1 |
allemand-francais |
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2 |
rakoczy |
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3 |
fond
diplomatique |
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4 |
saint-germain |
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5 |
melvin |
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6 |
graf |
Le comte de
Saint-Germain |
|
7 |
franciszek
rakoczy II |
et la marquise de |
|
8 |
WANCLIK |
Pompadour. Tome 2
/ par |
|
9 |
MEMOIRES
DU COMTE |
Mme D***, auteur
des |
|
10 |
UMBERTO
ECO |
"Mémoires
d'une femme de |
|
11 |
POMPADOUR |
[...] |
|
12 |
CAREER |
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13 |
DNA |
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14 |
MIROSLAW |
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15 |
FRANZ
ii |
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16 |
graf
von st germain |
|
17 |
sieniawska |
|
18 |
polish
campaign |
Source
gaNica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France |
|
19 |
korycinski |
|
20 |
rakoczi2 |
Gallica |
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21 |
profils |
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|
22 |
gallica |
Lamothe-Langon,
Étienne-Léon de (1786-1864). Auteur du texte. Le comte de Saint-Germain et la
marquise de Pompadour. Tome 2 / par Mme D***, auteur des "Mémoires d'une
femme de qualité” [É.-L. de Lamothe-Langon]. 1834. |
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23 |
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marquise
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pompadour
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st
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35 |
23
and me |
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36 |
hesse |
COMTE DE SAINT-GERMAIN |
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37 |
conde |
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38 |
immortel |
LA MARQUISE |
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graf.htm |
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Dh A. H PIN K Y . GU-le-Lcsm' , n. 3 |
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|
LE |
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|
COMTE DE SAINT-GERMAIN |
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F, T |
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LA MARQUISE |
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|
DE
POMPADOUR, |
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|
PAR Mme D***, |
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|
AUTEUR UES
MÉMOIRES u'UHE FEMME UE QUALITE . |
|
|
|
ET UE LA DUCHESSE UE FONTANGE . |
|
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|
|
|
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|
|
|
|
PARIS, |
|
|
|
LEC01N1K
El POUJG1N , tp
COBBET , aîné, libraire , quai libraires, quai des A ngustins , ^ des Au gnstin s . n°Éii, |
|
|
°° |
*' PIGOBEAL ,
libraire , place |
|
|
|
LtQUlhlV , Gis,
libraire , quai ^ Saint-Germain-l’Auxerrois r |
|
|
|
|
^ n° 20. |
|
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|
|
|
|
CHAPITRE PREMIER* |
|
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|
|
IVulli importas quod
ipse y non
possis pati, |
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Strus. |
|
|
|
JN’exigez pas
qu’un autre endure ce que vous ne pouvez vous-même souffrir. |
|
|
|
Deux choses à la cour s’allient bien 9 l’insensibilité'
envers les misérables , et la sensibilité pour tout ce qui est riche et
puissant. |
|
|
|
IL PART. |
|
|
|
|
|
|
Lorsque le comte de Saint-Germain se fat retiré, madame de Pompadour
demeura pion* gée dans une sombre rêverie.Son esprit hautain et opiniâtre
avait presqu’envie de quereller le hasard du cas fortuit qui empêchait que,
dans la glace magique, on ne pùt lire le nom du futur époux d’Alexandrine ,
ou mieux encore y voir ses traits. Par fois elle se figurait que l’accident
survenu était une ruse du comte qui T n’ayant pas la puissance qu’il |
|
|
|
|
|
|
s- ► |
|
|
|
se donnait,
s’était servi de ce moyeu pour ne pas compromettre la sienne; mais aussitôt
elle rejetait cette pensée au souvenir de tout ce qu’elle avait vu faire de
prodigieux à cet étranger. |
|
|
|
« Dans tous les
cas > se disait-elle,
qui que ma fille épouse, ce ne sera pas ce misérable polisson... Est-il
possible que , dans son audace, il ait osé lever les yeux sur elle et
concevoir des espérances. .. , et cette folle créature elle aussi.... et je
n’ai vu ce crime que d’aujourd’hui... ; allons ne perdons pas de tems ; une
bonne lettre de cachet et une prison à cent pieds sous terre ; il aura là le
tems de réfléchir. » |
|
|
|
La marquise sonna
et un domestique étant accouru. |
|
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|
Qu’on fasse venir
Collin, dit-elle. |
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Chaque fois que
madame de Pompadour voulait frapper en secret un de ses ennemis , c’était par
l’intermédiaire de son maître-d’hô- tel qu’elle arrivait au comte de
Saint-Florentin , ministre secrétaire d’état au département |
|
|
|
|
|
|
de la maison du
roi, et qui avait le dépôt de ces lettres terribles dont la venue était
toujours redoutable et qui, presque toujours, frappaient par caprice et non
par nécessité. L’habitude de charger Collin de ce soin, porta machinalement
la marquise à l’appeler dans cette circonstance où, au contraire, elle
n’entendait pas employer son aide ; car elle connaissait l'affection qu’il
vouait au jeune coupable , mais préoccupée à l’excès, ce nom auquel elle
était habituée se présenta de lui- même et lorsqu’il fut pr ononcé ne retira
pas la favorite du chaos de ses réflexions chagrines. |
|
|
|
Collin ne tarda
pas à paraître devant sa maîtresse qui, en le voyant, s’aperçut de la faute
qu elle avait faite, mais au lieu delà réparer en gardant le silence sur le
pointdont sa politique aurait dû dérober la connaissance au tuteur de Géréon;
un entrainement de colère et non moins ce besoin qui nous est si commun de
chercher autour de nous un eon- fuient du mal qui nous dévore, changèrent |
|
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6 |
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|
soudainement sa
résolution , elle dit en voyant son maître d’hôtel : |
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|
|
« Vous avez fait
de belle besogne, et j’ai de grandes actions de grâce à vous rendre au sujet
du serpent que vous avez jeté dans ma maison. /> |
|
|
|
Le ton de haute
fureur que la marquise mit à prononcer cette phrase, l’irritation manifeste
éclatant dans ses yeux enflammés, et le tremblement convulsif de ses lèvres,
de ses mains, annoncèrent à Collin, plus encore que ce qu’il venait
d’entendre, jusqu’où montait le mécontentement de la marquise. Accoutumé à
la craindre d’autant mieux qu’il la connaissait parfaitement, et d’une autre
part, ignorant de tout point à qui elle faisait allusion , il se laissa
aller à une frayeur telle que sa consternation ne se cacha pas non plus, et
se fut avec peine que, du ton le plus humble, tout en se justifiant à
l’avance, il demanda à la marquise le sujet de son mécontentement. |
|
|
|
Elle , déjà
rentrée dans le plein usage de sa raison et tandis que Collin parlait, ayant
son- |
|
|
|
S—► |
7* •<—-Œ |
|
|
|
gé combien il
était important à ses intérêts d’ensevelir sous un profond silence tout ce
qui l’irritait à Texcès, se détermina, non à donner à Collin la mission de la
débarrasser de son pupille, ce qui ne pourrait avoir lieu qu’en lui apprenant
la faute énorme de ce dernier, mais à se contenter de baser laplainte sur la
hardiesse avec laquelle Géréon lui aurait répondu, et reprenant la parole : |
|
|
|
« Oui, dit-elle
vous êtes coupable, et je le suis peut-être avec vous d’avoir souffert et
vous de m’avoir demandé l’admission, parmi mes commenseaux, de ce jeune
insensé dont l’arrogance n’a pas de bornes. .. écoutez moi bien, je ne peux
désormais supporter la présence de Géréon, il faut que, sans retard , il
s’éloigne, je veux qu’il parte. » |
|
|
|
Collin , surpris
de ce changement soudain de volonté, mais remis en partie de son trouble ,
répondit avec autant de respect que de soumission que madame la Marquise
serait obéie. |
|
|
|
« Oui, la chose
doit avoir lieu, reprit celle-là, et le plus tôt sera le mieux; puisque le
bâtard a le goût d’aller courir les aventures , laissons-lui en la liberté;
qu?il sorte de
France , qu’il aille où bon lui semblera, je lui laisserai carte blanche;
mais le supporter plus long temps dans mon intérieur , non ! je le trouve
toujours en opposition à ma volonté ; son obéissance est tellement insolente
qu’il semble m’accorder une grâce et non faire comme tout le royaume ; c’est
un monsieur si audacieux !» |
|
|
|
Collin se contenta
de dire que Géréon était bien jeune pour qu’on l’abandonnât ainsi ; que
puisque Madame ne voulait pas qu’on le plaçât dans l’intérieur, soit en une
charge de finance ou dans un grade militaire, il fallait qu’elle consentît à
ce qu’un gouverneur lui fût donné. |
|
|
|
(( L’avez-vous
tout prêt à prendre cette fonction ? |
|
|
|
» — Non Madame. |
|
|
|
» — Eh bien ! il
ne me plaît pas de l’attendre; il faut demain que Géréon ne soit |
|
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9 |
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|
|
pius à Versailles,
et après-demain à Paris. Qu’il passe la frontière, qu’il s’en aille en Itar
îie, on fera courir après lui ce mentor dont sans doute il ne tardera pas à
secouer le joug. C’est un esprit si orgueilleux. |
|
|
|
» — Madame sera
obëie selon sa volonté, dit Collin, tout en éprouvant un chagrin extrême;
car il aimait tendrement son pupille, mais qui pouvait concevoir l’idée de
résister en face à la marquis lorsque son courroux éclatait avec tant de
violence ? Madame , poursuivit ce serviteur craintif, ne vo udra-t- elle pas
permettre que ce jeune homme, en prenant congé d’elle la remercie des bontés
qu’elle a eues pour lui ? |
|
|
|
« — Moi I le voir ! |
c’est inutile |
|
|
|
qu’il parte chargé
de mon mécontentement., néanmoins.. .Collin, vous serait-il agréable que je
le visse ?..<il est certain que puisqu’il nous quitte sans retour .. je
peux... allons Collin, vous abusez de ma faiblesse pour vous. |
|
|
|
» — Je vais aller
chercher ce malhemeux |
|
|
|
10 |
|
|
|
disgracié, et veux que,
devant moi, il demande pardon à Madame. |
|
|
|
» — Lui !
