne; mais d’ailleurs on ne devroit en avoir que de médiocres que l’on pût dé fendre au moyen de fix à fept mille hom mes de gamifon, La fçience de ratraqul des places étant bien plus perfectionné! que celle de la défenfe, toute place al fiegée eft forcée de fe rendre fi elle n’1 pas fecourue par une bonne armée, il années font donc préférables aux foil reffes, quoique celles-ci foient très-® cefFaires; mais elles ne doivent pas H leur grandeur abforber les armées. ■ perte d’une grande place eft en mêl tems celle d’une petite armée. On il devroit en conféquence jamais pennettrl la conftruétion de nouveaux ouvrages! que la néceffité n’en eût été bien confia-1 tée par une aifemblée fur le terrein deJ bons Généraux & de bons Ingénieurs. On doit de préférence mettre en bon état & fournir de tout celles qui font le plus expofées & de première ligne, & enfuite on peut pourvoir à celles de féconde ligné,
. DE ^ GEMMAIS di*
Dût Etat! M&Jor's dès EbftSreffis.
Dans les grandes places il eft bon qu’il y ait des Etats majors, qui cependant ne deyroient pas être fi nombreux* Plus Ù y a d’hommes pour faire une choie, & f moins bien elle fe fait; il en «il de cela comme des grands Seigneurs, qui, pouf trop multiplier leurs domeftiques, font toqjqurs les plus mal fervis, & fe pro-eürent en même feras beaucoup de des-agfémens. Pour les places médiocres, à quoi bon des Etats majors? un major ? y fuffiroit, & le chef du Régiment qui y foroit en garnifon peut y commander.
Les Magafins, les Atfenaüx, &c. em-ployent encore un monde infini de fur-veillans, de commis & de gens de tous noms & dé faute e/peee, Tout cela eft * bien inutile,' & ne fort qü’à augmenter les dépenfos: un Officier & quelques vieux bas-Officiers peuvent remplir toutes ces fondions & tous ces devoirs. Le peuple dans les fortereifès eft trop gêné. Il
y eft comme en prifon; on ne lui laiffe pas le moindre endroit pour pouvoir aller relpirer l’air quand il a fini fon travail, quoiqu’il lui feroit cependant fi né-ceflaire pour là lanté. Il eft gêné par l’ouverture & la fermeture des portes, qui chaque jour lui enlevent un tiers de â journée. H n’y auroit aflurément pas d’Inconvénient à lui laifler quelques parties dù rempart pour y aller relpirer l’air, ni à lailfer une porte ouverte pendant une grande partie de la nuit en prenant les précautions néCeflàires pour la confer-yation de la place.
DE S*. GERMAIN. 217
DEUXIEME SUITE
D ü
MEMOIRE MILITAIRE.
Des Veuves ^Officiers.
Il feroit aflùrément beaucoup mieux que les Officiers particuliers, & furtout ceux qui n’ont pas de biens propres pour entretenir & élever une famille, ne fus-ient pas mariés; mais enfin, il vaut mieux encore qu’ils fe marient que de fe livrer au libertinage dont les fuites font fi fu-neftes. Comme il eft de la bonté & même du devoir d’un fage gouvernement de foigner toutes les claflès qui compo-fent la fociété, il eft d’autant plus jufte qu’il foigne les veuves des Officiers, que ceux-ci, fans cefle occupés de leurs devoirs & faéfifiant leurs jours & leur vie à la défenfe de l’Etat, ne peuvent pas
s’occuper du foin de leurs fMes; «as, comme cet objet devient fort onéreux à l’Etat, oh a imaginé Un môÿeh, dàhsle fervice de plufieurs puiilànces, d’aflu-rer un fort aux veuves d’Officiers fans qu’il en coûte aux Souverains. Oh à établi une caiflè pour les veuves: tout Officier qui veut fe marier, doit d’abord en obtenir fe pertniflion, produire enfuite un certificat de bonne fànté par un médecin connu, pour éviter les? âbtis, & dépôfer dans fe câiflè des VeuVes une fôfflflë proportionée à ïbn gradé fèlôil ie réglement qui en eft donné. Ces fomnies font à fonds perdus. Lés directeurs de cette caille placent ces fonds à intérêt, & pourroient en France les placer for îé Clergé. Quand urt Officier fnetfrt, fa Veuve reçoit 40 pôür 'éënt dé là Mife de fofl mari. J’ai Vu de Cés câlfl&S qui avôient plus de flx cène ïïrfffe éÇÙs de fonds, parce que pll^éû^ pèrfoîihes de fetat’civil aVôiëflt etl Èf pérîhiflîbif cfy dépôfèf des fonds âü^JîîênieS cdhdftîôtïs & ifiêmes avantages que les Officiers; -
DE ST. GERMAIN. 219
Ceux des Officiers qui ont des fortunes connues & affurées pourraient né pas être tenus à mettre dans cette coiffe; il ferait cependant bien beau & bien généreux de leur part de s’y ibumettre pour contribuer au bien & au foutien des veuves de leurs camarades.
Des Èxtriïixs des frwptj.
Je né rifétehdrai pas beaucoup fur cette matière, quelque ïntérefTante qu’elle foit: on n’a déjà que trop écrit & trop travaillé là-deflùs—Au-Jieu.de chercher à les limplifier, on les a multipliés. Les changemens continuels; outre qu’ils marquent peu d’habileté de la part de leurs auteurs,3rendent encore les écrits incer-tains, cohfbs; & H arrive qu’à force de trop enfeigner &Jde tropaprendre, les troupes nefavent rieu. Tout changement doit être bien pcfé & bien : mûri avant d’être introduit, afin de 11e pas fe mettre dans le cas de revenir fut fessas. Tout
doit être Amplifié autant qu’il eft poffible, & l’on ne doit rien admettre dans les exercices que ce qui peut & doit le pratiquer en tems de guerre.
La force des troupes eft dans l’ordre, la malle, la fermeté, l’audace, l’enfeni-ble & la célérité de fes mouvemens, & non dans une multiplicité de manœuvres qui ne fert à rien.
Je divilèrai ce que l’on apelle exercice, en cinq parties, lavoir: i°. le maniment des armes, 2°. le feu, 30. la marche, 40. les dévelopemens & 50. les évolutions.
Sur la Premiers.
Quoique le maniment des armes foit peu important dans le fond, il ne fàut cependant pas le négliger; il rend le Soldat plus fouple, le forme, lui donne de la grâce, lui aprend à manier lès armes avec dextérité & à s’en lèrvir promptement, légèrement & avec uniformité : on n’y doit
admettre aucune attitude ni mouvement forcé & gêné; l’homme doit y conferver toute fa force naturelle; tous lès mouve-mens doivent être vifs , fiers & vigoureux.
Sur la Seconde.
L’article du feu devroit faire une partie féparée dans le maniment des armes. C’eft le point principal fur lequel il eft eflèntiel de bien inftruire & bien affermir le Soldat. Comme il arrive fbuvent beaucoup de recrues au commencement de la campagne que l’on n’a plus le tems de dreflèr parfaitement au maniment des armes, on devroit fe contenter alors de les , bien inftruire fur l’exercice du feu, & l’on renverroit à un tems plus favorable les inftruétions fur le refte du maniment des armes.
L’exercice du feu doit confifter à inftruire le Soldat à manier fon flifil avec dextérité, promptitude & légéreté, à le charger de même & à bien ajufter fon coup quand il tire. Bien charger &
a3î MÉMOIRES nu COMTE
promptement Ton arme, & bien ajufter font les deux points efièqdels. On ne gagne pas des batailles en brûlant feulement de la poudre; pour vaincre, il faut bleW ou tuer. Le grand bruit fait beaucoup, il eft vrai, contre des troupes mal difciplinées & peu aguerries; mais il fait peu d’efRt contre de bonnes troupes. Pour bien inftruire le Soldat à tirer jufte, il feroit néceflàire de Vexercer fou-vent homme par homme à tirer à halle & au blanc, & de donner des prix àt ceux qui tireroient le mieux. Enfin, c’eft là le point eilçntiel par lequel on bat fes ennemis; il mérite donc la plus grande attention. Le Soldat doit vifèr à la cravatte de fon ennemi quand il eft à 3oq pas de lui, à la poitrine quand il n’en eft qu’à 200, & à la ceinture à 100 pas &c. Le frottement du fufH & l’état de l’air influent beaucoup fur la juttefté du The; mais ce n'eft pas ici le. fen de donner des. réglés là-deflus.
·         - On a beaucoup écrit dans ces derniers teins fur ks avantages qu’à y auroir, fw-
tout pour la nation Françoife, à attaquer fon ennemi à l’arme blanche. Cela ferait afTurément très * bon, fl l’on pouvoit y déterminer une troupe quelconque; mais je ne crois pas que la choie foit poflible; & d’ailleurs, qu’importe la façon dont on tue ou Méfié fon ennemi, pourvu qu’on le mçtte hors de combat? Le principe de Moateeueulli fera toujours le plus fûr & le meilleur: c’eft d’attaquer ion ennemi flicceffivçmeqt par toutes fes armes à mefure qu’elles peuvent l’atteindre. Il n’y a qu’à s’en bien fervir, à propos, & iàns précipitation, conferver un grand ordre en avançant toujours fur lui, & l’on remportera la viftoire. Les Turcs dans cette demiere guerre contre les RufRs ont voulu conferver leur fy-ftême d’attaquer le labre à. la main & à l’arme blanche ; ils s’en font fort mal trouvés. Rien ne tient contre l’ordre, la m^ffe , la fermeté, la confiance & le feu. Mais, pour que ce feu foit des* truétif & meurtrier, il foudroit que cha* que Soldat pût charger, ajufter & tirer
en liberté, quoique toujours en ordre. Autrefois la fuprême fcience confiftoit à tirer par Pelotons, Bataillons ou Ré-gimens, les rangs & files bien ferrées & entafTées., le premier rang ayant un genou à terre, les fbfils bien alignés & bien joints; & au commandement tous les coups dévoient partir de façon que tous enfemble n’en fifTent que comme un feuL J’ofe dire que cette méthode eft vicieufè dans prefque tous fes points. D’abord le grand ferrement & entaflè-ment des rangs & files font bien voifins dupelotonement, le favorifent & même le néceffitent. Toute troupe pelotonée ne conferve plus d’ordre, ne peut plus faire ufage de fès armes, & l’on peut dire qu’elle eft battue. Outre cela, quand le Soldat eft trop ferré, il ne peut ni bien charger fon arme, ni bien ajufter fon coup, &, s’il tire, il tire en l’air & inutilement. Comment veut-on qu’un Soldat, un genou à terre, tire bien? qu’il fe rejeve tout de fuite pour bien charger fon arme & remettre d’abord un genou
DE S*. GERMAIN. 225
genou à terre pour tirer de nouveau? Tout cela eft impofiible devant l’ennemi. Les coups de ce premier rang porteront en terre à 50 ou 60 pas» Le feu par commandement , les fuffls bien ferrés & bien alignés, fait fort peu d’effets, parce-qu’il n’eft pas divergeant; d’ailleurs il ne peut fe fbutenir dans cet ordre. Auffi voit-on dans les batailles, & de la part des troupes les mieux difeiplinées, qu’a-près deux fàlves tout/ au plus faites en ordre, ce n’eft plus qu’un tiraillement de Billebode dont on n’eft plus le maître, & la chofe ne peut pas être autrement: te commandement ne s’entend point: fou: vent il. n’y en a plus, & le Soldat s’im
patientant, tire feulement pour tirer. Je î l’ai déjà dit, & Ton ne peut trop le ré. péter, l’effentiel eft de bien charger les armes, de.bien ajufter & de faire un feu j divergeant autant qu’il eft , poflible. Pour ( cela les rangs & les:files ne doivent point j être trop ferrés, afin que le Soldat puiffe f; fe mouvoir aifément & en liberté. Le i; Commandant du Régiment doit être maî-
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ire de fort feu, c’eft-à-dire le faire commencer & le faire ceffer quand il veut, de façon que, quand il le fera ceflèr, il y ait toujours la moitié des armes chargées. Si le Soldat eft bien inftruit, qu’il puiffe avoir fes mouvemens libres pour pouvoir bien charger fon arme & bien ajufter, il fera un feu fbr & meurtrier dès qu’il en recevra Tordre, & les batailles feront bientôt décidées. Il eft connu qu’il ne tire que trop volontiers, & cela vient de ce qù’il éft dans le cœur de l’homme de Chercher à répouffer le danger auquel il éft expôfé & de le Sûre cefler le plus ■promptement qù’8 le peut
Je ne cohnois que deux bonnes façons de tirer de fbn feii lé plus grand avantage qu’il éft pôffible; Tune quand l’ennemi tient ferme, & l’autre quand il commence à fe déconcerter & à fe pelotoner. La première coilfifte à tirer par files de chaque peloton les unes après tes autres. Dès que l’ordre de faire feu eft donné, lés Commahdans des pelotons doivent paffer leftement derrière fetroifîeme rang,
& chaque Commandant de pelotons $U faire foi À fon. peloton ;par files les unes après les; autres rcn: commençant par la prenûerc de drQÛexju de gauche. Chaque file* dès .^WA-tiré». recharge & tire le piûsu promptement ..qu’elle peut fans s’embarrafifer des .autres. Le chef de files tire devait lui# tes ferre-files tirent i droite & à gauche du chef de files & en même tems. Le commandement pour ftire feu, & celui, pour le faire cefler, doivent fe donner par le fon d’un inftrur inclût -fort-fligju afînqu’il foit entendu. Ce. feu eft commode pour le. Soldats continuel, bien ajufté; & il n’en eft pas de plus meurtrier’, parce qu’il eft très-di-vergeatK.. La féconde façon , quand l’ennemi fe déconcerte & fe pelotone, ou qu’il pHe , eft de . faire feu en falves par batailioBS entiers # & toujours en échar-pant autant qu’il «eft poflible.
Je pçnfe.que, dès que l’on eft à: 300 pas de l’cBhemi & que. les coups peuvent l’atteindre, on doit commencer le feu félon la première, méthode que je
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22« MÉMOIRES du COMTE
viens d’indiquer, après trois làlves le faite ceflèr, marcher vingt pas en avant fur lui, le recommencer & ainli de fuite. Tout cela doit s’exécuter avec un grand ordre & beaucoup'de vivacité. Il rélùlte deux grands avantages de l’ordre joint à la vivacité: l’ennemi en eft déconcerté, & votre troupe eft foufttaite à la réflexion toujours dangereufe en pareille occafion. La grande attention alors de MM. les Officiers &- bas-Officiers, doit être de confèrfer l’Ordre dans leurs troupes & d’empêeher les pelotonemens. C’eft là leur première & principale fonftion.
Sur la Trôifîeme, qui eft la marche.
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Le feu maréchaldefaxe difoit avec raifon, que la forcé de Flnftnterie étoit dans fes jambes. Qiï doit inftruire de Soldat à marcher tellement, promptement, d’un pas vigoureux & -: de bonne .grâce. Quand il eft en gamifon, ondevxoit chaque femaine l’envoyer, .plufieurs' fois en
: DE S1. GERMAIN. 219
ordre & par compagnie à plufieures lieues en lui prefcrivant un tems court pour l’aller & le retour. On l’entretiendroit ainfi dans l’habitude de la fatigue & de bien marcher.
Sur les quatrième & cinquième parties, qui font les Evolutions & les Déploymens.
Je ne dirai qu’un mot lùr ces deux parties: allez d’auteurs les ont traitées fort au long. J’obferverai feulement qu’à la guerre tout fe concentre dans deux mouvemens principaux, lavoir: de marcher à l’ennemi pour le combattre, ou de fe retirer pour s’en éloigner félon les cir-conftances. C’eft fur ces deux mouvemens principaux, que doivent être réglés les dévelopemens & les évolutions. Tout le relie eft inutile & ne fert qu’à fatiguer les troupes & à les jeter dans la perplexité. B faut peu de dévelopemens, peu d’é* volutions. Si les uns & les autres font de mains de maîtres, ils fuffiront pour
tjo mémoires do comte
toutes les occafions, ils doivent toujours être faits avec beaucoup d’ordre, d’en-femble & de célérité. Quand ils feront peu multipliés, l’Officier & le Soldat les aprendront facilement, les retiendront & les exécuteront fans çonfuCon dans tous les cas. Dans le bruit des combats où toutes les têtes font plus ou moins altérées , il eft néceffaire dé prévenir la troupe des mouvemens qu’on veut lui faire exécuter avant que de les commander. Sans cette précaution la conftrfïon s’y met aifément & au peint que Ton ne peut plus rétablir l’ordre.
Des Ëtats Majors de Farmée.