descendre jusque là ! oh ! vous connaissez mal ce superbe caractère ; vous ne verriez que sa rudesse
inflexible ; je consens à le voir, mais seul. Allez, mon ami. » |
|
|
|
Le maître d’hôtel
s’éloigna le cœur brisé ; un soupçon vague lui faisait pressentir que le
châtiment dont on frappait son pupille partait de plus haut que du besoin de
le punir de ses manières indépendantes ; qu’un motif plus direct, plus intime , avait allumé le
courroux de la marquise, et si la perspicacité du tuteur alla jusqu’à
l’entrevoir, il en fut si fort épouvanté qu’il ne voulut pas se l’avouer à
soi-même et qu’il se contenta de croire que la marquise, en frappant d’exil
Géréon , le punissait uniquement de sa roideur et de ses caprices. Il
s’éloigna pour aller à la recherche de celui-là , tandis que madame de
Pompadour s’admirait de la magnanimité avec laquelle sa clémence pardonnait
à un audacieux. Elle se flatta que le jeune homme ne |
|
|
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|
reparaissant pas
devant Alexandrine , n’en-» tretiendrait point cet amour .allumé par le seul
fait de sa présence, et que, de l’autre, sa fille ne concevrait plus la
possibilité d’un refus. |
|
|
|
II est étrange
avec quelle facilité ceux en possession du pouvoir se figurent que, pour que
tout aille selon leur fantaisie,il ne s’agit ([ne de développer leur volonté;
dès lors, selon eux , les événemens, la fortune, les décrets de la
providence, la fatalité, qui est presque toujours l’expression de cette
dernière, doivent se ranger suivant leur caprice. Ils commandent, puis
s’arrêtent et se reposent et lorsque ce qu’ils attendent n’arrive pas,
lorsque l’ordre céleste contrarie le leur, et lorsqu’ils s’en aperçoivent,
soudain leur irritation se change en démence, et c’est contre Dieu même
qu’ils osent combattre. La dé-, faite n’est pas incertaine, ils tombent dans
les filets où ils se flattaient de prendre leurs ennemis. |
|
|
|
Sur ces
entrefaites, la maréchale de Mirepoix arriva. Dès qu’elle eut été annoncée, |
|
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|
la marquise
remonta son visage au ton de l’indifférence ; c’est un travail si journalier
à la cour , et tellement d’habitude, qu’il n’est plus une gêne, et , ■
pendant la violence des angoisses qui brisent un cœur, la physionomie
conserve une sérénité contre laquelle se brise l’investigation maligne du
courtisan curieux. |
|
|
|
« Eh bien ! ma
chère amie, dit la petite maréchale ( c’était le sobriquet qu’on lui donnait
à Versailles ), c’est donc demain que Ravaillac second saute le pas ? On
prétend |
|
|
|
que, pour lui, la journée sera
rude |
le |
|
|
|
monstre, qu’il
mérite bien les tortures dont on le punit ! ! ! |
|
|
|
» — Est-ce demain ? demanda la marquise, Oh ! comme le tems
passe , il semble à mon cœur que c’est hier que le roi a été frappé. |
|
|
|
» — Et au mien ,
je fus prête à mourir de chagrin... ; tuer un roi, est-ce possible..? |
|
|
|
» — On en tue,
c’est certain , et voici le troisième en France, et
dans moins de deux cents ans, |
|
|
|
» — Cela fait frémir, quand on y pense, Le meurtre d'iin roi,
c’est plus que la mort d’un homme... A propos! ne pensez-vous pas que ce
spectacle de demain sera-très curieux... n’avez-vous à ce sujet, aucun plan
arrêté ? |
|
|
|
» — Moi, aller voir le supplice de ce scélérat. |
|
|
|
» — Par amour du roi, ma chère. |
|
|
|
» — Fi ! l’horreur ! ! |
|
|
|
» —Je vous en demande pardon,
mais nous nous avons avec la maréchale de Luxembourg, le chevalier de Coigny
et le comte de Senne- terre fait la partie d’aller à la Grève passer une
heure ou deux ; nos préparatifs sont faits, une chambre est louée , on y a dû
porter aujourd’hui , de quoi faire collation et toutes sortes de
confortatifs ; car, certainement, nous aurons , madame de Luxembourg, ou
moi, des attaques de nerfs, cela sera atroce*., je vous en rendrai compte |
venez avec nous... |
|
|
|
H |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Un bon déguisement
comme le nôtre , ce sera charmant ; nous rirons , ferons des folies. .. Ah !
quand on aime le roi comme il est adoré de nous tous , rien ne coûte pour le
prouver. Amenez l’abbé de Bernis, il nous lira ses vers. |
|
|
|
)> — Je ne veux
pas demain quitter Versailles ? répondit la
marquise; le roi réclamera tout le jour ma présence , et ce souvenir du
péril qu’il a couru... |
|
|
|
)) —J’en suis fâchée, vous auriez été l’âme de notre charmante
partie, et vous savez le proverbe plus on est de
jous |
|
|
|
» — Grand merci,
maréchale, du titre que vous nous donnez libéralement à madame de Luxembourg
et à moi. |
|
|
|
— Ne me mets-je
pas en troisième ? |
|
|
|
» — Oh! si c’était
en première, vous auriez encore une place plus convenable. |
|
|
|
» — Je vous fais
rire, tant mieux; la journée de demain répand sur le château une tristesse
toute de souvenir; on y est aujourd’hui tellement sombre.quant à moi, je |
|
|
|
|
|
|
15 «-« |
|
|
|
vois toxit en noir...
;si nous allions à la promenade ? |
|
|
|
» — Je ne peux
encore, j’attends une visite. |
|
|
|
» — Quel
ambassadeur ? |
|
|
|
» — Un polisson,
un enfant qui s’en va de ma maison ; vous l’avez aperçu peut-être, le pupille
de mon maître d’hôtel. |
|
|
|
» — Je ne vois ici
que vous, chère marquise; les autres, je leur applique ces vers de Mardochée
dans Esther : |
|
|
|
Sont tous devant mes
yeux comme s’ils notaient pas. |
|
|
|
Cette flatterie
alla droit à son but; Madame de Pompadour en sourit de contentement, et la
petite maréchale poursuivit : |
|
|
|
« Cependant, il me semble que j’ai entrevu ce jeune homme,
une seconde, en manière d’éclair ; oui, un bambin qui servait à l’amusement
de la séduisante Alexandrine. |
|
|
|
La marquise
tressaillit. |
|
|
|
» — Quand
mariez-vous cette beauté cé- |
|
|
|
|
|
|
16 |
|
|
|
leste ? A quel
heureux du siècle la destinez^ vous ? Que n’ai-je un fils !... Ma chère amie,
dit encore la maréchale, en baissant la voix et en prenant un air piteux ; je suis de plus en plus
malheureuse, le jeü, les fantaisies me ruinent; ma position est à plaindre,
le roi ne pourrait-il pas venir à mon secours ? |
|
|
|
» —■ Il n’a
pas un sou, à ce qu’il me jure, répondit la marquise, en riant, et l’autre
jour, ayant à récompenser une personne de son intérieur, il n’a trouvé dans
sa bourse que cinq louis ... ; mais voyez le contrôleur- général , et si la
somme n’est pas trop forte je lui parlerai. |
|
|
|
» — Hélas ! une
misère t
trente-six mille francs ! |
|
|
|
» — Cala ne vaut
pas la peine de se tourmenter, soyez tranquille, je veillerai à ce que Moras
( le contrôleur-général) ne vous fasse pas attendre. |
|
|
|
» — Vous etes divine , s’écria la maréchale, en embrassant
avec vivacité Madame de Pompadour ; grâce à vos bontés,
j’irai de- |
|
|
|
|
|
|
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|
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|
|
|
|
|
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|
|
|
|
|
|
a—>- 4 7 <—® |
|
|
|
- |
P |
|
|
|
main tranquille à
la Grève- Je mourais dë peur d’y paraître maussade ; et, en vérité, sans
vous, je n’aurais pas été bonne à jeter aux chiens. » |
|
|
|
La conversation
fut ici interrompue par la vivacité avec laquelle Géréon entra dans la
chambre dû côté de l’extérieur de l’appartement. Madame de Mirepoix en
poussa presqu’un cri de frayeur ; la marquise, qui avait eu sa part
d’épouvante, dit à Géréon avec aigreur. |
|
|
|
«■ Vous ne
changerez donc jamais, turbulent que vous êtes ? |
|
|
|
Elle allait poursuivre le cours de ses reproches , mais un
regard jeté sur les traits décomposés du jeune homme la rendirent muette ; un désespoir amer, une
impatience non retenue, un orgueil offensé dans ce qu’il avait de plus cher
; tout cela se peignait à la fois dans la personne de Géréon, et sans
donner de son côté à la marquise le tems de poursuivre, si elle l’eût
voulu. |
|
|
|
|
|
|
|
|
s |
|
|
|
rc Est-il vrai, dit-il
, (¡ue madame me chasse à l’instant même ? » |
|
|
|
Gela fut dit, non
avec une modestie chagrine, mais avec une hauteur superbe qui étonna madamee
la maréchal de Mirepoix, et qui, si elle irrita la marquise, lui inspira en
même tems une sorte de frayeur: les âmes opiniâtres n’aiment pas à se heurter
contre les âmes énergiques; c’est un contact qu’elles redoutent toujours, en
raison du sentiment intime de leur propre faiblesse; elles peuvent bien la
déguiser en face des in- différens, et lui donner tantôt les apparences du
courage, mais la chose ne peut être ainsi, là, où une fermeté véritable leur
est opposée. |
|
|
|
Madame de Pornpadour,
néanmoins, sans iai^ser voir ce qui l’agitait : |
|
|
|
« Passez dans mon
cabinet de travail, dit- elle, attendez que je vous rejoigne, et croyez moi,
modérez-vous d’abord ; cette brusquerie, cette audace vous seront nuisibles;
vous ne trouverez pas toujours pour les supporter l’indulgence pernicieuse
dont on vous a |
|
|
|
\
9 e |
|
|
|
donné tant de
marques et dont vous n’avez cessé d’abuser. » |
|
|
|
Aussitôt que
Géréon eût obéi, tout en manifestant combien peu cet acte de soumission lui
était agréable, la maréchale de Mirepoix s’adressant à la marquise de
Pompadour. |
|
|
|
« Ma belle amie, quel est donc le nom de prince de ce petit
monsieur ? malpeste ! comme il a le propos hautain ! appartiendrait- il par
quelque bout à la famille royale ? |
|
|
|
» — Vous voyez lui
fut-il répondu, l’effet d’une sotte éducation. On a aidé ce caractère à se
développer en insolence et contentement de soi-même.. . quant à ce qu’il est,
voici son histoire |
|
|
|
Et la marquise
répéta de point en point ce qu’elle savait. |
|
|
|
« Ainsi donc il
est comme tombé des nues ? |
|
|
|
» — Oui, à peu
près. |
|
|
|
» — Sans parens et
sans noms ? |
|
|
|
» — Tout lui
manque. |
|
|
|
» — Hors
l’essentiel, madame, ajouta la maréchale en faisant la révérence; un bâtard |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
avec un million
d’argent comptant, larde peu à se procurer une famille , des amis et une
patrie. |
|
|
|
« —Voilà bien comme vous êtes, dit la marquise en affectant
de la gaîté , si vous eussiez vécu au tems de Moïse, le veau d’or vous
aurait compté parmi ses adorateurs. |
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)> — En
doutez-vous ; à tout seigneur , tout honneur. Et un porc lui-même formé de ce
beau métal.. ..ne m’accusez pourtant pas d’avarice , mais j’ai les mains
percées. |
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» — Oui, en
manière de tonneau des Da- na'ides. |
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» — Marquise, vous
connaissez aussi bien que moi la fable et l’histoire ; mais que comptez-vous
faire de ce seigneur suzerain de trois cent mille écus
? |
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» — Un ingrat ! la
chose est accomplie. Il me quitte demain et va courir le monde. |
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» — A la recherche
de son père peut-être ? |
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« — Oh ! peu m’importe^ il part, je ne vais pas au-delà ; mais, permettez que j’aille
lui donner son audience de congé. » |
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Madame de
Pompadour, après cette politesse d’usage, passa dans son cabinet de
travail. Géréon ne l’entendit pas venir, à tel point il était occupé à
contempler une gravure qui représentait Alexandrine en costume d’amour. Elle
était là souriante, tandis qu’avec un de ses doigts elle éprouvait la trempe
d’une flèche. L’artiste voulant plaire à madame de Pompadour, avait épuisé
son talent à cette œuvre remarquable. Il s’était surpassé. La ressemblance
parfaite, le moelleux de la taille, la perfection du dessin devaient plaire
aux amateurs, combien plus encore ils charmaient un amant tel que Géréon,
Celui-ci examinait avec toute son attention, des traits si bien exprimés et
empreints profondément dans son propre cœur. Ses sentimens se peignaient sur
sa physionomie, et si, jusqu’à ce moment, la marquise n’eût pas soupçonné la
passion qu’il éprouvait pour sa fille, elle l’aurait devinée à la seule
manière dont il examinait ce portrait. Ce que ressentit la,, |
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mèï'e
d’Alexandrine fut étrange ; il y avait sans doute de îa colère dans ce
sentiment, et néanmoins elle éprouvait une satisfaction secrète du pouvoir
de la beauté de sa fille. Mais lorsqu’elle vint à se rappeler qu’Alexandrine
partageait l’amour du jeune téméraire, toute son indignation se ranima , et
s’approchant de l’enthousiaste, elle posa la main sur son épaule. |
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« Géréon , dit-elle, avec sécheresse , vous partirez demain î |
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» — Non,
madame,répondit-il froidement. |
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» — Et quel jour
donc, daignerez vous commencer votre voyage ? demanda la marquise en
feignant de se méprendre comme s’il ne se fût agi que d’un délai réclamé par
le jeune homme. |
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M — Quel jour ! repartit-il, je l’ignore. Je sortirai de chez
vous puisque cela vous convient, mais m’en aller, je ne le peux. |
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» — Et pourquoi? dit la marquise frémissant de colère. |
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23 |
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» — Si vous aviez
voulu consentir naguère à mon envie, j’aurais exécuté le plan que je m’étais
tracé, mais lorsque vous me chassez à la manière des laquais qu’on met à la
porte, je dois prouver par ma conduite ultérieure à ceux qui me connaissent
que c’estsans motif que je suis congédié. |
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» — Sans motifs,
oseriez-vous le dire ? répliqua madame de Pompadour en élevant la voix;
oserez-vous le croire; ne suis-je point en droit de vous congédier? qui me
force à garder chez moi un présomptueux, empressé à toujours me déplaire,
dont robstination arrogante est invincible, qui n’écoute aucun avis, ne
respecte rien , qui mérite les reproches les plus amers et le châtiment le
plus terrible ? |
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» — Moi? Madame. |
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* — Oui, vous ! |
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» — Quel est mon
crime? est-ce de n’avoir voulu porter d’autre joug que celui de l’amitié, de
m ètre refusé à ployer en esclave, |
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sous le pied dont
on prétend écrasermon front; ai-je jamais rien refusé à la prière, au désir
exprimé devant moi ? mais , quand avec des formes impérieuses, on me disait
drôle, marche, je me retirais dans ma juste fierté. Si ce sont là des crimes
je m’avoue coupable. Il eût été facile de me conserver innocent. |
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» — Je ne daignerai pas entrer en discussion avec toi,
répondit la marquise en revenant à la familiarité par excès de
mécontentement , ni soulever le voile dont tu recouvres ton ingratitude;
qu’il te suffise desavoir que je ne suis la dupe ni de famour-propre
impertinent, ni de l’hypocrisie. Tu sais de quoi tu t’es rendu principalement
coupable, cela me suffit pour qu’en toi ma rigueur soit justifiée. Ecoute,
Géréon, et pèse bien mes paroles , les dernières que je t’adresserai, la
planche de salut que je t’offre, et malheur à toi si tu ne la saisis pas.
Demain tu quitteras Versailles ; tu t’arrêteras un jour à peine à Paris. Tu
partiras aussitôt pour Y Italie que tu |
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»■ -v 25 |
« |
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parcoureras à
volonté. Là, tu seras sous la protection spéciale des ambassadeurs français
; je m’engage à ce qu’elle ne te manque pas; mais si tu persistes à lutter
contre moi, le combat sera bientôt terminé et ton voyage non prolongé au-delà
des tours de la Bastille ; choisis maintenant ; mais choisis bien, car dans
l’un ou l’autre parti que tu accepteras, je ne manquerai à aucune de mes
promesses. » |
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Le début du
discours de la marquise avait d abord frappé Géréon droit au cœur. Cette
manière mystérieuse de l’accuser lui était claire, et cependant il voulait en
douter encore ; il ne le put plus, lorsque , continuant, elle lui eût offert
une double alternative , l’exil ou la prison qui, par sa rigueur, annonçait
combien la favorite était irritée ; il eut un instantce téméraire jeune
homme, la frénésie de se révolter ouvertement contre un pouvoir irrésistible,
mais une réflexion prompte lui en démontra la folie, et, à sou |
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tour déterminé à
ne céder qu’après avoir tenté de saisir la victoire, il répondit : |
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« Je céderai
Madame, ma vue vous est importune, je vous en débarrasserai; je suis venu je
ne sais d’où, vous me rejetez dans la solitude du monde, soit : vos désirs
seront satisfaits. Demain vous ne me verrez plus. Le reste me regarde; mais ,
ajouta-t-il, en rougissant malgré les efforts qu’il faisait pour se
maintenir impassible, me permettrez-vous de faire mes adieux à votre fille ;
elle a toujours eu pour moi de l’amitié; notre enfance a été si douce !. . . |
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» — Non ! vous ne
la verrez pas. |
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» — Adieu, Madame,
dit Géréon en dé- voram ses larmes, je vous remercie de l’hospitalité que
vous m’avez accordée; vous n’avez pas voulu qu elle m’inspirât les sentimens
d’un fils. » |
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Et en achevant de
prononcer ces dernières paroles, Géréon sortit aussi impétueusement |
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»--► 27" |
^ |
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qu’il était entré
; la marquise demeura immobile , préoccupée, et le suivit du regard; puis
s’écria : |
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» Quelle tête ! » |
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11 aurait mieux valu
dire quel cœur ! |
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» *• 29 * a |
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CHAPITRE II |
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30
«-« |
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Lorsque Rome
brûlait , Ne'ron chantait les plaisirs sur sa lyre. |
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VotTAiRE , Correspondance. |
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L’amour et la
jeunesse ont la même imprudence , et quand ils ferment les yeux , ils
s’imaginent que tous les autres sont aveugles comme eux. |
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5 |
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Le lendemain, tandis qu’une portion de la bonne compagnie
courait déjà de grand matin à la sanglante tragédie où Damiens, le régicide,
jouerait le premier rôle, la marquise de Pompadour se levait fatiguée,
chagrine , elle avait mal dormi, des songes pénibles ayant troublé son
repos. Tant que la nuit dura, elle vit Géreon braver sa colère, et entraîner
Alexandrine dans un abîme où tous les deux tombaient, et d’où le comte de
Saint- |
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|
Germain les
retirait défigurés horriblement. D’autrefois, Damiens, délivré de ses fers,
de ses bourreaux, retournait furieux à Versailles, et plongeait un couteau
acéré dans le cœur, non du roi de France , mais de la fille de la favorite.