C’eft au Général de l’armée à composer fon Etat Major. Comme il eft Chargé de toute la befbgne & qu’il doit'en répondre, il eft jufte, il eft même du bien du fervice, qu’il choififlè fes cooperateurs & fes aides. Son propre intérêt exige qu’il'préféré les fujets fur les talens des-
DE &. GERMAIN.'231, quels il peut fe.repofer.; &, comme Tes Fuccès, là gloire & fi réputation dépendent beaucoup du choix qu’il ai fera, il n’eft pas à préfumer qu’il préférera la fi-veur à futilité fur un objet aufli eflèntiel pour lui. Les fondions de ces Officiers font bien importantes; elles exigent des hommes déjà formés qui aient de grands talens & beaucoup de connoiffinces ac-quifes; mais, comme il n’y a que les coups de fufils & les commandemens de troupes devant l’ennemi qui puiflènt former de bons Officiers, il feroit du bieq de ces Officiers & du ferviçe en général, de les reverfer dans les corps après quelques campagnes faites dans l’État major, en leur accordant un grade fupérieur s’ils l’ont mérité. De cette façon on formera, de grands Officiers. H y a une grande diftance du raifpnnement & de la théorie à la pratique; & jamais l’on ne deviendra bon Officier que par la pratique.
#3» MÉMOIRES nu COMTE
Des Officiers généraux..
Que de difpofitions naturelles & de connoiflànces acquifes n’exige pas le grade d’Offiçier général? Quelles important tes fondions n’a-t-il pas à remplir? Elles demandent une fermeté d’ame exercée & alfurée que rien n’altere, un jugement fût & éclairé, une imagination vive & régléè qui ne s’échauffe jamais, im coup d’œil qui aperçoive tout dans le moment, un génie fertile en rëffources, une con-rioiflànce aprofondie de fon métier, de la tadique &; même des hommes. Celui qui n’a pàs ces qualités, du moins à un certain degré, n’eft point Officier général » & tout ce qu’il fera fera fournis au pur hazard.
On a beaucoup écrit fiir les qualités que doit avoir un Général d’armée; il me parôît, pour tout dire en un mot, que le plus digne de commander l’armée eft celui qui, par fa conduite & fes actions, a le mieux mérité l’eftimé & h
DE* S* GERMAIN. 233
confiance des Troupes, Leur choix fera toujours jufte.
Il eft très-préjudiciable au bien du fer* vice de multiplier dans une armée les Officiers généraux particuliers; le trop grand nombre eft toujours préjudiciable. Un jour de bataille un Lieutenant général doit avoir à fes ordres 5 à 6000 hommes au moins: il peut avec un pareil corps décider le fuceès de l’aétion; mais il ne peut rien avec un corps médiocre.: Le concert entre èux eft preique impos-fîble en pareille occafion,' ’& ce feroit fè faire illufiôn que d’y compter. Si le nombre des Lieutenans généraux eft trop / grand, il vaut mieux les doubler, même tripler dans lès divifions que de trop par-celer les troupe^ je pénle que la meilleure méthode Teroit de faire les divifions de 6000 hommes (bus un Lieutenant général, avec quatre ou fix: Maréchaux de camp & autant de Brigadiers.
334 mémoires du comte
Des changement 4e Garnifons.
Les raifons fur lefqueltes on établit futilité & même la néceflité de changer les garnifons, paroiffent plus Ipécieufes que folides. Ces changemens font trés-ruineux pour les troupes & très-onéreux au peuple; voilà deux grands maux qui font bien foiblement compenfés par les avantages que fon prétend en retirer: pour les diminuer du moins ces maux, dans le cas qye le lyftême des changemens parût nécelTaire, ils ne devroient être faits que rarement, de proche en proche, de focceffivement. L’établiflè-ment des étapes, eft une de ces inftitu-tions faites pour enrichir un particulier ayx dépens du Roi & de fes troupes. Quand un corps doit marcher , on peut lui doqner , ime petite augmentation de folde. Les Intendans avertis de là marche, font trouver des vivres for là route. Le peuple porte toujours avec em-preflement fes denrées où il peut les vendre davantage..
DE S*. GERMAIN. 235
Des Cazernes.
Les troupes ne devroient habiter les Cazemes que pendant l’hiver; elles devroient camper l’été & être employées à des travaux publics ou particuliers, après avoir donné chaque année un tems convenable aux exercices. Des détache-mens compofés des plus vieux Soldats fuffiroient pour garder les places pendant l’été. Rien n’amollit & n’énerve plus les troupes que l’oifiveté & le féjour des villes. L’homme eft né pour l’aétion & le travail Le repos le détériore, & l’oi-fiveté le perd. Un Soldat doit être un homme fain, robufte, vigoureux & durci à la peine. Comment peut-il être tel, condamné comme il l’eft à palier fes jours dans une molle inaétion? Comment peut-il conferverfa fanté, entaffé qu’il eft dans des Cazemes & expofé (ans ceflè à tous les maux qu’entraîne le libertinage fi commun dans les villes? Les campe-mens des troupes ne feroient pas fort
coûteux au Roi, fi Ton favoit s’y bien prendre; & d’ailleurs le Roi regagneroit bien abondamment les dépenfes qu’ils pourroiént occafionner. Conferver les hommes & former une armée d’hommes robuftes & endurcis au travail & aux fatigues font des avantages qui méritent bien d’être achetés.
Divifion île Tarmée.
L’armée devroit être partagée en divi-fions pendant la paix, à-peu-près comme elle l’eft pendant la guerre. Chaque divi-fîon devroit avoir fes Officiers généraux, qui ferviroient alternativement le tems de quatre mois & feroient payés pour le tems feulement de leurs fervices. C’eft un objet de dépenfe, il eft vrai; mais il n’eft pas néceflàire qu’ils vivent en ïyba-rites & qu’ils foient les aubergiftes d’une ville: le militaire doit Vivre militairement, c’eft-à-dire ïbbrement. Chaque état doit avoir & : conferver foigneufement les
DE ST. GERMAIN. 237 mœurs qui lui conviennent, & c’eft en cela qu’il doit mettre là gloire. Il réful-teroit de grands avantages de cet établis-lement; les troupes feraient mieux fur-veillées; la dilcipline & l’ordre s’y eon-ïèrveroient plus exactement; les Officiers généraux refteroient dans l’exercice habituel de leur métier; ils aprendroient à connoître les troupes qui aprendroient à les connoître également &c. ces Officiel? généraux pourroient être en même tems les vrais Commandans dans les provinces & dans les forterèffes; &, pour diminuer les dépenfés qu’ils occafionneroient, on pourroit fuprimer beaucoup de places d’Etat major & de commandemens dans . les ■ villes & ■ dans les; provinces qui ne font bonnes qu’à charger le tréfor du Roifafls procurer un grand bien aux Officiers qui les occupent. Tout doit être tourné dp coté.de l’utilité .& du,bien eflèntiel de l’Etat. ' . ’
Tout le fyftême militaite doit être compofé, arrangé & conftiiué de façon que les armées fiaient toujours en .état
238 MÉMOIRES bu COMTE
d’entrer en campagne au premier ordre & du jour au lendemain, fans occafionner une grande augmentation de dépenfes Prévenir fon ennemi fût & fera toujours l’un des meilleurs moyens pour le vaincre. C’eft Ce moyen furtout qui a fàuvé le Roi de PruïTe dans la dernière guerre. Quand tout eft bien & fagement ordonné, il en coûte moins d’avoir unebonne armée toujours prête à agir que d’en avoir une mauvaise qui n’eft telle que parce que l’ignorance ou les confidérations & les vues particulières, fources de déprédation & de fàuffes dépenfes, ont pré-fidé à là formation & dirigé fon .gouvernement
Je n’ai pas dit tout ce qu’il y auroit à dire; mars je crois cependant avoir indiqué les principaux moyens & les plus propres pour former une bonne armée,
Je n’ai pas cru devoir entrer dans le "Sérail des apointemens de tous les individus qui doivent la compofet, mais j’o-ferois aflùrer que la dépenfe de celle que j’ai propofée, fa voir, de 180,000 hom-
DE S*. GERMAIN. 239 mes d'infanterie, 30,000 chevaux, 15 à 16,000 homriies d’artilleri'e, & un corps proportionné d’Ingénieurs avec l’entretien ordinaire des fôrterefl&, n’excédera pas de beaucoup la fommé de trente ;millions4
: - De Pùfütée^h Campagne. ! -
Les mœmpùbliques &ednf^^ , foutenues forment les hommés, &, félon qu’elles font bonnes où mauvaiféâ, ■ les rendent utiles ou inùtites.. La.reli-, gion & ufiedifcipline févére'&^fbutenue doivent concourir h rendre. ^ militaire É vertueux -& à loi’, infpirer 'des mœurs ^ -dignes & refpe&àCïes qui le-portent à • remplir avec zele^ affeérion&.diftinc-r tion les devoirs de là profeffion. Une fi armée corrompue par les vices eft un i corps fans âme dont on ne doit ries ^ attendre. •
,$ Pour contribuer autant qu’il-eft pos* U fible à entretenir de bonnes mœurs dans
240 MÉMOIRES DU COMTE l’armée, il feroit néceflàire d’y avoir ih aumônier fupérieur, homme rdpeâabk, qui eût autorité & infpeétion fur les au-môniers particuliers des .corps, qui eût foin de les contenir & de leur faire remplir leurs devoirs. Il eft inutile que je m’étende fur l’importance de cet emploi. Les hommes qui penfent & qui ont vu ce qui fe paflè, conviendront de fâ né* ceflité.
Il ne devroit point être permis au Général de l’armée de changer à là volonté l’ordre du fervice de campagne; une ordonnance du Roi doit le. régler invariablement; le Général feulement doit pouvoir y ajouter dans les cas non prévus & pour une plus grande utilité. Sans cette précaution tout eft arbitraire; per-- forme ; ne peut être jnftruit, & chaque «ampagné c’eft un nouveau ferviçe; l’es-iprit de l’homme ne fe pMe point à toutes «as mutations ; il en réfulte toujours du mécontentement, de la confufion & du
Des Campement
11 eft établi que les armées campent fur deux lignes, l’Infanterie dans le cem tre, la Cavalerie fur les ailes avec le même front à-peu-près qu’elles occu* poient étant en bataille. Cette méthode eft aflùrément vicieufe : il eft étonnant qu’il n’y ait pas eu encore d’hommes affez entreprenans pour tomber pendant la nuit, ou à la pointe du jour, fur une aile de cavalerie que cinq cens huflàrds pour-roient détruire, s’ils favoient affez bien manœuvrer pour la furprendre. Dans le camp la cavalerie eft fans défenfe; à la moindre alerte tout court pour feller fon cheval, làuver fon équipage ; la tête tourne, & il ne refte perfonne pour s’o-pofer à l’ennemi. Il feroit plus militaire & plus fûr de camper fur trois lignes: la cavalerie fur une ligne entre les deux de l’infanterie. Dès qu’elle eft une fois à cheval, elle peut fe porter légèrement partout où U eft befoin, & la fécondé
Q
ligne d’infanterie occupe enfuite aifômenti là place. Le Parc d’artillerie doit camper derrière la fécondé ligne d’infanterie à portée des débouchés faciles & préparés. Le camp doit enfin être affuré & fermé fur lès derrières par quelques brigade; d’infanterie ou par les troupes légères. Si l’armée eft nombreufe & qu’elle doive faire un long lëjour dans le même camp, on doit alors mettre un grand efpace entre les lignes. Le camp ainli établi, doit être entouré en tqps fens par de petits corps de garde éloignés de 4 à 500 pas des camps. Il feroit bon que chaque corps de garde eût une redoute ou au moins un redan; le Soldat doit pouvoir fe promener librement pour prendre l’air dans l’elpace qui eft entre le camp & les redoutes; mais il doit y être configné & concentré. Les latrines doivent être pla* cées de façon que les vents n’en portent pas l’odeur dans le camp & qu’elles n’empêchent pas la foreie facile de far- mée & fon débouchement. <;
Le Général ou les Généraux & lef
DE &. GERMAIN. «43
Officiers de jour doivent camper dans le centre de la première ligne d’infanterie; ils ne doivent jamais s’abfenter tous enfemble. Le corps d’artillerie doit voi-turer, planter & élever leurs tentes, avec quelques baraques de Soldats pour leurs domeftiques & pour toutes les ordonnances, qui, au lieu d’être au quartier général, doivent refter auprès du Générai de jour. Le Général de l’armée lui envoie par un Aide de camp, & par écrit autant qu’il eft poffible, fes différons ordres que le Général de jour fait enfuite porter & diftribuer par le moyen des ordonnances. Toutes les batteries de l’armée comme la générale &c. doivent commencer d’après fon ordre par les Régiment qui campent à côté de lui. Ce doit être également le canon d’un de ces régimens qui félon fes ordres tirera le coup de retraite & les coups d’alarme, s’il eft ainfi ordonné par le Général dé farinée.
Q *
Du mot ou de la parole.
Le mot doit toujours être donné à la même heure & au quartier général, où le Générai de jour doit fe rendre pour le recevoir; fi le Général de l’armée ne pouvoit pas s’y trouver pour le donner lui-même, il le fera donner par le Général du jour. Il eft inutile de dire qu’il ne doit être diftribué aux troupes & aux gardes qu’après la retraite. Les marches d’armée ne devroient être connues & annoncées que par la générale & jamais autrement.
Des Gardes extérieures ou grand* gardes.
Il me paroît que c’eft une bien mau-vaife méthode que celle de former les gardes du camp par des contingens mêlés de tous les corps d’une armée. Cet ulàge aéhiellement établi n’eft pas ancien. Sans m’arrêter à en détailler & prouver les
DE S*. GERMAIN. 245 îraconvéniens & les vices, qui font allez connus, je confèillerois d’en revenir à L’ancienne pratique, beaucoup meilleure, beaucoup plus fûre & plus commode; c’eïl de former les gardes par Régimens ou par Brigades félon la force de l’armée. Cette méthode eft fimple: les Officiers généraux, attachés aux brigades, feront de jour, quand leurs brigades feront de garde. S’il arrive quelque défordre, on fait du moins à qui s’en prendre; c’eft une raifon de plus pour les empêcher.
Comme les gardes ne font point proprement deftinées pour combattre, mais feulement pour obfèrver & avertir, elles doivent être le moins nombreufes qu’il eft poffible afin de ne pas fatiguer inutilement les troupes. Elles doivent être bien placées & de façon qu’elles découvrent au loin fi elles aperçoivent l’ennemi ; elles font incontinent avertir le Général de jour, qui doit être, comme je Tai dit, campé au centre de la première ligne d’infanterie. C’eft de lui que toutes les gardes dépendent. En attendant fes Q 3
·         *4$ MÉMOIRES du ÇOMTE i ordres, fi elles font repouflées par l’en-nemi, elles fe replient fucceflivement & lentement fur l’armée en combattant cependant, mais avec l’attention de ne fe pas laifièr enveloper.
U eft d’ufage de placer pendant le jour |es gardes de cavalerie à quelques cens pas en avant du camp, de les faire fbu-tenir félon le terrein par quelques gardes d’infanterie placées en arriéré; ôc, quand la nuit aproche, les gardes de l’infàntcrie fe reprochent du camp, & celles de cavalerie fe replient derrière celles de l’infanterie ou à côté d’elles. Un camp eft aflürément bien mal gardé en fuivant pareille méthode; il eft évident que l’ennemi attaquant ces gardes, ^les culbutera dans le camp & y arrivera auflitôt qu’elles. Quel détordre alors ! quelle confu-fion ! & quel danger ne court pas l’armée entière! Qu’il foit permis de propofer une autre méthode. Les gardes de cavalerie, peu néceflàires pendant le jour, devroient refter au piquet & tranquilles, , quelques cens pas. en avant du camp.
DE S». GERMAIN. 247
Celles d’infanterie doivent être pouffées fort en avant & placées dans des terreins difficiles & coupés, de façon qu’elles puis-fent obferver & voir au loin, & fe retirer fans pouvoir être envelopées par la cavalerie ennemie. II fuffîroit de donner aux principales gardes d’infanterie fix hommes à cheval pour reconnoître dans le befoin & avertir. Quand la nuit tombe, alors les gardes de cavalerie qui fe font reposes pendant le jour, doivent' être placées bien avant celles de l'Infanterie & pouffer chacune devant elle un petit corps de garde que l’on releve chaque deux heures, & qui, quand il eft relevé, va patrouiller encore un bon quart de lieue en avant &, après avoir écouté & oblèrvé, rentre enïùite au corps de garde, s’il n’a rien entendu ni aperçu. Toutes ces gardes de cavalerie doivent être fort alertes pendant là nuit fans débrider leurs chevaux. H feroit néceflàire de changer tous les jours, quand la nuit eft tombée, les einplacemens de ces gardes de cavalerie, afin que l’ennemi ne
Q 4
843 MÉMOIRES du COMTE puflè pas former le projet de les enlever. Je crois qu’il n’y a que cette façon-là de fe bien garder & d’être averti affez à tems pour pouvoir faire les difpofitions convenables aux cirçonftances. L’ennemi i ne peut pas arriver par les airs; il faut qu’il fuive des chemins ou qu’il marche par des endroits ouverts; ajnfi il n’y a qu’à placer les gardes en conféquence.