Celle-ci s’éveillait palpitante, baignée de sueur, et ne se rendormait que
pour se retrouver en présence de ces funestes images. |
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Dès que ses femmes
l’eurent habillée, elle demanda son maître-d’hôtel. Madame du Hausset lui dit
que , depuis quelque tems, il était dans l’antichambre, à attendre ses or |
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dres ; on l’appela, il vint, et à la douleur profonde qu’il
laissa voir , la marquise devina que Géréon avait obéi ; elle renvoya son
cortège ordinaire, et demeurée seule avec Collin. Eh bien! dit-elle,
qu’est-il arrivé? |
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— Ce pauvre
enfant, dès avant le jour, a pris la route de Paris, décidé de sortir de
France dans le plus bref délai possible ; je lui ai voulu donner un
domestique, pour le suivie, il m’a supplié de n’en rien faire; j’ai |
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insisté, il s’est
tu, je lui ai remis mille louis, pour ses premiers besoins, et l’ai prévenu
qu’à son arrivée à Turin, il trouverait des lettres de crédit, pour des
sommes plus considérables. Tout cela ne l’a point occupé, il a gardé le
silence, m’a embrassé en pleurant ( c’était hier au soir que ceci avait
lieu), et est entré dans sa chambre. Ce matin, on ne |
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jT' |
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l’y a pas trouvé.
Ce billet placé sur son lit, non défait, a été son adieu. » |
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Et Collin se
détourna, pour essuyer ses larmes; la marquise, en même teins, saisit le
papier qu’il lui présentait, et mettant de l’avidité à le lire, sembla
vouloir y reconnaître ce que Géréon n’y avait pas mis. |
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|
|
a Mon père
d’adoption, je ne vous quitte » pas ; on me chasse : je cède à la violence, a mais en protestant contre la
tyrannie : mon » cœur est brisé... où vais-je, je n’en sais rien... ce serait
par trop de lâcheté si je ré» glais mon itinéraire, sur celui tracé par un » insupportable
despotisme... Je fuis, c’est » tout ce qu’on veut, sans doute..., je ne vous |
|
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á¡¡— >» |
|
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|
» oublierai
point.. .;enfantobandonné,jeren- » tre dans le droit de ma liberte...; adieu, » ne me faites
pas chercher, on n’arriverait » à moi qu’en m’arrachant la vie; adieu , »
adieu... Géréon. » |
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|
|
« Quoi! dit la
marquise, avec un sourire amer, rien pour moi, l’ingrat...! » |
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|
C’est ainsi que
l’égoïsme se plaint du fruit de son propre ouvrage. |
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» Il est parti,
poursuivit-elle, et en enfant de mauvaise humeur, nous aurons de ses
nouvelles, lorsqu’il aura fini son dernier écu. Allons, Collin, soyez moins
triste, on dirait que vous m’avez perdue. » |
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|
|
Ces mots prononcés
avec l’accent du reproche, intimidèrent le tuteur de Géréon, il s’excusa
d’une faiblesse pardonnable, prétendit-il, à cause de la longue habitude qui
le liait à cet étourdi. |
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« Oubliez-le, comme il le mérite; mon affection vous reste,
c’est un dédommagement qui peut vous consoler. » |
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Ce fut avec des
exclamations de surprise |
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s—]► 5 5 |
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fet de
reconnaissance que le thaï tre-d’hôtel. |
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r |
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surmontant son
chagrin, répondit à la marquise; il savait combien pour se maintenir dans sa
faveur, il fallait se montrer dévoué à sa personne, et il se conforma* eh
cette circonstance à l’étiquette de la maison. |
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|
|
Ceux que la
fortune élève , se plaignent lorsqu’ils sont retombés à leur premier niveau
, de ce que , pendant leur puissance, la flatterie les trompait et les
maintenait dans un aveuglement continuel; ils ne veulent passe rappeler
qu’eux-mêmes ont provoqué ce mensonge permanent , en exigeant, non du
respect,, mais de l’idolâtrie; en voulant être toujours adorés, en
poursuivant de leur haine quiconque leur parlait vrai et tâchait de les
retirer de cette route dans laquelle ils prétendaient se maintenir ;
peuvent-ils justement accuser autrui , lorsque seuls, ils ont tissé le filet
dont on les a enveloppés. |
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|
La marquise, plus
que tout autre aurait |
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pu s’appliquer la
maxime d’Orosmane dau^ Zaïre , |
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Je me croirais haï
d’être aime' faiblement. |
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Et attendu quelle
n’aimait personne, elle était plus entière à prétendre à l’amour de chacun.
Les démonstrations de Collin la contentèrent; elle lui recommanda ensuite
d’attendre, pour annoncer au reste de la maison que son pupille ne
reviendrait plus, quelques jours encore, et faisant cette injonction , elle
portait son idée sur Alexandrine, |
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|
|
à qui il fallait
ménager l’étendue de cette nouvelle qui, peut-être, la frapperait
douloureusement. |
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Mais, Madame de
Pompadour s’y prenait trop tard ; la disgrâce de Géréon était connue ; déjà
la femme de chambre d’A- lexandrine le lui avait conté; la pauvre enfant,
frappée de douleur, n’avait pu venir ce malin selon sa coutume embrasser sa
mère, et celle-ci trop préoccupée, ne s’en |
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était pas encore
aperçue, mais la pensée lui en vint aux humbles excuses que Collin lui
adressa relativement à un fait accompli. Les domestiques, depuis le point du
jour, savaient que Géréon ne reparaîtrait plus. |
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« Et sans doute
que ma fille sait déjà qu’elle a perdu le compagnon de son enfance... ?
j’aurais voulu la préparer à ce léger chagrin ; mais puis que le mal est
fait, vous pouvez aller à vos affaires, mon cher Collin , poursuivit-elle.
j) |
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|
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Le
maître-d’hôtels’éloigna, et, en même tems, Àlexandrine qui sentait la
nécessité de se présenter devant sa mère, entra, mais non pas avec sa gaîté
accoutumée ; il était aisé de reconnaître que naguère* encore elle versait
des larmes, et qu’un sombre nuage couvrait son front. La marquise, à cette
vue, prenant son parti. |
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« Te voilà bien
chagrine, mon enfant, dit-elle, Géréon nous a quittés, il ne faut s’en
prendre qu’à lui, qu’à ce caractère indomptablej’aurais souhaité qu’il ne |
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58 « |
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nous délaissât
jamais, il s’est opposé à mon désir, tu as raison dele regretter; c’était top
ami.... le monde te présentera des distractions, il te reste une mère
tendrement attachée à te procurer le bonheur. » |
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Alexandrine aurait
pu répondre que ce bonheur aurait été facile à lui accorder, puisqu’il eut
suffi de la présence de Géréon ; mais déjà remplie de défiance à l’égard de
sa mère, et voyant avec quelle vivacité celle- ci avait congédié Géréon,
Alexandrine n’eut que des larmes pour réponse ; on ne l’en gronda point, la
prudence de la marquise comprenait que toute opposition à ce premier moment,
serait plus pernicieuse qu’utile, et qu’il fallait laisser s’épuiser ce
désespoir qui, à cet âge, dure si peu. |
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Alexandrine , de
son côté, essaya de le vaincre, du moins en apparence. Plus l’amour prenait
de la force au fond de son cœur , moins il tendait à se manifester encore.
Une pudeur naturelle au jeune âge et à l’innocence, ne lui permettait pas |
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®~>r 39 |
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d’éclater dans
toute son énergie; Alexandrine, d’ailleurs, ignorait ce qui s’était passé,
ne pouvait croire, quoiqu’on put lui dire, que Géréon ne reviendrait plus, et
tant qu’elle conservait cette espérance, convenait- il de se désespérer
entièrement ? Elle se fit la promesse que, d’aucune manière, oti
n’obtiendrait d’elle un acte contraire à ce qu’elle avait juré à son ami,
et, plus calme, une fois cet engagement pris, avec sa propre volonté, elle
essaya de sourire ; l’effort lui fut pénible, elle y parvint néan moins, et
sa mère alors pleinement trompée, s’applaudit delà manière dont elle avait
dénoué une intrigue qui n’aurait été à craindre que parce qu’on aurait
souffert qu elle se développât en paix. Le reste de la journée s’écoula
tristement; on ne s’occupait à Versailles que du supplice de Damiens ; les
moindres particularités avaient été réglées avec l’exactitude d’une cérémonie
de cour, et le programme des tortures relié en maroquin rouge, fut présenté
au roi de France à son lever. Un autre prince |
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que Louis XV,
aurait repoussé avec indignation un pareil cadeau, mais lui, s’ennuyait
tant, trouvait îa vie si longue, qu’il se sentait porté de reconnaissance
envers tous |
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s |
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ceux qui
cherchaient à le distraire, ne fût-ce que pour un moment ; or , les détails
d’un supplice aussi atroce, avaient au moins le mérite de ïa nouveauté. On
trouvait là comment Damiens subirait un supplément de tortures, ce qui
constituerait l’acte d’apiende honorable qui devait être fait, selon
l’usage, à laporte de l’église de Notre-Dame, la route que le patient
suivrait pour aller de la Conciergerie à la place de Grève et sans oublier
le nombre de médecins chargés de constater le degré des souffrances
préparatoires que Damiens pourrait supporter. La description de l'échaf- faud
était là aussi, et le nombre de chevaux demandés pour écarteler ce misérable
; que la main droite de celui-ci qui avait frappé le seigneur roi , serait
d’abord brûlée dans un feu de souffre, avec le couteau parricide qui y serait
solidement attaché, qu’en suite on le tenaillerait tant de fois aux bras, aux
mamelles, aux cuisses, aux jambes et les tenailles rougies à blanc ; que
puis on verserait tour-à-tour dans ses blessures ouvertes , le plomb fondu,
l’huile bouillante , la résine, la cire, et le souffre en liquéfaction; que,
lorsque ces préliminaires
seraient achevés , Damiens attaché par les quatre membres aux chevaux amenés
à cet effet, serait écartelé, jusqu’à ce que mort s’en suivit; et qu’enfin
pour terminer, ses membres détachés du tronc et celui-ci avec, seraient
consumés dans un bûcher allumé tout auprès. |
|
|
|
A voir l’attention
que mit le monarque à lire ce progamme, on aurait pu croire qu’il le trouvait
consigné dans une chronique du onzième siècle, et que le fait augmenté par
l’imagination bizarre du moine auteur, s’était passé chez un peuple barbare
; non, la chose, au contraire avait été méditée en France par des hommes
éclairés et à une époque de civilisation avancée. Le roi ne se sentit point
porté à user de clémence pour abréger au |
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J1 |
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^—VS |
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moins ce
cérémonial atroce, il se contenta de dire : |
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« Il paraît qu’il
en sera pour ce monsieur,
tout comme il en a été pour Piavaillac ! » |
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Et ceux qui
étaient là admirèrent 1 érudition du roi de France. Celui-ci se mit à dire à
madame de Pompadour que le tems lui serait plus agréable à passer au petit
Trianon ; que,
d’ailleurs,il avait médité la nuit précédente sur une façon toute nouvelle
d’aprêter des pigeons au basilic, et qu’il avait de l’impatience à voir si
le succès répondait à la théorie de son travail. |
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Louis XV possédait
peu de talens , mais il se croyait cuisinier. Ce rôle bizarre en un puissant
monarque , il le jouait avec plaisir. C’était communément au petit Trianon
qu’il venait de faire bâtir, ou dans les petits apparie me ns de Versailles
qu’il se livrait à sa récréation favorite; on établissait une table , des
fourneaux portatifs ; on plaçait dans des corbeilles recouvertes de taffetas
rouge ou vert, la viande et les legumes ; le beurre, les |
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|
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|
autres ingrédiens
étaient mis auprès de Sa Majesté, et ce soin préliminaire terminé, le roi se
mettait à l’œuvre. Que Dieu eût voulu qu’il eût tenu son sceptre avec autant
de succès que la casserolle, la France aurait été mieux gouvernée, et les
événemens qui amenèrent la chute de la monarchie , n’auraient pas eu de
cause. |
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|
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L’élite de la
cour, M. de Soubise, de Chau- velin, de Richelieu , de Guiche , d’Ayen,
quelques autres, faisaient les aides de cuisine, préparaient les divers
assaisonnemens , ou dressaient (ceci pas toujours) ; car Louis XV, rempli
d’un véritable amour-propre de son art, tenait à présenter aux convives des
mets entièrement confectionnés de sa main. On servait chaud et on mangeait
vite ; chaque plat obtenait un concert d’éloges que le roi recevait avec une
modestie parfaite; il eût beaucoup souffert si l’appétit eût été silencieux
. |
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|
Ce fut donc au
petit Trianon que le roi suivi de madame de Pompadour, de Biancas , |
|
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|
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|
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d’Esparbès et
d’Amblimont, alla passer le reste de cette lugubre journée. Les dames
demeurèrent dans le salon d’enbas, et tandis que Damiens subissait son
horrible supplice, le roi donnait tous ses soins à bien réussir son plat de
pigeons au basilic ; ce n’est pas que, de tems à autre, il ne songeât au
misérable alors en proie à d’épouvantables tortures ; le duc de Richelieu
s’étant approché de trop près du fourneau, une étincelle partit et le brûla
sur la main. |
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« Oh ! dit-il, le feu est piquant ! |
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|
» — Que doit-il
être lorsqu’il est mêlé au plomb fondu et à l’huile bouillante comme
l’éprouve maintenant le Monsieurl dit le roi. |
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|
|
» — Ah ! Sire ,
qu’est-ce que les tourmens qu’il a si bien mérités, répliqua le duc , auprès
de ceux que l'enfer lui destine ? |
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|
* — Et s’il se
repent, il ira au ciel tout droit. |
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|
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»-Oh! non ! Dieu
sait ce qu’il doit au roi, et l’assassin de Votre Majesté ne peut éviter
quelques millions d’années de purgatoire. |
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» — Je ne vous
croyais pas théologien ? monsieur le Duc. |
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» — J’ai assez de
Sorbonne pour ne pas déshonorer le chapeau de cardinal, si le roi voulait
que j’en couronnasse mes bâtons de maréchal de France. » |
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La pensée de voir
le duc de Richelieu en soutane rouge et membre du sacré college excita la
gaîté du roi au point de détourner le cours de ses idées et de bannir la
pensée du supplice de Damiens ; d’ailleurs les pigeons au basilic étaient
prêts : on appela les daines et on se mit à table joyeusement. Le repas fut
long , des chansons plaisantes furent chantées par chacun des convives , et
le roi avec une voix la plus fausse du royaume, entonna son air favori,
celui du Devin du village
: fai perdu mon serviteur. Les éclats de rire se faisaient entendre au loin ; ils n’auraient pu servir
d’echos aux hurlemens de Damiens. La partie de plaisir se prolongea bien
au-delà de l’écartellement de ce misérable qui dura néanmoins une forle
partie de la journée, et |
|
|
|
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|
|
|
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|
|
Ja flamme avait
dévoré ses membres hideuse* ment déchiquetés, lorsqu’à minuit la corn- gnie
se sépara. |
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|
Madame de
Pompadour ne revint pas coucher à Versailles. |
|
|
|
L’absence de la
favorite devenait le signal d’un peu de liberté accordée à tous ceux de sa
maison ; dès qu’elle était partie chacun prenait sa volée, à peine s’il
restait dans l’appartement les domestiques chargés d’en répondre. Ceux-ci
même , les portes une fois fermées, s’étaient retirés soit dans leur chambre
, soit aux communs et ne s’occupaient guères plus de ce qui était néanmoins
confié à leur surveillance. |
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Alexandrine, en
ces momens, subissait la destinée de tous les objets précieux appartenant à
sa mère; on la laissait complètement seule, sa gouvernante comme les autres ; et elle était la maîtresse
d’aller et de venir à volonté. Accoutumée, dès son enfance à ses manières,
elle ne s’en plaignait jamais à sa mère, et, loin de là, trouvait aussi du
plaisir |
|
|
|
s—v ij>7 |
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à 1 indépendance
de sa solitude. C’était dans des heures pareilles que son intimité avec Gé-
réon avait pris de l’accroissement ; car lui, loin de la quitter, demeurait
auprès d’elle , cherchant à la faire divertir lorsque chacun l’abandonnait;
il aurait pu abuser de tant |
|
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de facilité pour
corrompre le cœur de cette |
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■ |
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jeune personne
lorsque tous les deux avaient grandi, mais trop délicat, trop vertueux , dans
sa vivacité il ne cessa de respecter l’innocence de sa belle amie, et nul
autre ne la conserva pure aussi religieusement que lui. |
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Le jour du
supplice de Damiens, du départ de Géréon et des travaux culinaires de Louis
XY , Alexandrine, vers l’après midi, se trouva dans l’isolement ordinaire
quand la marquise n’était pas là pour retenir ses gens dans leurs devoirs;
madame de Villeperse, la gouvernante, prévint son élève qu’elle allait voir
pendant quelques minutes la gouvernante de mademoiselle de Rohan. C’était
l’avertir que son retour n’aurait pas lieu avant la nuit close. Chacune des
autres fem- |
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mes de service
s’éclipsèrent pareillement. La livrée avait déjà disparu ; Collin qui aurait
pu la retenir, venait de se mettre en route pour Paris, dans l’espérance que
Géréon, en quittant Versailles, se serait rendu à l’hôtel de madame de
Pompadour devenu aujourd’hui le palais de l’Élysée. |
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Alexandrine
demeura seule ou à peu près ; les personnes qui n’abandonnèrent point
l’appartement étaient d’un rang à ne paraître devant elle que par nécessité
et non autrement. Désolée au plus profond de l’âme de la fuite de Géréon, nul
plaisir n’aurait pu la retirer de sa mélancolie ; elle s’était refusée avec obstination à suivre sa
gouvernante chez mademoiselle de Rohan, se faisant plutôt une fête du
silence et de la solitude qui ne tarde- raientpas à l’environner .A mesure
qu’une porte était fermée à clef par celui qui s’éloignait, la jeune fille
se trouvait soulagée, et quand elle eut acquis la certitude qu’elle était
seule, sa poitrine respira plus librement; alors, approchant un fauteuil de
la fenêtre la plus |
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»-> 49 «-« |
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voisine., elle
essaya de se dérober à sa mélancolie en attachant ses regards sur les
jardins de Versailles et sur le tableau mouvant qui ne cessait de l’animer. |
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Son cœur, loin de
prendre le moindre intérêt à cette occupation extérieure se révolta contre,
et redoublant l’activité des sensations intérieures, replongea bientôt après
la fille de la marquise de Pompadour dans sa morosité précédente ; beaucoup
de tems s’était écoulé sans quelle changeât de position ou revînt à elle;
plongée dans une méditation vague, qui tient le milieu entre l’existence et
l’anéantissement , et si bien connue de ceux placés sous i’émpire d’une
peine morale, elle était devenue étrangère à tout ce qui pouvait se faire à
l’entour , et si elle avait entendu ouvrir la porte de sa chambre, ce bruit
avait si peu frappé son ouïe qu’il n’était pas parvenu à son entendement.