On doit peu compter fur les patrouilles; l’expérience a démontré qu’elles font de peu de fecours. Si elles fe font la nuit, un ennemi embufqué les entend de loin, les évite ou les enleve; fi elles fe font de jour, l’ennemi les découvre facilement U n’en eft pas de même d’une troupe poftée & attentive. Si elle eft bien placée, elle entend la nuit de très-loin, & le jour elle voit de même; enfin les gardes doivent être placées de façon qu’en avertis-fant de l’aproche de l’ennemi, elles donnent au camp ou au corps qu’elles gardent, une heure ou deux de tems pour prendre, les armes & faire fes difpofitions: fans cela la confufion fe met partout $ tout eft- perdu. .
DE ST. GERMAIN. 249
Des campement & des décampemens.
Des que la générale eft battue, tout eft en mouvement dans le camp. Il n’y a plus de repos ni pour les hommes, ni pour les bêtes de fomme. Si l’armée ne peut pas fe mettre en marche à l’heure défîgnée, comme il peut fouvent arriver, elle eft fatiguée inutilement, & ilfaudroit au contraire la ménager dans toutes les occafions autant qu’il eft poffible, pour ménager fa fanté & fes forces afin de les trouver au befoin. C’eft un des premiers talens dans un Général de fàvoir confer-ver fon armée: avec une armée vigou-reufe il peut faire de grandes chofès; mais, s’il la fatigue & l’épuife, il la détruira & ne fera rien.
H devroit être ftatué que l’armée marchera toujours une heure & demie après la générale battue, & on ne doit jamais s’écarter de cette réglé à moins d’une aproche fubite de l'ennemi, auquel cas la générale battue avec un certain nombre de
Q 5
coups de canons défignés annonceroit que l’armée doit prendre for 1e champ tes armes & marcher. Hors de ces cas imprévus, & qui arrivent rarement y une batterie particulière & faite exprès doit annoncer l’aflèmblée des campemerts au lieu ordonné par le Général. Ils- attendent là que l’on batte la générale, ' & alors fl fe mettent en marche. J’ai déjà dit que les gardes du camp doivent fe'faire parRé-gimens ou par Brigades. Ceux ou celles qui doivent donner les gardes du nouveau camp marchent avec les campemeris, fous tes ordres du Général qui doit entrer de jour , & ceux ou celles qui font de garde fe raflèmblent à la générale aux ordres du Général qui fort de jour, & fontfarriere-garde du tout Les équipages fuivent les colonnes dans lefquelles marchent leurs corps refpeétifs. De cette façon tout eft Amplifié, tout eft en ordre, & fordre vivifie tout - :
PE 3*. GERMAIN, ep
Des Galeres de terre. '
La vie des hommes eft bien précieufe, & cependant, dans l’état militaire furtout, on la leur ôte fouvent bien légèrement? c’eft détruire foi-même fes propres forces, au lieu de les conferver. Dans les ordonnances fin* les délits militaires les peines font peu proportionnes aux délits; elles font trop feVeres. La peine de mort ne devroit être ftatuée que fur les crimes atroces. Les “galeres dé* tore pour les délits moindres que cês premiers, &, comme le François abhorre les coups de bâtons prefqu’à Tégal de ta mort, voilà un grand moyen de le contenir fans le dér traire. Ils pourvoient être infligés jüfqu’à un certain point pour les délits qui ne méritent ni ta mort ni les galeres de terre. Mais <® allégué contre les galeres de terre la grande dépenfe qu’elles oçcafio-neroient.
j’ofe dire que c’eft une erreur. H n*y a proprement d’autre dépenfe à faire que
celle d'un premier éobliirement, qui font font bien légères. Dans chaque grande ville où il y a de groffes garni fous; on peut prendre un emplacement dans les cazernes que Ton arrange pour les efcla-ves. Des châlits, des paillaflès, des couvertures & quelques uftenftiles de terre pour cuire leur manger, leur luffilènt Un feul Officier intelligent & à retraite eft chargé de leur direétion. On les di-vife par 6 ou par 8, & fur chaque diw-fîon on met un bas Officier tiré des Invalides. Les efclaves doivent être habillés d’un très-gros drap de différentes couleurs, afin d’être plus aifément reconnus; par exemple, les manches peuvent être d’une autre couleur que l’habit; ces efclaves doivent vivre & être entretenus de leur propre travail; &, comme ils travailleront à meilleur marché que les journaliers ordinaires, ils ne manqueront pas de pratiques. Le prix de leur travail eft mis dans une caillé fous la main de l’Officier qui les dirige, & c’eft de cette caiflè qu’ils doivent êtçe entretenus à tous
EE ST. GERMAIN. 253
égards. Si un bourgeois en demande un certain nombre pour travailler, un de leurs bas-Officiers va avec eux pour les contenir & les ramener quand leur travail eft fini. U me paroit inutile d’entrer dans un plus grand détail J’ajoute feulement, que ces établiflèmens bien adminiftrés ne doivent rien coûter au Roi, & je le dis d’après l’expérience.
De la conduite d’une armée vi&orieufe dans le pays ennemi.
Le droit de vainqueur dans le pays ennemi, eft de s’aproprier les revenus du Prince vaincu, & outre cela d’exiger la fubfiftance de ion armée, autant que le pays peut la fournir. Si le vainqueur veut conferver le pays, ne pas l’écrafèr afin de pouvoir continuer la guerre, il doit exiger en argent les revenus, & ce qui eft néceflàire pour l’eiïtretien de fon armée, taxer enfuite toutes les denrées & les fournitures, & payer argent comp-
gloire. Si en les pratiquant on ne réufllt pas, on a du moins la douce confolation de n’avoir rien à fe reprocher & d’avoir mérité l’eftime des honnêtes gens; & cette confolation vaut autant que la fortune pour un homme qui fait penfer. Mais que ne doit pas efpérer la jeune nobleflè de fon aplication, de fbn travail & de fa bonne conduite fous l’empire du plus digne des Rois, qui eft en même tems le meilleur des hommes; & fous des Miniftres qui par leurs talens & leurs vertus ont mérité fa confiance & en même tems le refpeft & l’amour de la nation? Jamais un homme voluptueux, frivole & inapliqué ne devint un homme fupérieur & véritablement eftimable. Cette vérité doit faire la réflexion de toute la vie.
AVIS
DE S». GERMAIN. 15?
AVIS
de-
L-È D I T E U R.
Dans l'immenfité des papiers de M. le Comte de Saint Germain qu'on nous a confiés, nous avons trouvé un grand nombre de lettres d’un Officier général qui paroît avoir été dans une liaifon & dans une correspondance particulière avec ce Miniftre; ces lettres nous ont paru d'autant plus curieufes & intérefiànteS qu'elles roulent en grande partie fur fon adminiftration, & que dans la même liaffe qui les renfermoit étoient attachées à chacune les minutes des réponfes faites par M. le Comte de Saint Germain; & H n’y a pas de doute qu’elles ne foient de lui-même, puilque toutes font écrites de là propre main. Nous avons donc
R
$58 MÉMOIRES du COMTE
penfë que Ce fèroit ajouter un intérêt dë plus à l’ouvrage que nous publions, d’y joindre cette correipondance, qui d’ailleurs ne renferme rien qui puiffe nuire à celui qui les a écrites, ni bleflèr qui que ce (bit. Nous ignorons parfaitement de qui elles font, n’étant pas Cgnéès; fans cela nous en aurions préalablement demandé la permiffion à l’Auteur.
. r .Premier^ lettre,
. . ‘ '           ^ 25 yw« 1776. ■     
Vous m’avez ordonné, Monfieur le Çomtç, au moment de mon départ, de ; vous écrire auffi librement que je vous parfois quand vous me faifiez l’honneur ! de me confulter fur quelques objets de I v^m-adminiftration, Ce défit de votre 1 part prouve votre amour pour le bien que vous ne pouvez ftire, quelques ta- : lens que vous ayiez, j& quelque habile i que vous foyez, fi le menfonge & la | flatterie vous environnent. Pans toute- '
DE ST. GERMAIN. *59 adminiftration, ôcfurtout dans celle de l’état militaire de France qui eft fi éten-. due &, dont, les'.refibrts font fi. multipliés , il n’eft pas poffible de voir tout par vous-même; il faut donc néceflàire-ment que fur beaucoup de chofes les yeux des autres vous éclairent. Vous, avez dans votre département la toute-puiflànce,. & vous êtes à bien des égards dans , la pofition malheureufe des. Rois que l’ambition, la paffion, la haine *& l’intérêt de ceux qui les entourent * trom» pent & égarent fins ceflè ; & c’eft très» mal à propos qu’on leur impute des in» juftices & des .oprcffibns dont ils n’au» roient jamais été coupables » s’ils n’a» voient, été fêduits & trompés. Les loix, Monfieurle Comte, ..décernent des pu» nitibps .& des fiiplices contre ceux qui confpirent & aflàflinent. Ces punitions & ces ruplices devraient être bien plus lëvvKs contre cetix qui trompent les Rois, eûtes. Miniftres, qui eft la même chofe, parce que ce font là de vrais aflàffins, puiïqu’ils font les aflàflins des
nations. Je me fouviens d’avoir entendu conter à M. Diderot, à fon retour de Ruflie, une converfation qu’il ait un jour avec la Souveraine qui gouverne avec tant de gloire & d’éclat ce varie-Empire. Après avoir difcuté fur plu-fieurs points de philofophie & de morale, ia converfation amena naturellement la queftion du ciel & de l’enfer. M. Diderot en paria plus en philifophe qu’en cafuifte; mais il finit par dire que, fu-pofé qu’il n’y eût point d’enfer , il faudrait qu’on en inventât im pour ceux qui ofent mentir aux Souverains. Je pén-fe bien comme hii; vous pouvez donc, Monfieurle Comte, vous attendre de ma part aux vérités les plus hardies. Quand vous ferez fatigué de les entendre, vous m’avertirez; & je me vouerai au plus profond filence. . . . . ' .... ?
Je perfîfte à penfer; M.leJ Comte, que vous avez mal entamé, l’ouvrée de la grande réformation que .tous avez entreprife, & tous vos embarras aduds ne proviennent que de cette première
DE &. GERMAIN. 261
faute. Il n’y a aucune liaifon, aucun en-femble dans votre édifice; tout y eft fi dé-coufu, que vos plus excellentes institutions perdent par-là tous leurs avantages; malheureufement, ce mal dans ce moment-ci eft fans remede. Dans le pays où vous êtes, on ne rentre plus dans là route quand on s’eft laifTé jeter dehors. Je vois avec beaucoup de regrets que vous foufirez qu’on vous entraîne à des variations qui dégraderont encore le peu de bien que vous avez fait. Vos éclairciflèmens joints aux ordonnances de conftitution, étoient inutiles. Ils deviennent même nuifibles par l’interprétation peu raifbnnable qu’ils donnent à l’article qui concerne les Aides-Majors de Cavalerie & de Dragons. Vous auriez dû vous fouvenir que le motif qui vous avoit déterminé à propofer au Roi de leur affîgner le rang que leur donne leur cominifiion, avoit pour objet de con-feryer en activité ces Officiers fi inftruits, que dans les difcufiions particulières qu/ nous avons eues dans votre cabinet à ce fujet, il m’a paru qu’on étoit unanime-;
ment convenu que la confervation de ces Officiers étoit un point bien capital pour le fuccès de l’inftruétion & de la discipline; je crains bien que ce ne foit quelque intérêt particulier qui ait prévalu fur la juftice & fur l’intérêt général. Je vous çonjure de nouveau, Monfieur le Comte , de vous mettre en garde & de vous défendre contre toutes ces queftions infi-dieufès, prefque toujours diftées par l’espérance de vous entraîner dans des erreurs & dans des variations qui nuiront plus à votre ouvrage & à votre réputation que les fautes même que vous pourriez faire. Cette nation eft fi habile & fi ingé-pieufe à donner des ridicules, & l’expérience ne prouve que trop qu’un ridicule eft plus dangereux qu’un tort; l’un peut fe réparer, l’autre refte, avilit & dégrade, Nous avons les plus fâcheux exemples dé cette vérité. Un Mîniftre, quoi qu’il pnifTe être, qui n’a pas l’avantage de foi pinion publique, ne peut jamais- rendre fon adminiftration ni utile ni éclatante; il fera privé de tous les feeours, &Ü
DE ST. GERMAIN. 03 éprouvera descontradictions qu’il n’aura pas la force derepouflèn , . .
Je ne dois pas vous parler, Mon-fieur le Comte,, de ma revue du Régi*-mçnt de Royal Pologne, cavalerie: la loi veut que ces fortes de détails ne vous parviennent que par le chef de la divir fion, & cette loi eft fi fage, fi bien vue; elle fimplifie & abrège fi fort le ; travail, que vous êtes ? plus intérelfé que,perfora ne à la maintenir dans toute û forcer L’habitude fera des tentatives pour s’y fouftraire. Si donc une feule fois vouj répondez à une lettre d’un Mgréchaldç camp ou d’un Colonel, qui voudra vpu; rendre des comptes ou vous faire des demandes directes; fi vous leur adreffez le moindre ordre & .que tout ne leur parvienne pas. par le chef de divifion, .vous vous replongez dans le labirinthe des écritures; dès lors la chaîne fera rompue; votre édifice croulera, & vous.-perpétuerez l’infu-bordinagion ^cl’jndüciplino Cette admini-ftra&op, la .feulg vraiment militaire, une fois foüdqmçnj établie, tout le monde en
fentira les avantages, & l’erreur de ceux qui font d’une opinion contraire ne durera pas.
Je ne prétens pas me fbuftraire à cette loi, Monfieur le Comte, en vous parlant des corps que j’ài vus; c’eft une affaire particulière entre vous & moi, & qui eft une fuite néceflàire des ordres que vous m’avez donné de vous communiquer mes obfervations. Je vous dirai en conféquence que j’ai été fingulie-rement content du Régiment de Royal Pologne, du bon efprit qui y régné, du bon ton des Officiers & de leur foumis-fioii aux volontés & aux ordres du Roi. Il eft vrai qu’As ont à leur tête MM. les Comtes de MaiHy & de Vogué qui font deux hommes d’un vrai mérite, bien en état d’encourager & d’animer tout par leur exemple; ils font parfaitement fécondés par les chefs d’Êfcadrons, là plu-» part d’une ancienneté refoeétable, & aufli diftingués par leur noiflànce que par leurs fervices. C’eft fur de tels hommes que votre attention doit porter; mais je vous en demande une toute par-
-DE M GÉ'R M AÏn: 265 ticufîere pour Mi '-de la Braffiere. H y a 54 ans qu’il fat dans le même corps, qu’il s’y fait remarquer par fon exactitude, par fà valeur & par fon zele, qu’il femble communiqua: à tout ce qui l’environne. C’eft véritablement un Officier dù meilleur exemple, & en le traitant avec l’attention qu’il mérite, il en ré-fultera un excellent effet pour l’émulation; quand même dans ce moment-ci vous ne pourriez rien faire pour lui. Une lettre de la part du Roi,- qui puiffe faire cônnoîtrë à M. de la Braffiere que les -fervices ne font pas ignorés de Sa Majesté, feroit peut-être fur les opinions la même împreflion avantageufè qu’une grâce marquée. Car telle eft l’ex-cellence de cette nation qu’on l’anime & là vivifie préfquë plus par des paroles flatteufes que 'par des récompenfès utiles; & je fuis toujours étonné, Monfïeur lé Comtej, que lés Miniftres ne faffent pas plus d’ufage dé cette monnoye qui coûte fi peu. M. lé Duc de Choifeuil eft le feul qui. ait' eu l’art dé l’employer
àr^vanc^ge du ferviçp ^SaMajmté; auffi avoit-il excité un tel zele daps^us les Officiers» qu’il w a. réfulté Ja »p£us grande inftruétion. On ne peut, pas fe diffimuler que, jufqu’à l’époque de fon miniftere, il y avoit à peine dans qn Régiment un Aide-Major qui fût en état de le faire manœuvrer ; &, lorsqu’il a quitté ce .département, il n’y avoit, pas un Caporal ni un Brigadier qui ne fût en état d’être chef de Bataillon ou chef d’Rfcadron. H encourageoit, il animoit tous les talens, & je fens par moi^ême que, fi j’ai pu valoir quelque chofe, je valois infiniment plus alors que depuis que fes fuccefleurs, par leur foibleflè, leur ignorance ou leur indifférence, nous ont jetés dans la dangereufe apathie où nous fommes; il ne tient qu’à vous de ramener ce tems briUaut & heureux du militaire françois.                        ;
: Par le compte qnej’pi rendu au Lieutenant général, de mp diyifiG^, je 1’.# pré* venu que ks Régin^n^de Cav^lejje & de DragQqs que j’^VJ»,: n’ont aucune
: DE Fi C ER MAIN. 267
fonds pour fe procurer du fotirage, pour recruter, ni pour faire leurs remontes. Us font tous dans le plus grand embarras. Si vous n’y pourvoyez promptement, il en réfultera des inconvéniens dont le blâme retombera fur vous. Rapélez-vous donc combien je vous ai conjuré de préparer, de combiner & de calculer vos moyens, avant de publier les nouvelles loix. H eft fi efientiel, pour leur con-ferver le refpeft qu’on leur doit, de ne pas oppofer, ftutê de ces précautions, une impoffibililé évidente de s’y conformer. H s’eft gliffé auffi une erreur dans l’impreflion de l’ordonnance des Dragons fur leur folde, qu’U ftilt rectifier. J’ai rafluré les eïprits, parce què je connois vos intentions; mais je n’ai pu donner aucune folutiofl aux troupes fur nombre d’obfturités & de contradictions qui fe trouvent dans le réglement, & qui demandent à être rectifiées.