Néanmoins, on marchait tout auprès d’elle, on soupira doucement... ce soupir,
bien faible pourtant, eut sur elle plus d’empire que le reste; Alexandrine
très- |
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4 |
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æ— > 50 -<—S |
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saillit, se
retourna, et, se soulevant, retomba sur son siège en poussant un cri
commencé au ton de i’eiïroi, et terminé par celui de la satisfaction la plus
douce. . . - Géréon se trouvait devant elle ; cet ami si regretté, cet amant
dont elle ne cessait de déplorer la fuite inattendue, il était là à genoux,
passionné, lui tendant les bras, et en même tems la suppliant de se
contenir, de n’avoir point peur. |
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Alexandrine, dès
quelle se fut assurée du bonheur que le ciel lui procurait, n’écoutant pas
d’ailleurs les bienséances de notre sexe qui, à son âge, ont si peu de force,
s'élança dans les bras qui s’ouvraient pour la recevoir, et des baisers,
donnés et reçus, se confondirent avec les larmes que ses yeux versaient
encore. |
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« Est-ce toi,
Géréon ? disait-elle ; toi que je peux revoir; une illusion me trompe-t-elle
? oh! non, c’est une douce réalité, mais on in’a dit que tu nous avais
quittés, que c’était sans retour.
. . sans retour. ... te serais-tu séparé ainsi de ton Alexandrine? |
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» '— Chère amie, répondit le jeune homme dont la physionomie
portait à la fois J’empreinte de son bonheur présent et du chagrin qui,
naguères, le déchirait; il est vrai qu’on exige qufe je m’éloigne, qu’on m’a donné la cruelle alternative ou
d’aller mourir dans l’exil, car ma mort est certaine si je ne te vois pas, ou
de finir pareillement mes jours dans un cachot de la Bastille... » |
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Aiexandrine, sans
interrompre son amant, ne put néanmoins, lorsqu’elle entendit ces paroles,
s’empêcher de le serrer dans ses bras avec une nouvelle vivacité; lui
poursuivant : « J’ai feint de céder à cette volonté tyrannique , de me
résoudre à partir, mais partir sans te voir, sans te parler de mon amour,
sans jouir au moins une fois encore de la satisfaction de t’entendre
exprimer le tien ; voilà ce qui eût été au-dessus de mon énergie; je voulais
me retrouver encore avec toi, et, pour y parvenir, je me suis déterminé à
tromper tout le monde. » |
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Géréon , ensuite ,
lui apprit qu’il s’était dé- |
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cidé à feindre un
départ subit, mais qu’au lieu de sortir de Versailles , il avait cherché un
asile dans le château même ; il s’en était procuré un où il serait difficile
qu on put le découvrir ; il avait., depuis plusieurs années, trouvé dans un
escalier secret conduisant de l’appartement de la marquise dans les combles,
une petite pièce éclairée par une fente pratiquée adroitement derrière une
des statues qui ornaient la façade, vers les jardins , et dont l’entrée
était masquée par une boiserie. Il fallait que la connaissance de ce réduit
se fût perdue, car il n’était pas habité , bien qu’il y eut un ht élégant, et
tout ce qu’il fallait à l’usage d’une personne. |
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« C’est dans ce
lieu, ajouta Géréon, que je me retirais chaque fois que le repos et la
retraite me devenaient nécessaires. Bien souvent on me grondait de mes
absences ; on allait à une quête dans la ville et dans le parc, et moi,
heureux de me dérober à volonté aux exigences d’autrui, je me gardai bien de
révéler le secret de mon habitation mystérieuse. |
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S |
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C’est là où j’ai
couru me cacher dès avant le jour et où je demeurerai jusqu’à ce que malheur
m’arrive. » |
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Alexandrine,
heureuse de revoir son amant, admira le honheur de ce secours inespéré, et
s’inquiéta comment il ferait pour vivre. Gé- réon répondit qu’un jeune
domestique plus particulièrement attaché à sa personne parmi celles aux gages
de la marquise, était dans sa confidence. Allin, dit-il, m’est fort dévoué ;
je lui ai promis, d’ailleurs, douze mille francs s'il ne me décélait pas, et
il aura le soin de me fournir ma nourriture. Ceux qui me veulent du mal
iront me chercher hors du royaume, et, certes, ne me soupçonneront jamais
aussi près d’eux. Tu pourras venir me voir bien souvent, et, moi-même, les
jours de voyage de Madame,
et tandis qu’Allin fera le guet, je descendrai dans ta chambre comme je le
fais aujourd’hui en pleine sûreté. Nous défierons ainsi ceux qui veulent nous
séparer, et il y aura du bonheur dans cette vie précaire. Alexandrine, sans
répondre. |
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serra de nouveau
son jeune ami dans ses bras et tous les deux se livrèrent à un bonheur dont
ils ne prévoyaient pas la fin. |
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CHAPITRE III. |
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L’orgueil est
souvent le valet très-humble nie l’ambition. |
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Recueil de Maximes. |
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La plus subtile
des finesses est de savoir bien feindre de tomber dans les pièges qu’on vous
tend , et l’on n’est jamais si aisément trompé que quand on songe à tromper
les autres^ |
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Là RochefoijcAULT
, Réflexions morales. |
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ELLES SONT DEUX
CONTRE UN. |
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L'imprudence des amans est extrême ; ils ne doutent de rien de ce qui leur
plaît, demeurent persuadés que la fortune ou la Providence les
soutiendront, que ce qu'ils désirent réussira, que ce qu’ils prétendent
cacher demeurera inconnu à tous, eP, remplis de confiance en leur bonne
étoile, ils bravent la jalousie, la perspicacité, la réflexion, tout enfin de
ce qui les perdra sans doute. |
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Alexandrine non
moins que Géréon trouva |
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admirable cette façon de vivre. Le mystère dont l’un d’eux
s’envelopperait afin de ne pas se séparer de l’autre. C’était d’ailleurs
une chose facile, bien sure. Nul ne s’aviserait de la découvrir et combien
de semaines, de mois, d’années , un tel manège durerait-il? Aucun des deux
ne s’en tourmenta. Il en est, en amour, de l’avenir comme du passé, ce sont
deux portions de la vie dont alors on ne s’occupe guère ; on ne voit que le présent,
la portée de ceux qui aiment n’allant pas au- |
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delà. |
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J |
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nouveau envers lui
à une fidélité sans bornes , et le reste de la journée s’écoula dans les
délices d’une tendresse innocente. Géréon ne se troublait pas en se
demandant à quoi aboutirait cette intrigue, il espérait la main d’A--
lexandrine d’un seul miracle, et pourtant cette hypothèse extravagante lui
semblait naturelle et comme ne pouvant manquer de se réaliseï un jour. |
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9 |
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ils ne se
séparèrent qu’à la dernière extrémité; Alexandrine, pour la première fois,
fit attention à ce que l’escalier qui conduisait à la cachette de Géréon
s’ouvrait dans le corridor de dégagement et près de sa chambre ; elle poussa
l’étourderie jusqu’à vouloir accompagner le jeune homme hors de chez elle;
ce qui devait les perdre les sauva. La destinée en cette circonstance fut
pour eux, afin sans doute de leur rendre plus chères les rigueurs dont peut
être elle les frapperait bientôt. |
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Lorsqu’Alexandrine
parut au lever de sa mère, celle-ci demeura frappée du changement prodigieux
qui s’etait opéré en elle. La veille un morne souci couvrait cette figure si
naïve, si animée naturellement, des pleurs avaient plombé ses beaux yeux, et,
ce matin , par un effet contraire, la sérénité brillait sur son front
d’ivoire, le contentement étincelait dans son regard, et sa bouche s’ouvrait
avec cette expression de bonheur et de volupté que procure le seul amour
satisfait. |
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2^->- 60 «~® |
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La marquise
possédait une trop haute expérience pour ne pas trouver étrange cette
résolution subite, et la cause en fut attribuée à peu près à la vérité. Ou
Géréon aurait revu Alexandrine ce qui paraissait impossible, ou il aurait
communiqué au moyen de quelques lettres. Qui était vrai dans cette double
conjecture, il aurait fallu, pour le savoir, surprendre le secret de la
jeune fille, soit par ruse, soit par une attaque directe ; et l’indécision de Madame de Pompadour sur lequel des deux
moyens était préférable, l’empêcha d’en adopter aucun. |
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Sa curiosité fut
néanmoins vivement inquiétée; que c’était—il donc passé? était-ce un effet
de la légèreté de l’âge d’Alexandrine? oubliait-elle facilement Géréon. La
chose plaisait trop pour être repoussée. L’espèce humaine a pour usage
constant, et de là vient la majeure partie des fautes quelle commet, de
vouloir ne regarder les choses que comme elle voudrait qu’elles fussent et
non comme elles sont véritablement. La vie est une perpétuité |
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©—y |
1 -<—s |
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d’illusions qui
combattent contre le positif, de manière à ce que, par notre propre faute, il
revient presque toujours à notre détriment. |
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En conséquence de
ce principe, la marquise, après avoir réfléchi et surtout s’être interrogée
soi-même, jugea simple que sa fille si désolée la veille, se fut consolée
dans l’intervalle d’une seule nuit; elle s’applaudit d’une telle conduite, et
ne douta pas que bientôt j
et avec facilité , elle né put amener Alexandrine à consentir au mariage
qu’alors elle s'obstinait à refuser. Mais, ce mariage, comment se
coneluerait-il? Le duc de Richelieu avait reçu avec transport son brevet de
général en chef, et sans pour cela parler du projet entamé entre lui et la
marquise; fallait-il tant de délais pour communiquer à certains membres de
la famille son désir d’allier son fils à la marquise de Pompadour? Ce délai
par trop prolongé, ne devenait-il pas une défaite ? Ce que le comte de
Saint-Germain lui avait dit revenait à son esprit et l’inquiétait. |
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Lafàvorite,
accoutumée à ce que tout ployât devant ses fantaisies , avait horreur de la
contradiction ; celle-ci serait outrageante, et certes, la supporter
très-paisiblement deviendrait impossible. Il fallait sortir de cet état
d’incertitude , connaître enfin la pensée réelle du maréchal, et cette fois
la marquise ne voulut pas que M. de Gontaut se chargeât du message; son
habileté lui montra qu’une femme conviendrait mieux, qu’elle aurait des
droits à contraindre M. de Richelieu à formuler une réponse positive qu’un
homme ne possède pas. Qui enverrait-elle en ambassade ? la duchesse de
Brancas, elle était trop sévere; la mare-' chale de Luxembourg ? elle ne
possédait pas, |
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à cette époque la considération qu’elle obtint depuis. La
comtesse d’Amblimont? elle était trop jeune; madame d’Esparbès? trop jolie
; et, d’ailleurs, déjà on instinct secret éloignait de celle-là madame de
Pompadour „ qui, souvent, s'inquiétait du plaisir que le roi mettait à la
regarder ; le choix ainsi promené sur toutes les femmes île ta socle;é in- |
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finie, se reposa
enfin sur la maréchale de Mirepoix. Elle possédait autant d’esprit que de
manège, était rompue aux intrigues du château, et avait, depuis long-tems,
pardonné au duc de Richelieu la mort de son premier mari, le prince de Lixen,
que celui-là avait tué en combat singulier il y avait nombre d’années.
Cependant, le duc n’allait pas chez madame de Mirepoix en intimité, mais il
ne se refusait pas d’y paraître s'il y était appelé par missive expresse, et
certes, madame de Mirepoix quoique l’avant admis en grâce, ainsi que je l’ai
dit, ne serait pas fâchée pareillement de la charge d’une mission que
madame de Pompadour s’avouait tout bas pouvoir ne pas être très-agréable à
ce fier sei- |
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i |
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gneur. |
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En conséquence de
cette détermination, elle envoya prier la maréchale de Mirepoix de venir la
trouver le plus tôt possible, prétextant d’un cas subit d’indisposition pour
se justifier daller elle-même chez cette dame, au lieu de la mander
familièrement. La ma- |
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réchale de
Mirepoix ne se tourmentait guère au fond de ces formes de hauteur, et un jour
que le prince de Beauveau son frère, lui faisait des représentations sur
l’excès de ses complaisances envers la favorite, elle lui répartit. |
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« Ce que je perds
en dignité, je le regagne en beaux louis de poids, la compensation me paraît
solidement établie. » |
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La maréchale
accourut au désir manifesté de son exellente amie, toutes les deux s’enfermèrent au plus profond de
l’appartement ; madame de Pompadour raconta à madame de Mirepoix tout ce qui
s’était passé, relativement au mariage projeté, et qu elle pouvait ignorer,
et lui demanda de presser là-dessus le duc de Richelieu, de telle sorte
qu’il eût à fixer le jour de la passation du contrat ou à rompre, si
toutefois il voulait en courir les chances. |
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Rien ne pouvait
être plus agréable à l’ambassadrice choisie qu’une pareille négociation, à
part le déplaisir qu’en aurait le duc |
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et dont elle
jouirait, il en résulterait nécessairement une nouvelle abondance de
faveurs et de grâces royales à tel point la marquise avait T usage de faire
payer par FÉtat ce qui ressortait dé ses dépenses particulières. Madame de
Mirepoix accepta avec transport, et promit que, dès le jour suivant, elle
apporterait une réponse positive. |
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C’est un plaisir,
sans doute, à la cour, que de réussir dans ce qu’on désire ; mais c’est
toujours un bonheur en ce lieu que de contribuer à faire de la peine à ceux
qu’on n’aime pas. L’activité vers ce double but est exessive, et ou s’y porte
avec tant d’âpreté qu’on ne peut le concevoir lorsqu’on n’est pas un des
habitués de cette maison. |
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La maréchale de
Mirepoix ne pouvait trouver mieux, pour contrarier un homme qui l’avait
privée de son premier mari. Aussi saisit-elle l’occasion aux cheveux, elle
ne crut pas devoir écrire. Un billet de sa main aurait pu la compromettre un
jour, mais elle dépêcha son écuyer vers le vainqueur de Mahon |
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a—^ (j () |
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avec l’ordre de le
prier de venir la voir dans la journée, attendu (’urgence du cas dont elle
avait à lui parler. |
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Un rendez-vous
avec madame de Mirepoix, quel qu’en fut le motif, parut piquant au duc de
Richelieu, il y avait d’ailleurs, à cette époque , de telles règles
d’urbanité, si strictement observées, que, quelle fut l’arrogance P l’impertinence de
ce seigneur, il n’aurait pas osé refuser de répondre par la désobéissance à
ce que lui demandait une femme du rang de madame de Mirepoix. |
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La génération
actuelle si impolie, pour ne pas dire grossière, aura de la difficulté à
comprendre qu’il y eut alors un joug irrésistible autre que celui de
l’intérêt, qui obligeât des égards dépuré convenance sans qu’aucun gain fût
au bout. Il en est aujourd’hui de la politesse comme de tout autre moyen de
faire fortune, on ne l’emploie qu’en forme de spéculations envers ceux dont
on attend quelque chose ;
on la refuse net à qui ne nous rapportera rien; on passe, on s’assied aux |
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près d’une femme
sans aucun hommage , sans aucuns égards muets dus à son sexe : si elle est
jeune on la lorgne ; est-elle vieille, on la tourne en ridicule, et ceci sans
aucun remords, sans aucun embarras- Il y a quelques exceptions, mais rares:
tout ce qui ne procure aucun avantage, est dédaigné par le jeune France ;
c’est à nous autres à nous accommoder à ces formes ; peut-être aurions- nous
pu empêcher qu elles ne s’établissent ; mais, je dois en convenir, nous avons
eu tort. Les hommes sont en général ce que les femmes veulent qu’ils soient ;
ne nous plai- gnons-donc pas de ce qu’ils sont. |
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Madame de Mirepoix
instruite, par son écuyer de l’heure à laquelle le maréchal de Richelieu
viendrait, ht fermer la porte à tout autre, afin d’avoir le loisir de le
recevoir sans être dérangée. I! ne manqua pas» Le feu roi Louis XVIII a dit
avec autant de bonheur que d’esprit, que l’exactitude est la politesse des
rois ; elle devrait l'être de tout le monde, et, à part l’inconvenance |
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|
si commune de ne
pas répondre à une lettre qu’on nous écrit, celle de retarder un
rendez-vous, de [’ajourner, de sauter par dessus, est encore si ordinaire
que, lorsqu on s’en plaint, on a l’air d’être exigeant. |
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Le duc en entrant,
et après avoir salué profondément la maréchale, prit sa main, la baisa avec
respect, et se mit à dire. |
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|
u J’ai eu, Madame, une vive satisfaction â recevoir votre
message. Depuis long-tems je souhaitais une explication sur un bien triste
cas . •* « |
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|
|
» .— Monsieur le
Maréchal, nous ne devons dater que de l’heure présente. |
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|
» — Je voudrais
reculer pourtant, moi, au moins de près d’un demi-siècle ; cela ne me
déplairait pas. Je sens le poids de mon âge; il n’y a que les femmes qui ne
vieillisseot jamais..... Oh! oui, Mesdames, vous vous conservez toujous
fraîches, jolies, et si vous perdez le tems, c’est lui encore qui perd mieux
son compte avec vous. |
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|
» — À vous voir,
repartit Madame de |
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©-> 09 « |
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|
Mirepoix, on
croirait que, vous aussi usez du même privilège. |
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|
» — Honorez moins
des ruines, elles ne peuvent guères que rappeler des souvenirs. |
|
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|
» —Cependant à
entendre certaines mauvaises langues |
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|
_ J*» —Dites bonnes,
s’il vous plaît, pour |
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|
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peu qu’elles
m’accusent de faits de galanterie ; hélas ! je cherche à me maintenir dans
que j’ai été. |
|
|
|
» — Vous allez
acquérir une nouvelle moisson de gloire, et le beau commandement que vous
devez à l’amitié de madame de Pompadour |
|
|
|
» — Ma vie
entière, répondit M. de Richelieu avec emphase, ne pourra suffire à me
montrer reconnaissant. |
|
|
|
« — Eh bien !