J’ai été très -côritent du régnent de Culte, furtOût dé Texaétitude, de la force de fa difeipline, & dé fondre dé
fon adminiftration, qui eft faite pour lèr-.vir d’exemple à toutes les troupes. JM. de Cuftine me paroît un très-bon Colonel Si tous les corps avoient de tels chefs, on n’auroit pas la douleur de voir ce relâchement nuifible, ni d’entendre ces clameurs indécentes & ces propos féditieux qui produifent des effets fi dangereux. Mais il fera facile au Roi de détruire ce mal dans fon principe, fi Sa Majesté veut fe déterminer à punir & | à récompenfer avec la juftice & la fermeté qu’elle manifefte.                      j
Première lettre de M. le Comte de Saint Germain en répon/è à la précédente.
Du s Juillet 1776.
J’ai voulu» Monfieur, lire au Roi avant de vous répondre, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire après votre revue du Régiment de Royal Pologne. Sa Majesté a été très-fatis-ôite du compte que vous en rendes, dç
DE S*. GERMAIN. 269
même que de votre zele pour le bien de fon fervice. J’ai écrit par lès ordres au Colonel & au Capitaine dont vous faites l’éloge; le Roi ne penfe cependant pas qu’il foit néceffaire de remercier un Officier parce qu’il a rempli fes devoirs ; mais il eft bien détenniné à punir ceux, qui s’en.difpenferont. .
On a fait païfer des fonds aux Régiments pour fe procurer des fourages, & même pour recruter; du moins les ordres en ont été expédiés. Quant aux remontes cela fera plus difficile, & les Régiments ne doivent s’en procurer qu’en proportion des fommês qu’on leur fournira; Vous connoiffez tout ceci; chaque pas coûte des combats. J’en fins à mes Bureaux, à l’arrangement des finances, & tout combat contre l’ordre. Ayez la bonté de faire dès notes fur les contradiétions que vous trouvez dans le réglement & fur toutes les autres matières. Les Dr»; gnns doivent avoir les 8 deniers d’augmen^ z tation comme la cavalerie & l’infanterie* & s’il s’eft gliflé là-deffus une erreur, elle
ü/o mémoires au- comte
fera rectifiée. Je fais que M. le Comte de Cuftine eft l’un des meilleurs Officiers fiipérieurs des troupes du Roi, & je vois avec plaiflr que vous le trouvez tel, & que vous lui rendez la juftice qu’il mérite. Avec le tems, patience & fermeté tout viendra a bien malgré les malveillans qui font en affez grand nombre.
. Seconde lettre.                 .
. Du 15 juillet 1775.
Tout ce que j’aprens, Monfieur le Comte, des différentes divifions, me peine   1
·         & m’afflige d’autant plus que je vois que ; dans la plupart les loix & les ordonnances j ne font en- aucune manière relpeétées. 1 &n$- accufer perfonne, j’ai raflèmblé dons le cayer ci-joint toutes les contra-liftions dont j’ai euconnoiflance. Vous jugerez vous-même des dangereux effets qui doivent-en réfîilter. Hfhudra donc déformais, avant de promulguer des loix, que fe Roi confulte fon année pour fa^
DE S1. GERMAlk «71
voir 8*0 lui plaira de les agréer. Ce fe-voit lüre de nos troupes des Gardes pré-toriennes ou desjaniflàires. Il eft im-poflible, fi 8a Majesté ne fè déter-7 mine pas à des exemples d’une grande févérité, que jamais: la difcipline puiflè fè rétablir. Ceux qui réclament le plus contré., feroient bien êmbarraflës, di l’on autônïbit dans leurs fubordoftnés la même ' indépendance jdont ils prétendent jouir; cependant cela' ferait Jüfte, car la loï doit être égale. -Au refte, Monfiéur le Comte, tout eft d’autant plus facile, que 4é Soldat ftançôis eft de la meilleure efpece poffible; 11 eft plein de courage,’ de volonté, d’intelligence, naturellement porté à la foumiffion & à l’obéiflànce ;-&, quand le contraire exifte, c’eft tou-jouis là faute des Officiers qui, par leurs1 dlfcours & leur exemple, les y provo^ quent Tout -eii;adminiftre la preuÿç Examinez fétat aétud de la difcipline* des différens corps , - vous en verrez bit les loix font dans toute leur force, où’ élles ont été établies fans oppbfition ni
réclamation; & d’autres, au contraire, dans lefquds il exifte le plus coupable relâchement C’eft-là le thermomètre qui peut vous guider le plus furement dans l’opinion que vous devez prendre des différens chefs de corps» Je vous citerai pour exemple, M. leMarquis de Vï-braye, Colonel du Régiment Dauphin, Cavalerie. C’eft un Officier d’un mérite rare & diftingué. Tout s’eft établi dans le Régiment qu’il commande, fans mur- mure ni réclamation, parce qu’il y a mis le ton & la fermeté qui conviennent | Voilà les hommes qu’il faut diftinguer, ( pour encourager les autres. Si toutes les divifions avoient des chefs comme Meffieurs de Beauveau, de Vogué & de Wurmfer, tout iroit bien. Leur ton , leur exactitude, leur fageïfe & leur bon exemple infpirent à tous leurs fubordon-nés le defir de leur plaire & de les imiter. Auffi tout va à merveille dans cette pro-yince,,& vous devez vous être aperçu tju’pn ne, vous a fait aucune, queftion cap-tieufe ÿ ridicule., Il me paroît que vous
en
DE ST. GERMAIN. 273
en êtes accablé; j’en juge par les lettres interprétatives que nous recevons journellement Vous n’avez donc pas voulu, Monfieur le Comte, vous mettre en garde contre ces dangereux piégés. Je vois avec douleur, qu’on vous y a entraîné , & j’en ai bien plus encore quand j’envifage les conféquences dangereufes qui en réfulteront Je vous conjure donc de nouveau, à genoux, n’écrivez point de lettres interprétatives; attendez le retour des chefs de divifions; rafTemblez-les enfuite; écoutez leurs obfervations; pefez-les, difcutez-les avec eux, & rectifiez les loix, fi vous jugez qu’elles peuvent ai avoir befoin: mais ne les dégradez pas, & n’aviliflèz pas non plus votre autorité par cette foule d’interprétations & de contradictions.
Troifieme lettre.
Du 7 yfoût i77<î.
Je viens d’être témoin, Monfieur le Çomte, d’une choie bien étrange. M. le
S
274 MÉMOIRES du COMTE
Marquis de Vogué a fait monter à cheval les deux R piments du Colonel- générai cavalerie & Dragons. Avant de les faire monœuvrer, il avoit ordonné à celui de la cavalerie d’ouvrir les rangs , parce qu’il vouloir y paffer pour voir les hommes & les chevaux en détail; mais le Lieutenant-Colonel qui commandoit le corps, lui a opofé la défenfb du Colonel-général d’obéir à de femblables ordres. M. de Vogué n’a pas cru devoir ufer d’autorité, pour ne pas le compromettre; & la faute de cette efpece de pufillanimité, qui n’.eft pas dans, fon caraftere, en eft à vous, Monfieur le Comte, puîfque, fur d’autres difficultés qui fe font déjà précédemment élevées, vous avez jusqu’à préfent gardé un filence inquiétant. Je vous avoue que je n’aurois pas été capable de la-même circonfpeâiQm. Il y a une loi générale qui donne à tout Officier qui commande, le droit d’examiner l’état des troupes à fes ordres, & il n’y en a aucune qtfi l’intérdife. Le fervice de Sa Majesté y eft même
DÈ ^. GÈkMAÎN. *75 fi éffèiïtiélièment intéreiTé, qu’il êftim* poflïble qùll puillby exifter des côrps qui né foient pas fournis à cette loi. Quel eft l'homme qui voudrait ainfîeX-pofer aü hôzard {ôn honneur & fa réputation? Êt fi fon admettait dans un état militaire une troupe quelconque, qui, fourtiifè à une autorité particulière, fût indépendante de l’autorité principale, ce ferait une abfbrdité contraire à tout priri* cipe, qü’il faudrait détruire. Ici tout amour propre, tout intérêt perfbnnel doivent céder au bien général. J’ai une telle opinion du Roi, .Monfieur le Comte, que, fi vous voulez faire connoître à Sa Majesté lès confëqUencês dange-reufes qui peuvent , en réfliltèraü détriment de fon fervice, je fuis perîùadé qu’elle n’héfitera pas de profcrire de prétendus privilèges qui ne font fondés que que fur des ufages anciens & abufive-ment établis, qui dérangent tout ordre & laiflMt iUbfifter des traces d’une barbarie qui hé peut plus être pardonnable aujôurtThuL Mais,- Comme le Roi eft
S &
276 MÉMOIRES du COMTE
bien le maître de faire de Tes troupes ce qui lui plaît, qu’il y eft le plus inté-reflë, tant du côté de fa gloire que de là puiflànce ; fi, par des motifs que nous devons refpeéter, il veut laiffer fubfifter ces abus, il faudrait du moins qu’ils fuiTent autorifés par une loi, & que.cette loi fût connue; mais il fera en,même tems de lafagefTe du Roi, dans la dilpqfition de fes.troupes, d’envoyer ces Régimens à privilèges, qui offenfent ôc humilient les autres corps, dans des garnirons -ou quartiers où ils foient feuls.
Seconde Lettre de M. le Comte de Saint - Germain en répon/è aux deux précédentes.
Du 15 Août 177&
. Je connois, Monfieur, tous les maux que vous me détaillez dans phifieurs de vos lettres. Il eft plus aifé de les con-noître que d’y remédier. J’ai luau Roi le Mémoire que vous m’ayez envoyé.
;. DË ST. GER'MAIN.'- h? tSccMt d’après cela que j’ai écrit,“par lès ordres, la lettre circulaire à MM. les Chefs de Divifions, de laquelle il ne peut réfulter qu’un bon effet Je lui lirai auffi au. premier travail votre, lettre fur l’événement arrivé à M. de'Vogué; mais Je doute qu’elle faflè Un - grand effet, parce que M. le’*** foûtient cétie fatale infubordination; Je batailfetattant que je pourrai. L’état de la financé mi-litaireeft actuellement bien. Mes bureaux avoient fecrétement travàfllë à m’embarraflèr par cet endroit; mais ils en font la dupe. Je les ai enfin purgés , & ils font très - bien compofés actuellement, c’eft-à-dire auffi bien que cela fe peut dans ce pays-ci. Continuez à me faire part de vos obfervations, & foyez aflùré qu’il ne tiendra pas à moi que les chofes n’aillent mieux. Il ne finit pas cependant fe flatter de les conduire à la perfection;: elle ne fera jamais fur la
I
Quatrième Lettre;
Du 19 .Août i?75.
J’ai »vu, Monfieur le Comte, la lettre circulaires que vous avez écrite par or-dre du Roi. Elle ne produira aucun effqt, &; vous me permettrez de vous obferver que ce n’eft pas par dçs lettres qubn rétablit l’ordre, mais bien par des exemples, bailleurs., vous confondez par-là j’irçnoccnt. avec .te coupable. Je pe vois te pas. quçl .intérêt cm peut avoir de bien frire* Il y a bientôt 40 ans que. je fers; j’ai;fait deux guerres; j’ai- paffé par tous, les grades; j’ai été à porté® .de tout voir, de tout examiner; j’ai lq^ étudié des volumes d’ordonnan-çea, toutes excdkntes & âges; mais je n’^n ai. jamais VU aucune littéralement Suivie ; pi un prévaricateur .pujffint. puni. D’après cela il ne faut pas s’étonner fi des 22 divifions il n’y en a pas la moitié où les loix ibient dans toute leur vk
DE ST. GËHHAINi '2^ gueut E^îfteroit-ii donc eh France unie im-poffibilîté pbyfiqüe & morale de faire le bien?1 Et par quelle fatalité, Moniteur -Je Comte, fous un-Roi doué de tarit de vertus, dans lequel 8 n’y avoit aü-eunepaffion à combattre, tout éprouve-t-il tant d’obftacles ? Seroit-ce la foibles-■fè, l’i&âfféfeoee ou la timidité des ad# wiftrateurs qui en feroit b caufe î Je ne peux non plus me le perfùader; & je vous avoue que ma raifon s’y perd.' On défobéit impunément; chacun trouve lé moyen de fe fouftraire à la loi. Tout eft engourdi; tout languit; rien ne va: plus cle dix objets importans reftent en fouffrance; &, fi vous n’y prenez garde, il en réfutera un cahos égayant. Vous vous biffez trop intimider par la force que vous fupofez aux protecteurs puifïàns; il en réfüke que prefque toujours - lés protégés ineptes & ignorans Uftirpent les grâces; vous faites par-là uh mal irréparable par le découragement iÿie vous jetez dans toutes les âmes. Auriez-vous oublié les charmes de Lau-
terbach, ou en feriez-vous dégoûté? Dans ce cas-là je vous avertis. Mon-fleur le Comte, que le vrai moyen d’y retourner dépouillé de toute votre réputation & de toute votre gloire, eft celui que vous prenez. Vous vous laiflèz trop intimider par la protection de la Reine; mais fongez donc que c’eft une Prin-ceffe douée de toutes les vertus, pleine d’amabilité, de grâces, de fimplicité & de bonté ; qu’il n’eft pas étonnant fl ion caraétere de bienfailànce l’entraîne à protéger, & quelquefois fans examen. Soyez certain que, quand vous voudrez mettre vis-à-vis de cette Princeflè les formes d’attention & de relpeCt qui lui font dus; quand d’un côté vous lui montrerez le bien & de l’autre le mal, jamais elle ne vous fera aucune violence. H y a donc à cet égard infiniment plus de reflburces avec la Reine, qu’avec une autre perfonne puiflànte qui n’a pas un intérêt aufli direct pour faire le bien, parce qu’elle ne peut pas fe diflîmuler que fa gloire & celle du Roi ne foient inféparables.
DE ^.GERMAIN. s8t
Nous aprochons, Monfieur le Comte, du moment de l’expiration de nos lettres de fervice, &, comme le premier Octobre nous n’avons plus aucun commandement, je me perfuade que nous pouvons partir farts avoir befoin de nouveaux ordres. Mais laifferez-vous les troupes, pendant trois mois, fans chefs, fans Of-ciers généraux, & fans qu’elles fâchent à qui elles doivent s’adreflèr dans les différons événemens qui peuvent exifter? je le penfe d’autant moins, que ce feroit laper les fôndemens de votre édifice & donner lieu -aux plus dangereux désordres. Je ne crois pas non plus que votre projet puiffe être de remplacer ceux qui font inftruits par d’autres qui ne le font pas, qui ne. Croient aucun bien, mais beaucoup de mal & défbleroient les troupes; il. vaudrait prefque mieux renoncer aux principes adoptés & rétablir les Ins-pefteurs.                 :
En même tems que je fuis perfuadé, Monfieur le Comte, qu’il ne peut exister d’armée folidement conflituée, qu’au*
5h MÉMOIRES »ü COMTE
tant qu’^e fera formée en divifions, je penfe qu’elles ne peuvent ni ne doivent exifter que dans les provinces militaires & que toutes les autres troupes placées dans les païs méridionaux 6c dans les provinces de l'intérieur, difperi&s, éloignées les unes des autres, pourraient être eonfidérées comme détachées r & quT ferait poffibte de fe borner pour elles i de fimples iiWpeétions faites par des O tiers généraux avec lefquels elfes conti-hueraient à avoir une relation par écrit, feuf à changer ces Officiers généraux fui-vant qu'on le jugerait néceflaire au bien du fervice. Ce fyftême très-économique, s’il étok adopté, réduiroit les divifions i 12, favoir, Deux en Flandres & dans le Hainaut; une en Picardie & Artois: Deux dans les Evêchés ; une en Lorraine y Deux enAliàce; une en Franche-Comté-& Bourgogne; une en Bretagne & Normandie; une en Dauphiné & Provence; enfin une ph Corfe. En ‘r^ant enfuitê le fervice dé maniéré àemployèr trois Maréchaux de camp dans cbaèune de ces dîvalons.
U en péfulterbit qu’A y suroît 1 a Lieu-tenans généraux & 36 Maréchaux de camp dans une activité réelle & utile. Quant à ceux qu’en chargerait de fins-peéHon des troupes non endivifionées, deux Lîeutènahs généraux & quatre Maréchaux de camp y IbffiraienL De ce 1er vice, à la vérité moins inftruétif, mais qui leur taifleroit cependant une affez grande relation avec les- troupes, ils pas-feroient, s’ils’ le méritoient par leur zélé & par leurs fetens, aux places qui va-î queroient dans-les divifions <^& feraient remplacés par-d'autres thés de la claffe de ceux qui nWroient pû être employés.
Mais, ëoi&foè l’objet- principal de la formation dès? divifions doit être le ras-fèmblement dés troupes, afin de les habituer à mantétivrer en grand,; je meper-foade ques vous vous déterminerez- à rétablir dans, le réglemënt te droit qu’on av^cru nëcefeite dé donHenaux Lieu-terians généraux j de réunir leurs divifions dans des eahtonnemens, du vingt Août au vingt Septembre de chaque «méer
& les troupes de la même province tous les deux ans aux mêmes, époques, fans qu’il foit nécefiaire de leur expédier d’autres ordres. En donnant enfuite pendant ce mois d’exercice , des lettres de fer vice, fans apointemens, à ceux des Maréchaux de camp qui les defireront, en quelque nombre qu’ils foient, & en les employant pour ce moment-là près de ces divifions , vous leur procurerez le moyen de s’inftruire fans qu’il en coûte rien au Roi, & vous feriez auffî à même de juger de leur aptitude au fervice; mais il faudroit. leur défendre toute efpece de dépenfe. Le Général commandant en chef feroit chargé de les nourrir.
Après vous avoir ainfi communiqué mon opinion, Monfieur le Comte, fans autre intérêt que le bien & le fuccès de vos entreprifes,j’ofe prendre la liberté de vous faire une queftion qui me regarde perfon-neUement, & fur laquelle il m’importe infiniment que vous ayez la bonté de me répondre ppfitiyement, pour que je puiffe prendre mes anangemens en conféquençe.
DE ST. GERMAIN. 285
J’ai fait une dépenfe allez confîdérable pour monter une maiïbn & acheter des chevaux; fi en partant d’ici je ne fuis pas infiruit de ma deftination pour l’année prochaine, je ne fàurai quel parti prendre relativement à mes équipages; fi je les laifle dans ce païs-ci & qu’enfiiite je ne fois point employé, ou que ma deftination me porte ailleurs, je me verrai très-èmbàrrafl& -Si, au contraire, dans cétte incertitude, je les envoyé à Paris, & que les ordres du Roi me ramènent en Alfàce, je ferai expofé à des dépenfes& à des fiais que vous pourriez m’éviter, & qui d’ailleurs dérangeroient ma fitua-tion; mais la moindre ignorance fur ce point me rendroit la grâce que le Roi m’a faite trës-ruineufe: il feroit donc dé votre bonté & de votre juftice de me prévenir affez à tems pour que je ne Ibis’ pas expofé-à ces inconvéhiens ; je vôü$ promets le plus fidele fecret, fi vous le jugez nécefiàire.
^6 MÉMOIRES »u COMTE
Troifieme Lettré de M. le Comte de Saint Germain, en réponse à la précédente.
Du 4 Septttüte i^.
Vous me marquez toujours» Mon* fleur, qu’il y a des divifions où les ordonnances ne s’obfervent pas; mais il ferait bon de les nommer, car je ne puis remédier à un mal dont je ne connois pas pas les auteurs; vous pouvez compter fur toute ma difcrétion. Vous avez un ouvrage ou des mémoires fur les délits & les peines, voudriez-vous avoir la bonté de me l’envoyer.
Je tâcherai de vous employer encore & à-peu-près où vous êtes; mais, comme le travail, n’eft pas encore fait» & qu’il faut toujours confulter laiwarfe, je ne puis encore vous rien marquer de
DE S». GERMAIN. 287
CinquiemeLettre en répliqué à la prit cémente.
Dn.w Stpttmbrt 177#.
Ce que j’ai eu l’honneur de vous mander, Moûfieur le Comte, n’eft fondé que fiir tes bruits publies; mais j’en aurois h certitude & plus évidente que je ne vous nommerais jamais perfonne. Il n’eft, ni dans ma façon de penfer, ni dans mes principes, d’être un dénonciateur. Vous pouvez employer tout autre moyen pour découvrir la vérité/ fi vous la cherchez, & fi en effet vous' croyez avoir la force & le pouvoir de punir. Mais il faudrait en même tems aufli diftinguer ceux qui font bien, & jufqu’ici rien ne nous annonce que vous vous occupiez de ce foin. Si vous ignorez le mal, vous favez du moins le bien, de la diftinétion de ceux qui ont mérité qu’on en dife d’eux, ferait peut*’ être un avertiflèment pour tes autres.
Il eft vrai, Monfieur le Comte, qué j’ai travaillé fur les délits & les peiottv
Je crois mon ouvrage bien fait & dans vos principes; mais il ne feroit pas du goût de tout le monde, & on le déna-tureroit encore comme on a fait de mes autres ouvrages; il en réfblteroit un nouveau monftre. On a trop d’habileté à vous entraîner dans l’erreur fous le fpé-cieux prétexte du mieux, qui eft toujours l’ennemi du bien; &, en vous écartant ainfi de toute méthode, on vous empêche de parvenir à votre objet C’eft vous tromper lâchement, Moniteur le Comte, que de vous dire que le Roi a une armée; par les moyens que l’on prend il n’aura qu’une infanterie foible & aucune cavalerie. Vous ne croirez pas cette vérité: on vous dira que je vois noir; mais elle vous fera démontrée par les effets, & il ne, fera plus tems alors d’y remédier. . Détruire fans ceflè des loix fagement promulguées par des lettres, c’eft les dégrader, & affaiblir Je refpeâ: qu’on leur doit D ne faut pas répéter à tout moment la pas-qpigade des Aide-Majors de cavalerie &
DÈ ^ GERMAIN* 589
& de Dragons qu’on a d’abord dépouillés des droits que leur donnoit l’ordonnance, & rétablis enfuite, parce que cette derniere décifion intérelToit le fort du frere d’un commis des bureaux. Cette obfervation n’a échapé à perfonne, & j’en ai été affligé pour vous.
Si je ne reçois pas de nouveaux ordres , Monfieur le Comte, je partirai d’ici le premier Octobre, parce que ce jour-là mon activité ceflè; mais j’y lais-ferai mes équipages , puifque vous voulez bien me faire efpérer d’y être employé. Je vous prie de vous fouvenir que je déliré de relier Ibus les ordres de M. le Prince de Beauveau, qui, de tous les Lieutenans généraux qüe vous avez employés, mérite le plus votre reconnoilTance par les Ibins qu’A a pris pour ftire obferver les loix de faire res-peûer l’autorité du Roi.
T
OBSERVATION.
Il y ft aparence qu’il n’y a point eu de réponfe à cette lettre; du moins nous n’en-avons trouvé'aucune minute. Nous n’avons pas trouvé non plus dans les papiers qui nous ont été confiés, celle à laquelle la lettre d'e: M le Comte de Saint Germain qui fuit paroît répondre,
Qfâtvjew fyt???. de M. le Comte de
En date du 13 Septembre ift6.
jJ^éga malheureux de la finance, Mon-£1^ a été la feule çaufç qui a Jàk ftiprimer pouruntems les compagnie auxiliaires.. Banmere t’a K6e- dans te plus grand défordrç,ôç il,.feu?: quelque» tems pour la remettre. Je ne puis pas même, par la même raifon, continuer la quantité de remontes qu’il m’avoit alluré que je pouvois faire. L’armée
Ï)E St GERMAIN. 291
fera - augmentée de 18 à loôôo hommes; c’eft tout ce que l’on petit opérer cette année ; on verra de mieux faire dans la fuite j mais il faut de l’argent. Vous n’avez vu d’autres variations que celles que la finance a forcé de faire j & de ce côté-là on m’a joué tous les mauvais tours poffibles; mais à préfent j’ai un homme fûr & du premier mérite, & nous ne marcherons plus que la balance à la main. Vous donnez trop d’importance à des bagatelles. La compagnie auxiliaire ne fait pas la conftitu-tion; elle y eft très^acceffoire, & n’eft proprement néeeflàire qu’eri tems de guerre. 11 faut de préférence augmenter l’armée; &, dans un cas de befoin, j’ai en mains de quoi former tout d’un coup les compagnies auxiliaires.
Pendant que j’étois à Paris la Reine écrivit de main propre au Prince de Montbarey pour demander Arras pour le Régiment de.......... il ne put le lui refufer. Nous avançons toujours , mais pas ,à .pas & à travers les ronces.
‘ T 2
292 MÉMOIRES du COMTE
Vous croyez dans vos provinces qu’il n’y a qu’à dire: fiat lux & fafta eft lux; il n’en eft afTiirément pas ainfî. Je reçois toujours vos lettres avec plaifir.
Sixième Lettre écrite de Betfort.
En date du 25 Septembre 1176.
Je fuis venu ici, Monfieur le Comte, avec M. le Prince de Beauveau qui y a reçu fà lettre de rapel, ainfi que M. le Duc d’Ayen. J’ignore encore qud fera mon fort, je le (aurai vraifemblablement à mon retour à Seleftadt; mais, quel qu’il puifle être, il m’eft impofiible de vous cacher que les ennemis du bien vous ont porté à admettre une méthode abfurde & deftruétive de toute émulation. Je n’y reconnois ni votre fagacité, ni vos lumières. Quelle confiance voulez-vous que les troupes prennent dans des Officiers généraux qifi ne font que des aparitions, & qu’on remplace l’in-ftant d’après par d’autres qui fouvent
DE St GERMAIN: 293 n’ont ni les mômes connoiflànces, ni le même zde? C’eft les expofer à un ba-1 otage défolant pour elles; c’eft en un mot anéantir toute leur confîftance. Il femble en vérité qu’on ait confpiré la ruine du militaire françois ; mais je remets au moment où j’aurai l’honneur de vous voir, à vous parler avec plus de vérité & de franchife encore.
Je vois avec une extrême douleur, Monfieur le Comte, que l’intrigue & la faveur prévalent plus que jamais fur les droits que peuvent donner les fer-vices; que ces monftres que le Maréchal Dumuy avoit enchaînés avec tant de courage, font de nouveau en liberté; qu’ils envahiflènt les récompenfes & les grâces, & que nous fommes ramenés aux tems malheureux où il y avoit plus à gagner à valter dans les antichambres de Verfailles, à ramper , aux pieds des Grands, qu’à efluyer des coups de fu-fils & à fervir utilement. Vous venez de montrer , à tous les militaires que les décorations font le prix de l’ineptie. Ah!
Monfieur le Comte, ce n’eft pas fous votre miniftere qu’on devoit craindre un fi dangereux exemple & une complai-fance fi deftruftive de toute émulation. Vous n’aviez que l’intérêt de la juftice & de votre gloire, & c’eft celui-là que vous abandonnez pour accélérer votre perte. Tout le monde vous cache peut-être ces vérités; mais mon attachement me force à vous les dire. Si je penfbis moins noblement, moins loyalement, je vous les cacherais auffi, & mon intérêt pourroit s’y trouver; mais tout ce qui m’eft perfonnel doit céder au bien pour lequel je ferai fiirement encore longtems des vœux impuifTans. Je vous fuplie de regarder tout ce que je prends la liberté de vous dire, comme le dernier efibrt de mon courage & de mon amitié, dont je vous ai donné des preuves non fufpeftes dans toutes les fituations de votre vie.
DE - ST; (ÆKMA» à$$
CmçaKnig Lettre deM. le Comté de St. Germain, en réponfe à la précédente.
·         •         En doit du sp Septembre iTjG.
je vois, Monfieur, par vos différentes lettres, & fùrtoüt par celte du £$, que vous ne doutez pas que Dieu ne vous ait fait feul & unique dépofitaire de toute la prudence & de toute l’habi» leté humaine. Malgré cette haute pré* tendon, permettez-moi de vous donner un confeil; le voici* La fàgefiè modeste, véritable apanage de l’homme fupé-rieur, & qui fera toujours la marque du vrai mérite, veut que l’on rempliffe avec diftinftion les devoirs dont on eft chargé , permet même des avis quand ôn les demande; mais défend la démangeaiïbn de fe mêler de tout fans vocation, & iur-tout celle de s’ériger de ià propre autorité en ariftarque amer de fes fupérieurs & de tout le genre humain*
Septième Lettre en répliqué à la fré* çèdente.
En date du 6 Oftqhre 177®.
H ne faut pas, Monfieur le Comte, avoir un grand mérite ni <tes talens bien brillans pour être vivement affeété des opérations fi deftruflives de toute émulation & de tout bien. Mais il faut un grand devoument au bonheur de & patrie pour avoir le courage de dire tant de vérités; & U faut au moins autant de yertus pour |es écouter avec bonté & patience, en faire fon profit, & échaper par ce moyen au danger de l'adulation & de la flatterie, qui érigent des autels aux injuftices & temiflent toutes les réputations. Vous me démontrez, Monfieur le Comte, d’une maniéré très-évidente que Dieu ne m'a pas départi toute la prudence ni toute l’habileté humaine, & que fnrtout je peux quelquefois me tromper fur l’opinion que méritent les boni’ mes ; aufli autant que jufqu’à préfent je vous ai été importun, mais quelquefois
DE S’. GERMAIN. 297 utile & très-utile, autant je prétens être déformais dilcret & inutile. Je veux fur-tout me borner à l’apanage que vous as-fignez à la iàgefle modefte, & dont heureufement je fuis en poffdEon depuis près de 40 ans que j’ai l’honneur de fer-vir le Roi. C’eft une de ces propriétés qu’aucune autorité ni aucune puiffince ne peuvent me ravir & que furement vous ne me conteftez pas.
OBSERVATION,
Il parolt par la date des autres lettres & celle des njinutes des réponfes de M. le Comte de Saint Germain, qu’après çe choc violent la correlpondance entre cet Officier général & ce miniftre s’eft ralentie, puifque, depuis le fix Octobre, date de la précédente, julqu’au vingt Novembre, nous n’avons trouvé aucune lettre de part ni d’autre; quoiqu’il pa-roiffe par une réponfe à une lettre de recommandation que la colere de M. de Saint Germain fût apaifée.
T 5
Huitième Lettre»
Du 20 Novembre ij^
M. le Baron de Béthune d’Hesdt-gneul, Moniteur le Comte, qui aura l’honneur de vous préfenter cette lettre, étoit Officier des Gendarmes de la Garde & a perdu ion état par la réduction de ce corps. C’eft une jeune homme auffi intéreflànt par là naiflànçe que par ion mérite, & que je vous ai vu l’année dernière très-difpofé à remplacer promptement. On parie d’un mouvement prochain, & je viens réclamer vos bontés pour lui.
Sixième Lettre de M. le Comte de St. Germain, en réponfe à la précédente.
Du 29 Novembre Ift6.
Ce fera avec, bien du plaifir, Moniteur, & de l’eropreiTement, que je travaillerai à faire employer M. le Baron
de Béthune d’Hesdigneul. L’intérêt que vous y prenez eft pour moi une raifon bien forte pour ne le pas perdre de vue. Je vous prie d’en être aufli perfoadé que, du fincere & inviolable attachement, &c.
Neuvième Lettre.
Du a Décembre 177$.
Je pente, Monfieur le Comte, que je vous oblige & vous rends fervice en mettant fous vos yeux fefituation inquiétante où te trouve M; de Guelb, votre compagnon d’armes, votre ami fidele dans toutes les circonftancés de votre vie. Vous connoifféz mieux que perfon-ne tes talens pour la guerre dont vous avez fi fouvent fait un ufàge utile; vous connoiflèz aufli fà loyauté & fon défin-téreflèment; vous ne pouvez pas non plus ignorer le malheur & la détreflè dans lefquels il languit depuis fi longtems. Je fais que vous avez fouvent blâmé les
Minières, vos prédécefleurs, de l’oubli qu’ils failbient d’un Officier de ce mérite. Aujourd’hui que le fuprême pouvoir eft dans vos mains, vous expoferez-vous aux mêmes reproches? vous feriez dans ce cas-là mille fois plus coupable qu’eux. J’ai trop bonne opinion de votre cœur pour le craindre. Mais, Moniteur le Comte, comme dans la multitude des détails dont vous êtes iàns ceffe accablé, les intérêts de votre ami peuvent vous échaper, je dois vous en faire ibuvenir. Vous ne fongerez furement pas fans effroi que, s’il arrivent malheur à cet honnête homme, fà veuve & fes enfàns feroient dans le cas de demander l’aumône; vous imprimeriez par-là fur votre vie une tache ineffaçable; vous pouvez à très-bon ' marché diffiper cette crainte & donner à
M. de Guelb la plus douce coniblation en augmentant fon traitement de 3000 », & en le rendant reyerfible fur à femme & fur fes enfans, tout le monde aplau-dira à cette grâce; &, comme cet Officier général a près de vous un avantage
DE S*. GERMAIN. 301 qu’il n’aura jamais près d’aucun de vos fucceffeurs, qui eft, que vous pouvez attefter tout le bien que vous direz au Roi ex vifay il feroit bien difficile, avec les fentimens de juftice & de bienfaifance qui font dans le cœur de Sa Majesté, qu’elle s’y reftifât. Je penfe, au contraire, que tout ce que vous ferez dans le cas de dire dans cette occafion vous honorera autant que M. de Guelb même. Je regarde comme un de vos devoirs les plus eïfentiels de juger les hommes fans intérêt, fanspaffion, fans prévention, & d’en donner au maître l’opinion qu’il doit en avoir. Ce feroit une véritable grâce que vous me feriez a moi-même en me donnant le plaifir d’anoncer une fi bonne nouvelle à M. de Guelb, qui ignora parfaitement la démarche que je me fuis permis de faire près de vous.
Septième Lettre de M. lè Çofçte de Saint Germai» en répenfe à la précédente.
Du ii Décembre 1776.
Je ne luis pas ici, Monfieur, pouf fuivre les penchans de mon cœur, payer aux dépens du Roi mes amitiés particulières , & favorifer les unes & les autres félon mon goût & arbitrairement; j’y dois remplir des devoirs aufteres, & c’eft la flûte du ferment que j’ai fait au Roi. M. de Guelb que j’aime tendrement & efti-me beaucoup, ne s’en eft pas retourné comme il eft venu; il a été payé d’une ancienne prétention, à la vérité jufte, qu’il follicitoit depuis longtems inutilement Il éprouvera encore dans la flûte de dans l’occafion des preuves de lafatis-faftion que le Roi a de fes fervices, & cela non parce que je l’aime, mais parce qu’il a bien fervi & qu’il eft en état de bien fervir encore.
DE S*; CERMAIK 303
JDixieme Lettre en réplique à la précédente^
·         - Dm i^^Décmbrf 17701
Je refpeâ», Moniteur le Comte» vos principes & le feraient que vous avez, fait au Rqç. Je fuis, feulement- affligé de voir que vous vous: y foumettez avec une févérité- déplacée* lorlqu’il eft ques* tion de vos amis ou de vos païens ; mais que vous oubliez & vos principes, & votre ferment, quand il s’agit d’une per-fonne puiffante ou puiflamment protégée. Quelque choie que vous euffiez fait pour M. de Guelb, vous n’auriez, manqué ni à l’un im à l’autre II eft dans une teHq fîtuation & il a des fervices qui partent, fi fortement pour lin, que fi fon enpemk étoit chargé du département de la-guerre»; & qu’il fflt jatte, il feroit forcé de feire. ce que je vous ai demandé pour cet Officier général. Au refte, il m’eft bien difficile, Monfieur le Comte, quapdje jette un coup d’oeil , fur le tableau/des
grâces qui ont été distribuées, d’y trou* ver aucune trace de ces principes ; mais les Minières croyent qu’ils fe juflifîent par la volonté du maître. Us fe trompent, parce que tout le monde eft auffi convaincu que moi, que fi jamais la vérité à ofé-_aprocher des Rois, c’eft notre jeune Monarque qui eft capable d’en donner l’exemple. Toutes les vertus qui forment les grands Princes, font dans fon ame, & il me femble que, fi j’étois en fitua-tion d’être interrogé par lui, j’auroisplus de courage à lui dire la vérité qu’à un fimple particulier. Je ne puis même vous cacher, Monfieur le Comte, que ce fontiment pour ce Prince eft fi bien gravé dans tous les cœurs, & cette opinion fi fortement imprimée dans toutes les têtes, que, loriqu’on voit des effets qui les contrarient, on accule la pulillani-mité & la foiblelfe des adminiftrâteurs. On les foupçonne violemment d’être trop fervilement attachés à leur exiften-ce, & furement vous ne voulez pas mériter ce foupçon. .
OBSERVATION.
DE S1. G‘ERMAIN. 305
O B S E R V A T I O N.
il paroît que cette correipondance a été de nouveau interrompue par cettè lettre. On ne trouve aucune minute de réponfè, ni même aucune autre lettre écrite depuis le dix huit-Décembre 1776, date de celle-ci, julqu’au douze Avril 1777, Qui eft fins doute la derniere, & à laquelle vraiièmblablement on n’a fait aucune réponfe. Nous allons donc finir cet ouvrage par cette lettre fameu-fe. Nous avons trouvé auffi nombre d’autres lettres particulières qui ont été écrites à M. le Comte de Saint Germain dans le cours de fon miniftere par d’autres Officiers généraux ou Officiers fiipé-rieurs; mais elles font en général fi peu intéreflàntes & renferment des vues fi peu utiles, que nous n’avons pas cru devoir les raporter ici. Il y en a d’ailleurs quelques-unes qui pourroient humilier, offenfer ou bleffer des perfonnes
qu’on doit refpeéter. Nous penfons qu’on n’improuvera pas cette modération & cette circonfpe&ion.
Onzième Lettre à M. le Comte de Saint Germain.
Du la Avril 1777.
L’intérêt que je prends encore, Mon-fieur le Comte, non à votre exiftence dans la place pénible que vous occupez, mais à votre réputation, m’enhardît de nouveau, fans m’effrayer du danger même de vous déplaire, à mettre fous vos yeux des vérités que peut-être tout le monde vous cache, & qu’il n’apartient qu’à un attachement courageux de vous révéler. Je vous fuplie feulement de faire attention que je parle à vous feul, & j’es-pere de votre probité le fecret le plus inviolable.
Vous êtes arrivé, Monfieur le Comte, avec une réputation édatante que cinquante années de vertus & de talens conftatées vous avoient méritée. La Fran-
DE ST. GERMAIN. 30?
ce vous regardoit comme Ton Ange tuté* laire, & ‘le militaire efpéroit de vous tout ce que dévoient naturellement lui promettre vos fervices diftingués, vos lumières & votre longue expérience. Les opinions vous étoient fi favorables, qu’il n’y avoit pas un fèul individu qui ofât feulement penfer à opofer la moindre réfiftance à vos volontés, tellement on étoit perfuadé de l’excellence & de l’utilité de vos principes, de votre caractère ferme & invariable. Ces principes qui ont fait le fujet de mon admiration, étoient confîgnés dans votre mémoire, d’après la lefture duquel le Roi vous avoit apelé près de lui; les imaginations françoifes, toujours vives & ardentes, alloient au-devant de la grande révolution qu’elles attendoient; chacun avoit formé fon plan, fans que cependant le vôtre pût être deviné, & jamais rien n’auroit été connu, fi vous n’aviez pas commencé votre réformation en détail. C’étoit fonner le tocfin & avertir tous les mal-intentionés de fe liguer pour la con-
trader. Vous n’avez pas voulu fentir, Monfieur le Comte, que cette grande opération demandoit à être conduite avec le même fècret & la même habileté, que la profcription des Jéfuites en Efpagne. Tout auroit infailliblement alors fécondé vos vœux & vos defïrs; vous auriez étonné. Le refpeft, le filence & la fou-million en auroient été les effets. Cependant cette erreur & ce défaut de méthode dans votre marche, vous prépa-roient de grands embarras & de terribles obftacles à vaincre, dont à la vérité votre courage n’auroit pas dû être effrayé, fi ce noble défintéreflèment qu’on croyoit dans votre ame, avoit pu vous porter au fàcrifice d’une exiftence qui ne pouvoir avoir plus rien de fatisfaifant à vos yeux', dès qu’il vous étoit impoffible d’arriver à votre objet. Quoi qu’il en foit, le premier mal s’eft manifefté par votre 'opération fur la maifon du Roi. Mais ce mal eft devenu bien plus grand par l’effet qu’il a produit fur la Gendarmerie, les Carabiniers & le^ autres corps
privilégiés. Les fenfàtions de cette incon-féquence dans votre conduite fur les opinions , alloient toutes à la defiruftion de votre réputation. Quelqu’-affligeante que fût dès lors votre pofition, il étoit poflïble d’y remédier encore,.fi ce même jour vous n’aviez eu la foibleffe de vous aflb-cier un homme élevé dans des préjugés contraires à vos vues, & dont le principal objet devoir être de fe former un parti affez puiffant pour l’élever un jour à votre place. Mais le plus grand mal que ce choix a produit, c’eft d’avoir aporté un obfta-cle invincible à la création du Confeil de guerre dans le tems que vous-même, dans le premier principe de votre grand mémoire, vous en établifliez la néceffité indifpenfable en France, & qu’en effet il n’y avoit que ce moyen d’imprimer de la fiabilité à tout ce que vous vous pro-pofiez de faire, & de raffurer tous les militaires fatigués & rebutés des perpétuels changemens dont ils n’ont ceffé d’être tourmentés depuis plus de 30 ans. Cette certitude feule fuffifoit pour con-
3io MÉMOIRES nu COMTE
foler ceux qui y auroient perdu leur exi-ftence & leur état. Cette contradiction avec vous-même, Monfieur le Comte, a dû néçeflàiremeQt jeter dans le cœur du'Roi une défiance très-dangereufe & très - nuifible; & je me rapelle parfaitement que, dès cette époque, Sa Majesté s’eft mife en garde contre toutes vos propofitions : & moi, j’ai dès lors defefperé de vos fuccès. L’irrégularité / de votre marche nous a donc plongés I dans le cahos où. nous fommes, & notre | fituation eft d’autant plus effrayante que l’indifcipline & l’infubprdination font parvenues à leur comble; qu’il n’y a plus aucune autorité aétive; que les punitions font dénaturées; que le vice eft triom- I phant & impuni ; que la vertu eft opri-mée & languit fans récompenfe; que ' plus ce militaire qui vous refpeftoit, avoit droit d’attendre de vous, plus il eft defefperé & révolté de fe voir trompé dans fes elpérances. Il en réfulte que le dégoût eft fi univerfel, que tous les Officiers, même les plus zélés, cher*
îCJi' DE S’. GERMAIN. 311
penchent à fe fouftraire à leurs férvices, ck qu’ils inventent & propofent toutes fortes ii.de moyens d’abandonner un métier qui fe; leur déplaît, parce qu’il ne leur préfente E que des humiliations & rien de fatisfai-;;;fant; que ce même , dégoût le commu-ç, nique d’eux aux Soldats, qu’on ne peut K plus parvenir à les rengager, & qu’on ^ éprouve même les plus grands obftacleS ^ à recruter les corps. L’armée qu’on es-j péroit donc de vos foins, n’exiftera que j. dans vos ordonnances, & dans la réalité le
■ Roi n’en aura point. Les freres de Sa . Majesté qui vont voyager, verront par eux-mêmes ce tableau effrayant, & les •   Courtifàns qui les fui vent, ne feront que
,   trop empreflës à le leur faire remarquer
& à en groflïr les objets. Il eft aifé de voir, Monfieur le Comte, quelles feront les conféquences dangereufes qui en ré* fulteront pour votre gloire, votre réputation & votre exiftence. Je lais que ce dernier point vous intérêt peu; mais il n’eft pas poffible que vous foyez aufïï indifférent fur le premier.
Après vous avoir peint tous les maux qui accablent dans ce moment-ci le militaire françois, en adouciflànt ce récit fâcheux autant que j’ai pu le faire fans affaiblir la vérité, permettez-moi de vous propofer les moyens de faire disparaître tous ces maux. Ils font fi fim-ples, fi fort dans vos principes, qu’il me paroît impoflible que vous vous y refufiez.
Chargez trois perlbnnes bien inftrui-tes, Monfieur le Comte, bien fideles, dévouées à votre gloire & au bien, de s’occuper dés cet inftant dans le plus grand fecret & le plus profond filençe, à raflèmbler dans un Code toutes les Ordonnances, Réglemens, Edits, Déclarations & Lettres interprétatives concernant les gens de guerre, d’après le plan qu’ils vous propoferont, ou que Vous aurez dreflë vous-même. Dans cette nouvelle rédaction des ordonnances on élaguera tous les articles prouvés vicieux ou impraticables; on y ajoutera ce qui peut avoir été oublié, & on modifiera les loix qu’on jugera en avoir
beibm. Par ce moyen vous imprimerez à votre conftitution le fceau de la fta-bilité ; & enfuite, en ne fouffrant plus ni queftions, ni infractions, ni exceptions, ni interprétations, vous impofe-rez un filence profond à tous ceux qui avec tant de railbn ie plaignent aujourd’hui, & crient au defordre & à l’in-conféquence. Mais, Monfieur le Comte, prouvez en même tems au Roi, & vous le pouvez, par un état bien détaillé & bien rationné, qu’avec les mêmes fond que vos prédéceflèurs, vous faites le fervice du département de la guerre, quoique vous ayez augmenté les apoin-temens des Officiers, la folde du Soldat & l’armée de plus de 18000 hommes, & qu’en outre vous procurez par vos opérations un foulagement de près de quatre millions au Tréfor royal. Cette vérité que peu de perfonnes lavent, a été prouvée & démontrée à M. Necker qui n’a pu en difeonvenir. Par ces divers moyens vous difliperez une cabale puis-fànte & aétive qui s’acharne à votre perte & à la deffruCtion de votre réputation.
Songez fuitout que vous n’avez pas un inftant à perdre, & qu’il eft eflèntiel que vous traitiez direétement vis-à-vis du Roi, ces grands objets. Voilà mon dernier mot, Monfieur le Comte, mèn dernier vœu ; il m’eft inipiré par le plus 'ardent defir du bien. Je n’y ai aucun intérêt perfonnel; je ne prétends pas même à la gloire d’y coopérer. Je me contenterai de celle d’avoir relevé votre courage trop abattu, & de jouir avec tous les militaires des avantages qui en réfulteront. Peu m’importe d’où puiflè partir le bien, pourvu que le bien fe faflè. Jamais la haine, l’amitié, la paffion ni la prévention n’ont eu aucun empire fur mon opinion, quand elle pouvoit intéreflèr le- fervice du Roi. - Si vous dédaignez donc d’écouter ma courageufe vérité, je me bornerai vis-à-vis de vous au plus abïblu filence; mais faites bien attention du moins que fi le défordre aétuel fiib-fifte, vous n’aurez pas même la reflbur-ce de l’affligeante juftification de vos pré-fléceflèurs, d’avoir ignoré la vérité, puis* que je n’ai ceifô de vous la dire. F in.
T A B L E.
ALPHABETIQUE DES MATIERES.
A.
Armée. Proportions qu’il doit y avoir entre la cavalerie & l’infanterie dont elle eft compofée," p. 173. On doit toujours avoir en réferve des hommes, des chevaux &c. pour remplir les vuides qui s’y font néceflàirement, 182. Avantages d’une armée complette fur celle qui ne l’eft pas, ibid. Elle doit former des divifions en tems de paix comme en tems de guerre, 236; être toujours prête à entrer en campagne au premier ordre, 237. Trente millions fuffiroient pour l’entretien d’une armée de 225000 hommes, infanterie, cavalerie, &c. 238. Les mau-vaifes mœurs & l’itreligion en doivent être proscrites. 239. Un moyen d’y entretenir les bonnes mœurs. .240. Conduite qu’elle doit tenir dans le pays ennemi quand elle eft viftorieufe. 253.
Au b an (M. de St.) avec des talens & de l’expérience eft trop attaché aux anciens ufages, 56.
Aumôniers. Pour en avoir de bons, il faut leur faire un bon traitement, 42.. Ils devroient avoir à leur tête un fupérieur qui veillât à leur conduite, 240.                     .
A y en (le Duc d’) un des huit Maréchaux de camp le plus en état de bien remplir une des places affectées à ce grade dans le Confeil de guer-te s 11&                                 , ,     . . .
B          B.
anniere a laiffé la finance dans le plus grand défordre, 290.
Bas-Officiers (les) perdent de leur ccnfidé-ration pour être trop multipliés, 75. Leur médiocrité vient de la même caufe, ibid.
Beauveau(1cPrince de)devroitêtrechoifipour Préfident du Confeil de guerre, 110. Ses qualités éminentes, ibid. On peut pour cela le faire Maréchal de france, fans faire des mécontens, 111.
Brassière (M. de la) Officier d’un rare mérite & d’une expérience confommée, 265.
Brigadiers. C’eft parmi eux qu’on doit choi-fir des Maréchaux de camp, 123.
Brogl ie (le Comte de) eft un homme à grand caraûere, 112 £f jiiiv. le fait haït des lâches & des ignorans qu’il nomme par leurs noms, 113.
Bureaux (les) font bien compofés; la plupart des chefs font des hommes de mérite, 58.
p       C
Vampemens. Méthode vicieufe dans la maniéré ordinaire de camper ,241. Autre méthode plus militaire & plus fûre, ibid. & fuiv.
Camp y. (M. de) M. de St. Germain en fait une diftinétion marquée, 58.
Capitaines; Les commiffions de Capitaines en finance aviliffent ce grade, jj. De grands Seigneurs ont fervi en cette qualité fous M. de Turenne ,72.
Castries (M. de) excellent pour être membre du.Confeil de guerre, 119. Ses grandes qualités, ibid. & fuiv.
Cavalerie, (la) Le moyen de l’avoir excellente, c’eft qu’elle foit compofée d’un même nombre d’hommes & de chevaux, en tems de paix comme en tems de guerre, 7(5. Le Roi n’en aura point qu’il ne change fa méthode de nommer aux compagnies, 77. Tous les régi-mens doivent être également compofés, 179. X/eicadron ne doit former qu’une troupe fous un chef, 181. Il féroit bon qu’il y eût dans chaque régiment une compagnie auxiliaire, 182. Com-pofition de l’Etat major, 191. De la compagnie ou efcadron colonel, 192; de la compagnie ordinaire, 193. Changemens à faire dans les armes de la cavalerie, 203 & fuiv.
Cazernes. Les Soldats ne devraient les habiter que l’hiver, 235. Ils perdent de leur vigueur d’être ainfi entaffés. ibid.
Chamissot (lé Comte de) horriblement calomnié & perfécuté pour avoir eu le courage de propofer le plan qu’on fuit aujourd’hui dans les vivres, 31.
Chasseurs, fubftitués aux troupes légères, 176. Chaque régiment doit avoir une compagnie de ChafTeurs affujettis à la même difcipline que les troupes réglées, 177.
Choiseuil. (le Duc de) Ses grands talens pour exciter le zele des Officiers, 265. Le militaire plus inftruit fous fon miniftere que fous ceux de fes prédéceffeurs & fucceffeurs, 266.
Colonels. On ne peut être trop févere & trop impartial fur leur choix, 45. Il y a plus de dé-
bouchés de Colonels dans la nouvelle que dans l’ancienne conftitution, 87. L'emploi de Colonel en fécond eft un noviciat, 180. Le Colonel commandant ne doit point avoir de compagnie ni d’efeadron, 182. Son pofte un jour de bataille, 183. La bonne ou mauvaife difeipline des régimens eft la marque la plus fûre du degré de mérite des Colonels, 272.
Conseil de Guerre, fuppofé impoffible en France par les détracteurs de tout ordre, 59. Premier projet de fon établiflement, 89-97. Second projet, 98-109. Membres dont il doit être compofé, 92. Traitement qu’il convient de leur faire, ioj. Un Confeil de guerre eût paré à tous les maux qu’effuya la france au déclin de l’âge de Louis XIV, 119. Cet Etat en a befoin plus qu’aucun autre, 121. C’eft au Confeil de guerre à infliger toute peine grave, 145. Il doit décider & régler tout à la pluralité des voix, 155. Lui feul peut donner de la ftabilité à l’état militaire, 309.
Courtisans (les) employent tous les refforts de l’intrigue pour empêcher la réforme des Carabiniers & de la Gendarmerie, 28 & fuiv. Ils ne s’occupent qu’à tromper leur maître & l’égarer pour fatisfaire leur cupidité & leur ambition, 35. Ils réuffîffent à indifpofer entièrement le - Roi contre M. de St. Germain, en lui fuppofant • -malignement le deffein de rétablir les Jéfuites en France,40; ne craignent pas d’intéreffer la bonté & la fenfibilité du Roi pour faire nommer Co-* lonels des fujets proferits par la loi même que
des MATIERES. 319
Sa Majefté venoit de ligner, 47; envahiffent toutes les places, les grâces &c, & les plus corrompus y ont la meilleure part, 54. Ils font peu propres à des fondions oh l’inftrudion eft néceffaire, J7- Les courtifans qui trompent les Rois ou leurs Miniftres font les afîalfîns des nations, 259.
Custine (M. de) excellent Colonel, 268.
D.
Décampemens. Les troupes ne font pasaffez ménagées dans les décampemens, 249. A moins d’une approche fubite de l’ennemi l’armée de-vroi.t toujours marcher une heure & demie après la générale battue, ibid. & fuiv. Ordre de la marche 250..
Dètachemens (les) font l’école où l’Officier & le Soldat apprennent à faire la guerre, 178.
E.
Ecole Militaire (!’) tient plus de l’often-tation que de l’utilité, 153. L’éducation des éleves n’eft point adaptée à leur fituation, ibid.
Entrepreneurs. On peut fe paffer d’eux, ■ 208. Ils jettent le Roi dans des dépenfes immen-fes, 209; livrent des marchandifes de mauvaife qualité, ibid. Les fournitures pour les cazernes coûtent des fommes énormes, 211 ; ainfi que les entreprifes pour les hôpitaux, 212.
Etapes (les) ne font bonnes qu’à enrichir quelques particuliers, 234. U vaudroit mieux aug-
Sîo TABLE ALPHABÉTIQUE
menter un peu la folde du Soldat, quand il eft en route, ibid.
Etat Major de l’armée. C’eft au Général à le former, 230. Il ne doit être compofé que d’hommes qui aient de grands talens & de Fer* périence, 231.
Etat Major des fortereffes (F) doit être peu nombreux dans les grandes, & un Major fuffit dans les petites, 215.
Etat Militaire. Ses qualités & fes fins, 128.' C’eft à la législation à l’animer & le vivifier, ibid. Il doit avoir des réglés fages & fixes, 130. Point de moyen plus fûr pour le bien diriger qu’un Confeil de guerre, 131. Les moeurs & la. religion font des objets trop négligés dans l’état militaire, 132. C’eft du choix des Officiers que réfulte le bien ou le mal, 133 & fuiv. L’avancement ne doit pas dépendre de l’ancienneté feulement, 134. Rien de plus pernicieux que la vénalité des emplois militaires, 135. Diftindion abufive de la grande & petite nobleffe, 136. Les honneurs & la considération doivent être la principale récompenfe du vertueux militaire, 139. Aux penfions qui doivent , être abolies, doivent être fubftituées des gratifications modérées, 140. C’eft par l’avancement . que doivent être récompenfées les aûions d’éclat, 141. Point de retraite aux Officiers qui veulent quitter le fervice, 142. Traitement qu’on doit à ceux qui ont épuifé leurs forces & leur fanté au fervice, 143. Sort qu’on doit faire aux
Soldats
dbs MATIERES. 321
Soldats qu’ils continuent à fervir après un pre» . . mier, un fécond, un troifieme engagement, & à la fin de leurs fervices, ibid & fuiv. Le fore du militaire doit être alfuré dès qu’il remplit lès devoirs, 145. Le pouvoir des Commandans pour punir doit être limité, ibid. C’eft en occupant l’Officier & le Soldat qu’on les empêche de donner dans tous les travers, 148. Une troupe bien dirigée n’a pas befoin de vivriers, 149. Abus affreux des titres k 150. Dans l’état militaire toute fuperfluité doit êtreprofcrite, 151 ; & toute oftentation, 153. La profeffion militaire exige de l’étude & de l’application, 171.
Exercices (les) trop multipliés & fujets à trop de variations, 219. Le maniement des armes, quoique peu important, ne doit pas être négligé, 220. Le point principal eft l’article du feu, 22 r. Inftruftions à ce fujet, 222-227. Il eft effen-ciel que le Soldat marche leftement, 228. Comment on doit l’y exercer, ibid.
T?
T ortïficatîons (les) font èn trop grand nombre, 213. On hè dévroit jamais permettre de conftruirè de nouveaux ouvrages fans utle néceffîté bien coûftatée, 214.
p
vJàleRes de terre (les) doivent être la peine des délits graves» non atroces, 2ji. L’établis-fement en eft peu dispendieux» & les efclaves vivront de leur travail, 252.
3» TABLÉ ALPHABÉTIQUE
Gardes extérieures, ou grand’ gardes. C’eft un mauvais ufagè de les former de piquets de cous les corps de l’armée, 244. Il feroit plus fûr & plus commode de les former par régimens ou
·         ■    par brigades, 245. Leur deftinatidn eft d’ob-ferver & avertir, ibid. Ce qu’elles doivent faire
·         ■    B elfes font attaquées, 246. Un camp eft mal gardé de la maniéré qu’on les diftribue, ibid. Méthode qu’on devroit fuivre, ibid & fuiv.
Général de l’armée (le) doit être libre de choifir fes coopérateurs, 230. Il eft défigné par l’eftime & la confiance des troupes, 232. Il ne doit pas être maître de changer l’ordre général du fervice de campagne', 240- Un de fes principaux talens eft de favoir conferver fon armée, 249.                     .
Généraux. (Officiers) Qualités qui leur font indifpenfablement néceflàires, 232. Il faut fe garder dé trop multiplier dans une armée les Généraux particuliers, 233.
Germain, (le Comte de St.) Son ftoïcifmedans l’infortune, 5 & fuiv. L’ambition n’entre pour rien dans l’acceptation qu’il fait du miniftere de la guerre, 6. Des contradictions fans nombre lui font préférer le repos, 7. Il confacre fon loifir à rendre compte du plan de fon administration, ibid. avoue qu’il a. eu tort de fe décourager, 9. Son accueil à la cour quand il eft appelé au miniftere, 10; eft tenté de fe démettre dès fes premiers entretiens avec. M. de Maure-pas, 12. Les excellentes qualité» du Roi l’em-
d E « MATIERES. 313 pêchent de lé faite, ibid. 11 commence inal le grand ouvrage de la réformation qu’il méditait» ■parce qu’il eft - trop confiant, 13. On fe fait un jeu de divulguer fes vues & de lui préparer de# obftacles, ibid & fuivv Trompé de ceux qui l’environnent, il appelle près de lui un Officier général d’un rare mérite, 14, Après un long entretien; avec cet officier, il lui demande fon avis par. écrit fur lé projet de réforme qu’il mé» dite, 15. Plan qu’il en reçoit, 16-24» .Réfolu de le fuivre, il trouve des oppofitions de toutes parts, 26. L’auteur même du plan lui confeille d’y renoncer, 27. Inconvéniens qui réfultent de fon manque de fermeté, 28» Riçn ne' lui coûte plus'd’embarr^. que l’arrangement .des Vi* vres, 29» Il nappe, le marçhé des finir âges, 33» C’eft- au moyen des changemens qu’il fait dans ces deux parties qu’il procuré aux troupes "Une augmentation de folde, 34. U foie rendre au Roi uàe ordonnance qui fupprime les Infpeûeurs, 38» L’école des aumônier s Yert de prétexte à fes ennemis pour perfuaderà Sa Majeûé. qu’il favorite leà Jéfuitesr 4©» Proteftations Contre cette calomnie, ' 41» Ne fâchant comment d^* brouiller le cahos des Colonels, il en.abandonne le foin au Prince de Montbarey, 44 & fuiv.. Le choix des Colonels lui attire des reproches fans nombre , 47. H confie l’arrangement de l’Artil-lerie-à-M. de Gribauval, 55. C’eft au corps.du Génie qu’il voudroit que fuffent affignéeslesfonc-«ions des états majors, de l’armée, 57» Il s’ap»
X a
3H TABLE ALPHABÉTIQUE
plaudit beaucoup de l'arrangement & de la com* pofition des bureaux, 58 ; il fe repent vivement de n’avoir pas formé un Confeil de guerre, 59. Changement utile dans les Invalides, 60. Il vouloit qu’on pourvût à la fubliftance des femmes & des enfans des invalides mariés, 62. Son projet pour les hôpitaux étoic différent de celui qu’il a fuivi, 63. Son arrangement pour faire un fort aux veuves des Officiers eft rejeté, 64. Moyen qu’il propofe pour avoir un dépôt de 30000 chevaux toujours prêts, 65. Sa réponfe à un mémoire d’un Officier général qui prétendoit que la compofition de la cavalerie étoit la meilleure, parce qu’elle employait plus d’officiers, 68-79. U démontre l’ignorance ou la mau-vaife foi de ceux qui difent que le Roi n’a plus d’armée après les changemens qu’il a faits, & que la noblelfe a moins de débouchés, 79-87. C’eft à lui qu’eft due la profcription de la peine de mort contre les déferteurs, 87. Il a éteint les dettes dé fes prédéceffeurs & laiffé près de .fix millions dans les cailles, ibid & fuiv. Il eft d’avis de créer un Confeil de guerre, 88. Projets en conféquence, 89-108. 11 défigne nommément les membres de ce tribunal, no4 fuiv. Ce qu’il penfe de M. leC. deBroglie, na; de M. le Mis. de Voyer, 114; de M. le Bon. de Wurmfer, ibid. Pourquoi il n’a pas débuté par l’établiflèment.du Confeil de guerre, 124 & fuiv. Il fe laiffe entraîner à la demande d’un Directeur, 12J. Mémoire qui décida le Roi à
le nommer Secrétaire d’Etat du département de la guerre , 128-254. Confeils qu’il donne à la jeune nobleffe qui fe deftine à la profeffion des armes, 254-255. Il fe laiffe trop intimider par la proteâion de la Reine, 280. La France le regardoit comme fon ange tutélaire, 307. La grande révolution qu’on attendait de lui n’a pas lieu, parce qu’il commence la réformation en détail, ibid. Cette erreur, toute grande qu’elle étoit, pouvoit fe réparer avec du courage, 308. Le premier mal eft fa manière d’opérer fur la jnaifon du Roi, mal qui s'aggrave prodigieufe-inent par fon effet fur les corps privilégiés, ibid. Foibleffe qu’il a eue de s’affocier un homme élevé dans des vues contraires aux tiennes, 309. Effets funeftes de ce choix, ibid & fuiv. Marche fîmple qu’il doit fuivre pour remédier à tout lé mal,
■Gouvernèrent intérieur des régimens.- Chaque corps de troupes doit former une famille, & fournir lui- même à tous fes befpins, 194; avoir fa caiffe particulière^ 195 i faire des réfer-ves, 197 ; & pourquoi, 198.
Gribauval (M. de} auteur de l’arrangement de l’Artillerie, 55 ; indifpenfablement néceffaire dans le Confeil de guerre, 120,
Guelb (M. de} un des officiers généraux qui manifefte plus de talons diftingués, 122.
Guider t (M. de) a le courage, malgré le danger qui en réfulte pour lui,de propofer le plan.qu’on fuit aujourd’hui pour les vivres, 30.
*3
GuiKtr (lé Duc dé) eft Un des huit Maréchaux de camp le plus capables de remplir avec fuccès Une place dans le Conleil de guerre, né.
H.
JEIaussonvie.ee 0e Comte d’) remplira avec fuccès une place de Maréchal de camp dans le Confeil de guérré, il6.
Hôpitaux militaires (les) coûtent prodigieufe-ment, 211. Dans les greffes garnirons, au lieu d’entrepreneurs qui pçnfent d’abord à faire leur fortune,.on devrait prendre un eccléfiaftique ou un religieux pour adminiftrateurs, 2x2. Dans les pétiteé, les régimens peuvent eux-mêmes foigùer leurs malades ,213,
Impératrice-Reine (F) remplace le Maré-.
‘ chai Dàun, par M. de Lafby, fans plaintes ni - réclamations, quoiqu’il ne fût pas à portée d’être Feld-Maréchal, in. Elle tire de la Hongrie des elfains de' troupes légères, auxquelles elle eft obligée d’oppofér d’autres troupes-de la même efpeçe pour îes'téprimer, 175.
Infanterie (les régimens d’) né doiv’ent être que de deux bataillons, 178. Avantages de cette réduction, ibid. Leur compofition, 185. La compagnie de Grenadiers, ibid. La compagnie
' Colonelle, ’X87; la compagnie ordinaire, i8p; la compagnie des ChafTeurs, xpo; la compagnie auxiliaire,'iàid.                             .       .
Inspecteurs. Leur principale fonction eft , lors • de leur revue, de régler avec les Colonels & les Officiers de l’état major les changemens & rem-placetnens d’Officiers qu’il convient de faire, 146 ; ils doivent auffi examiner l’état des cailles & de leurs geftions pour en rendre compte au Miniftre de la guerre, 196.
Invalides (les) trouvoient à l’hôtel la mifere & l’opprobre au lieu de I4 CQuTolation que l’Etat doit à leurs fervices, 60. C’eft l’oftentation plus que la bienfaifance qui leur a bâti ce fuperbe édifice, 153.
L.
JL a M b e r t (le Marquis de) déügné un des premiers pour être Maréchal de camp, 123.
Lettres intéreflàntes d’un Officier général, relatives à l’adminiftration militaire, avec les minutes des réponfes, trouvées dans les papiers de M. le Comte de St. Germain, 258-314.
Loix (les) doivent être bien combinées avant d’être promulguées, 267.. II. n’eft pas poffible de les faire refpecher, fi on peut leur oppofer une impoffibilité évidente de s-’y conformer, ibid. Le . peu de cas ,qu’on en fait dans la plupart des . divifions, 270. La difcipHne ne peut fe rétablir .f^ns quelque grand exemple de féyérité, 271.
Louis XIV. avoit pour Miniftres des hommes de robe, &.fon régné.fut brillant, 118. Un ÇonÇeil de guerre eût paré aux incqnvépiqps de l’aff^fe-.. ment où il tomba les dçrpjeres^ggées de fon "X4.............
régné, 119. Il mettoit plus de magnificence que d’utilité dans fes étabüffemens, 153.
Louis XVI. Qualités adorables de ce Prince, 12. On abufe de fa bonté pour lui feire facrifier le bien de fon fervice, peut-être la gloire de fon régné, aux avantages de quelques iudividus particuliers, 13. Son intention eft de réformer les Carabiniers & la Gendarmerie, & on l’en détourne, 28. Les malveillans lui donnent des impres-fions défavorables de M. de St. Germain, 29, Ce Miniftre lui propofe envain de fupprimer les grandes charges de la cavalerie,après lui en avoir démontré les abus, 35. R ai fon de foi) refus, ibid. Il jette à peine un coup d’œil fur un mémoire raifonné touchant cette fbppreffion, & perfîfte plus fortement dans fon refus, 36. Après avoir examiné & approuvé une ordonnance qui détrur-foit les abus des charges attachées à ees grandes places, il ordonne de ta fuf|)endre le jour qu’elle devoit être diftribuée, & la fuprime enfuite d’autorité, 37. H rend une ordonnance qui fuppritne les Infpefteurs, 38; On réufiit à lui perfuader que M. de St. Germain penfe au rétabtiftement des Jéïbites en France, 40. Par fon autorité absolue il fait rétablir les officiers des Gendarmes de la garde & des Chevaux-légers, fupprimés un an auparavant, 54. 11 devroit pour le bien de fon fervice ne plus exclure les Lieutenans de cavalerie & de Dragons du grade de Capitaine, 77. II eft le plus digne des Rois & le meilleur des gommes, 2jé. Un mot de fe beu-
chc ou deux lignes écrites de fa main fuffi. roient pour exciter le: plus grand zele dans fes officiers, 265. Il ne croit pas qu’il foit néceffaire de remercier un officier de ce qu’il a bien rempli fes devoirs, 269. Point de pallions à combattre en lui, 279. Toutes les vertus qui forment les grands Princes, font dans fon ame, 304.
J. o u v o 1 s. (M. de) C’eft fous fon minifiere que la France a eu la meilleure difcipline dans le militaire, & les plus glorieux fuccès, 118. Lanaturq çft avare d’auffi grands hommes, 119,
' M,
.K^aillï. (le Comte de) Meption honorable qu’on, fait de lui, 264.
Maurepas. (Iç Comte de) Portrait que foit de lui M. de St. Germain, 11.
Melin. (M.) Mention diftinguée qu’en fait M, de St. Germain, 58.
Milices, Pourquoi établies, 166. Comment on les doit'employer, 167.
Ministres (les) trouvent fans ceffe des obfta’ clés au bien qu’ils défirent foire, 8. Ils devroient fe roidir contre les difficultés, ÿ. Ils ont trop à foire pour voir tout par leurs yeux, 259, Egarés fans ceffe par les haines & les pallions de ceux qui les environnent, les injuftices qu’ils font ne doivent pas leur être imputées, ibid. Vue faute eft de moindre copféquençe pour un
çjjo TABLE ALPHABÉTIQUE
^iaiAre qu’un ridicule, 262. Son adminiftratioa ne peut être utile ni éclatante fans, l’avantage de l’ppinion pqblique, #id. Un des devoirs effentiels . d’un Mi#rç éft de juger , les hommes fins pas* fion ni, prévention, pour en donner au maître l’opinion qu'il en, doit avoir ,301.
M1 r a n, (le Marquis de) Maréchal dç camp, remplira avec fucçès. dans le Confeil dç .guerre les . fçpdion^ affectées à fon grade, 116.
,M on tb.&ps y (le Prince de) eft chargé du choix des Colonel?, 46 ; fait Directeur du.département de la guerre, 126. Danger que court M. de St. Germain en fe l’affociant, 309.
Mot. (le) Oh, quand, & par qui fl doit être donné, 244.
Musique militaire. Pourquoi introduite, 184. Abus à cet égard, ibid. Les inftrumens-doivent être très-bruyans, très-aigus & de différentes efpeces, 185.
N.
arbonne ^ritelard (M. de) a mani-. -fefté des talenç diftingués, 122.
Noblesse. Diftinétion pernicieufe entre celle de. la. Cour & celle des Provinces, 45. Celle-ci n’a rien, quelque chofe qu’elle, mérite; tandis ,que l’autre a tout, fans rien mériter, ibid. Con-feijs à .la jeune nobleffe qui fe deftine(au fervice.
Ü esM A T I E R E S. 331
0.
Officiers. Le nombre en étoit trop grand avant la nouvelle conftitution, 68. Il n’en faut que pour conduire & faire agir les troupes, 69. Le grade d’Officier perd de fa confédération pour être trop commun ,71. On n’eft pas allez difficile en France fur le choix, ibid. Du tems de M. de Turenne de grands Seigneurs étoient fim. ■pies Capitaines, 72. La multitude d’Officiers eft venue de la vénalité des emplois militaires, 73. Combien il eft effentiel de les bien choifir, 134. Qualités qu’ils doivent avoir, ibid. Dans leur état tout eft capital, 171. On ne devient bon Officier que par h pratique, 231. C'eft par la faute & le mauvais exemple des Officiers que Je Soldat s’écarte dé fon devoir, 271,
P-
Patrovuli! (les) f°nt de peu de fecours* 248.
Paul (M. de St.) de tous les chefs des bureaux le plus diftingué, réunit en- fa faveur tous les fuffrages du publics de Farinée, 58.
psziï (M. de) homme d’efprit,! intriguant ÿ dangereux, abufe.de 6 feveur pouTrembarrafler toutes les opérations qu’il tfapprQuye<pasa 32.
Président du Confeil de guerre (le) doit être un militaire confommé, 155. Il n’a qu’une voix excepté dans le cas où elles fe trouveroient également partagées, ibid. travaille avec le Roi, ibid. a droit de régler les jours où le Confeil <Joit s’affembler, & peut même le convoquer quand il le juge néceffaire, 162. Après l’avis du Confeil il préfente au Roi les papiers qui concernent les affaires qui doiveqt être portées à fa décifion, 1^4,
Prusse, (le Roi de) Ses armées n’ont une fi grande fupériorité fur celles de l’Europe que parce que fa çonftitution militaire eft la même depuis foixante ans,52. Comment il fupplée à la foiblefie de fon infanterie, 173. C’eft en prévenant fon ennpmi qu’il a eu des avantages dans la derniere guerre, 238.
Puysegur (M. de) un des huit Maréchaux de camp le plus capable de remplir avec fuccès une des places affrétées à, ce grade dans le Confeil de guerre, nff.
Réformes. Maniéré de les faire, 174.. C’eft un grand abus de réformer des corps envers, ibid.
Régi mens à privilèges (les) devroientavoir des garnifons Où ils fuflfent feuls, 276.
Reine (la) fon caraâere de bienfaifance l’entral-- ne à protéger, & quelquefois fais examen, 2.80. •Sa, gloire & celle du Roj foatinféparables, ibid,.
Rochambeau, (M. de) homme plein d’honneur, de probité &c, feroit d’une reffource pré-cieufe dans le Confeil de guerre, 121. C’eft fur lui qu’on devrait jeter les yeux, fi l’on vou-loit prendre dans le militaire un Secrétaire d’Etac raporteur, ibid.
Russes (les) ont des moulins & des fours portatifs très-commodes, 209.
S.
S A ij s (le Baron de) chargé par M. de -St. Germain de rédiger l’ordonnance du fervice des places, eft jugé feul capable de donner une forme avantageufe à cet ouvrage important, 43. On devrait l’élever au grade de Maréchal de camp, ■ 123.
Sarsfield (M. de) doit être choifi pour être un des huit Maréchaux de camp du Confeil de guerre, 116.
S® vin. (M. de) M. de St. Germain fait de lui une diftinélion marquée, 58. Si le Confeil de guerre eût eu lieu, il l’aurait deftiné à être un des raporteurs du travail des bureaux, 59. .
Soldat, (le) s’il n’eft furveillé, fe libertine, donne dans toute forte d’excès & périt ou défera te,. 169 & fuiv. Le prix de l’enrôlement doit être fixé, 201. Dans fon habillement on doit-avoir furtout fa confervation en vue, 202. if faut exercer beaucoup fes jambes, 228. Le repos le détériore & l’oifiveté le perd, 235. Il oe devroit être cazerné qu’en hiver, ibid. Il eft
·         334-    TABLE ALPHABETIQUE naturellement plein de courage, de bonne-volon* té, d’intelligence, 271.
Staïnville (le Comte de) à beaucoup d’ex* périence & de lumières, joint des talens qui doivent un jour le -conduire au commandement des armées, 120. Severe, mais jufte, il feroit un excellent membre du confeil de guerre, ibùL
T.
Troüpïs légères (les) devaftent la terre, embarraffent, affament les armées, 175. La France n’en peut avoir, ni autant, ni d’auffi bonnes que fes ennemis, ibid, Elles font inutiles les Jours de bataille, 176.
Turenne. (M. de) L’époque la plus brillantedu i militaire françois eft lorfqu’il étoit à la tête des I armées de France, 72.
·         V.
·         V.ce-Président du Confeil de guerre (le) doit être un homme de loi, 156. Ses- fonctions, ibid.
Violmenil (le Baron de) a des taleaa difon-gués & a bien fait la guerre, 122.
Vogué, (le Comte de) mention honorable qu’on en fait, 264. Son autorité méconnue, 274.
Voyer, (le Marquis de) homme à grand caractère, éclairé, brave, intrépide même, doit- un jour jouer un grand rôle, indépendamment de tout ce qu’on dit de fa morale, 114.
dss MATIERES. 335
W.
W imîfïn, un des Maréchaux- de camp dé-fignés pour remplir avec fuccès une des huit places affectées à ce grade dans le Confeil de guerre, n(5.
Wursmer fie Baron de) joint a beaucoup d’ex- • périence une valeur brillante & conftatée par beaucoup de faits, 114. De tous les Officiers-généraux il eft le plus propre au gouvernement d’une grande province, 115. Sa religion n’y doit pas être un obftacle, ibid.
E
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n<
CATALOGUÉ;'
CînipV» du Maréchal de Maillebois en Weftphalie, l’an 1741 & 174a. Celle des Maréchaux de.Broglie & de Belle-Ifle- en Bohême &en Bavière, en 1741, 1742, i?43» & celle du Maréchal de Broglie feui en Bavière, en 1743. Contenant les Lettres de ces Maréchaux & celles de plufieurs autres Officiers-Généraux, au Roi & à Mrs. de Breteuil & d’Argenfon, Miniftres au Département de la Guerre : Recueil très-intéreffant & d’autant plus digne de l’attention du Public, qu’il a été formé fur les Origi-hsux, qui fe trouvent au Dépôt de la Guerrè de la Cour de France. 12. 10 vol. Amf. 1773. à / 12- 10-0 d’Hollande.
■ ----Duc de Noailles en Allemagne, l’an 1743* Contenant les Lettres de ce Maréchal & celles de plu-fleurs autres Officiers-Généraux, au Roi & à Mr. d’Argenfon, Mtniftre au Département de la Guerre. 12. 2 vol. ibid. 1760. à                                /2-100
................ > ■ de Coigny, en 1743, 1744, ôte.
12. 8 vol* ibid, 1761.                               / 8 - 0-0
,   ......... .        1 r de Villars en Allemagne, l’an 1703.
12. 2 vol, ibid* 1762. à                               jT a - 10-0
- ——....... ■— de Marfln en Allemagne, du Duc
de Villeroy, & du Marquis de Bedma en Flandres, l’an 1704 » 3 vol, ibid. 1762. à                                   / 3 - 0 ; 0
— de Taillard en Allemagne , 1 an
1704. 12. 2 vol. ibid. 1763. À                     . ^2" Vi”-®
Hiftoire de la Guerre des Baiaves & des Romains, d après Céfar» Corneille Tacite, &c. avec les Planches d’Otto Vænius, gravées par A. Tempelta, mort en 1630. Rédigée par le Marquis de St. Simon & accompagnée de Plans & de Cartes nouvelles, fol* 1 vol» fig» ibid. 1770. à                               / 25-0-0
Hiftoire de la Guerre des Alpes, ou Campagne de 1744, par les Armées combinées d’Efpagne & de France, commandées par S. A. R. l’Infant Don Philippe & S. A. s. le Prince de Conti; où l’on a joint l’Hiftoire de Conti, depuis fa fondation, en xiao, jusqu’à préfenc, par Mr. le Marquis de St. Simon.Aide de Camp, de S. A. S. le Prince de Conti. 4.1 vol. fig. ibid. 1772. à f 6 - o - o Les Lyonnoifes protectrices des Etats Souverains & confervatrices du Genre-Humain, ou Traité d’une Découverte importante & nouvelle fur la Science Militaire & Politique. Dédié aux Rois & aux Princes, par Z. de Pazai Bonneville $ avec 10 Planches en taille douce. 8. 1 yol. 1771. à                    / 3 - ô - o
Mémoires fur les Campagne d’Italie en 1745 & 1746, auxquels on a joint un journal des mêmes Campagnes, tenu dans le Bureau de M. le Maréchal de Maillebois avec une explication de tous les paCages & cols du Dauphiné Verfants en Savoye & en Pie* mont, grand in douze, 1 yol. Amfi. 1777. à /1 1 iq.
On trouve chez MaRd-Michel Rey, Libraire à Amllerdami Phiftoire de la Campagne en 1769 entre les Rulfes & les Turcs* travaillée fur les Mémoires très authentiques; les Cartes & Plans font des copies exactes & fidelles de ceux-mêmes qui ont été dreifés alors fur les lieux par ordre du Chef commandant de l’Armée. 8vo. 1 vol. 1774. à / 6 : -
Recueil de Lettres de S. M. le Roi de Prufle, pour fervir à l’Histoire de la Guerre derniere. On y a joint une Relation de la Bataille de Rosbach, & pluGeurs autres Pièces qui n’ont jamais paru. Le tout enrichi de Notes , par un Officier-Général ail Service de la Maifon d’Autriche# 12. 2 parties 1773. à / 1 - o - 0
R R A T A.
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13 devoir -—* d’avoir.
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