puisque ce noble sentiment remplit votre belle âme, repartit Madame de
Mirepoix, saisissant en habile joueuse la balle qui lui était lancée,
l’occasion se présente superbe de la manifester. |
|
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|
|
► 70 «-h** |
|
|
|
Où en êtes-vous du
projet de mariage entre sa fille et AL le duc de Eronsac? » |
|
|
|
A cette question
inattendue, ie maréchal eut à retenir un mouvement d’impatience qui lui
échappait. II savait que madame de Mirepoix devait être sa. plus mortelle
ennemie , il y aurait eu à lui de la folie à fournir des armes propres à le
battre; aussi répliqua-t-il spontanément. |
|
|
|
Je suis en règle,
j’ai écrit à la Cour de Vienne et j’en attends la répo nse. |
|
|
|
» — Et si elle se
retarde? , |
|
|
|
» — Un peu de
patience suffira. |
|
|
|
» — Et si elle ne vient pas |
|
si elle est |
|
|
|
contraire. » |
|
|
|
» — Alon Dieu !
Que vous prévenez les obstacles de loin; je suis persuadé que l’empereur
sera gracieux pour la marquise. Est-ce que l’auguste Marie Thérèse ne lui
écrit pas familièrement ? Voudra-t-elle la contrarier en un point qui
blesserait son cœur? non. sans doute , un délai suffit; voilà tout. |
|
|
|
|
|
|
|
3---> JT
1 |
® |
|
|
|
» — Monsieur le
maréchal, souhaitez-vous que je vous parle comme amie? |
|
|
|
)) '— Ah ! Madame, un tel titre m’est si précieux, que, pour le
mériter, ma reconnaissance serait extrême. |
|
|
|
» — Eh ! bien puisque vous m’autorisez à m’expliquer à cœur
ouvert, pressez la réponse de Vienne ; pressez-la vivement, adressez-vous pour l’avoir promptement
au comte de Stainville si elle se retarde trop.. ; il serait possible.« . |
|
|
|
« — Achevez,
demanda le Duc. |
|
|
|
» —■ Que le
prince de Soubise vous enlevât le commandement que vous venez d’obtenir. |
|
|
|
» — Ce serait un acte.... |
|
|
|
» — La volonté du roi est souveraine. |
|
|
|
» — Qui le nie, Madame, qui ne la respecte même dans ses
erreurs. |
|
|
|
» — Ses erreurs !
Monsieur , mais voilà une hérésie dans le credo de Versailles; l’infaillibilité du monarque est bien
autrement admise en article de foi que celle du pape. |
|
|
|
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|
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72 « |
|
|
|
)) — Et, par conséquent, celle de la marquise dePompadour, dit
M. de Richelieu en essayant un rire forcé. |
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|
|
>; — Vous ne
pouvez douter que des ennemis nombreux vous environnent ; que leur attention nes’attache qu’à saisir vos points
vulnérables; je sais qu’ils se remuent beaucoup en ce moment , qu’ils
circonviennent ma chère amie ; elle a des conseils. Les habiles gens voient
de loin, et plus d’un déjà pousse la malice jusqu’à prétendre que vous avez
cherché une défaite pour retarder le mariage que vous avez sollicité
vous-même.. » |
|
|
|
Un geste du
maréchal de Richelieu protesta contre l’assertion de madame de Mirepoix qui
continua : |
|
|
|
« Et que vous l
avez trouvée en mettant en avant la nécessité d’obtenir P agrément de la
maison de Lorraine, |
|
|
|
» .— Voilà une
abominable calomnie ! s’écria le maréchal, d’autant plus conduit à
dissimuler aux yeux de madame de Mirepoix 3 qu’en secret il était consterné qu’on eut si |
|
|
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73 |
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|
|
- bien pénétré sa
pensée intime., mais ces mensonges peuvent me brouiller avec une femme que
je respecte, que j’aime ;
assurément j’aurai avec elle une explication sur ce point capital. .
M’était-il possible de marier mon ilîs sans en prévenir ses parens augustes ?
Qu’auriez-vous fait à ma place, madame la Maréchale ? |
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» — Vos ennemis
diront que la noce faite, |
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vous auriez pu la leur
communiquer. |
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» — Un tel manque
d’égards. .. |
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» — Aurait été
fort agréable à la marquise. |
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« — Elle m’en veut
donc, elle est prévenue contre moi, elle soupçonne ma sincérité ?.. |
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» — Mon cher Duc,
nous sommes à Versailles. |
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»—Oui, c’est un
pays où on ne peut accorder à autrui ce dont on manque soi-même. .. : je
n’applique pas ceci à la marquise, c’est une |
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thèse générale.. .
; mais vraiment je suis au désespoir. |
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)) — Prouvez-le en pressant Paffaire; entendez-vous avec elle,
je vous le dis. .. là.. . de bonne amitié ^ vous vous en trouverez mieux et
le prince de Soubise n’aura pas vos restes ; il est cependant un ami de cœur.
» |
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M. de Richelieu,
tourmenté par la marche que prenait cette intrigue dont il avait attendu un
si bon résultat, ne songea pas à demander à madame de Mirepoix si tout ce
qu’il entendait venait d’elle ou de la favorite; c’en était assez qu’il le
sût pour qu il avisât au moyen de s’en débarrasser. |
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Il y a des cas où
il faut se décider promptement, où le succès dépend delà célérité d’une
démarche. Le maréchal qui le comprit , reprenant la parole, dit que si madame
de Mirepoix voulait le conduire sur-le-champ , chez la marquise de Pompadour,
il s’expliquerait à l’heure même avec celle-ci. Cette proposition convenait
trop à la médiatrice , |
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^ 75 « |
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puisqu'elle
achèverait d’engager le duc- pour qu’elle y mît des obstacles; aussi
s’empressa- t-elle de répondre que son plus vif désir serait de contenter M.
le Maréchal. |
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A cette époque
plusieurs courtisans des deux sexes, outre le logement qu’ils avaient, soit à
Paris, soit dans la ville de Versailles , en obtenaient un dans le château;
c’était une marque de faveur précieuse, dont on tirait d’autant plus de
vanité qu elle inspirait de la jalousie à ceux qui ne la partageaient pas. Le
duc de Richelieu, à plusieurs titres, et principalement à celui de premier
gentilhomme de la chambre, était ainsi logé. Lamaréchale de Mirepoix, en
passe d’une intimité de longue main avec Louis XV, avait aussi sa demeure
au château , non point vaste et commode, étroite au contraire, mal située,
mais, n’importe, il était agréable de s’habiller à couvert pour venir faire
sa cour, et lorsque la veille avait été par trop prolongée , de n’avoir qu’à
monter ou descendre pour trouver un lit. |
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76 |
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Et, ce jour là,
madame de Mirepoix était dans son appartement au château ; elle eut peu à faire pour venir chez la marquise à qui, par
précaution, elle dépêcha une de ses femmes pour lui annoncer qu elle
arrivait et en quelle compagnie. Aucune nouvelle ne pouvait être mieux
accueillie, aussi, madame de Pompadour se débarrassa en toute hâte de deux
ou trois audiences accordées à des solliciteurs, et ceci achevé , passa dans
son cabinet de travail où déjà, et parles couloirs intérieurs, s’étaient
rendus madame de Mirepoix et le maréchal de Richelieu. Elle les combla de
marques d’amitié, s’exclama sur son bonheur de les voir tous deux ensemble,
et ne négligea pas de dire au maréchal que, sans doute, il se préparait à
partir bientôt. |
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|
« Ma chère amie,
répondit la médiatrice, M. le Duc a grande hâte d’aller cueillir les palmes
qui l’attendent, mais, avant de se mettre en route, il désirerait vous
prévenir contre certains bruits répandus à son désa- |
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vantage et dont je
lui ai fait part, en vertu d’une magnanimité sans pareille, èt dont je
présume qu’il me saura gré. Je lui ai dit que les méchans (ils sont en grand
nombre) l’accusaient d’avoir voulu retarder indéfiniment un mariage que lui,
au contraire, brûle de conclure, et lui-même va répondre à ses détracteurs. » |
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Pins elle parlait,
plus elle agravait la position du duc. Celui-ci, n osant même pas se
l’avouer, avait pris la résolution inébranlable ( il le croyait du moins ),
de nç jamais consentir au mariage de son fils avec made- |
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_ w |
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moiselle d’Etioles
; mais avant que de se pro- |
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4 |
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noncer ouvertement
sur ce point, il souhaitait éluder, au moyen d’une multitude d’obstacles qui
l’aideraient, par son adresse, à se les ménager, à se retirer du mauvais pas
où le jetait la volonté ambitieuse delà marquise. Or, parmi ces ruses, la
meilleure, certes, était celle qui aurait remis la décision de l’affaire , à
la maison impériale de Lorraine. Le duc savait que l’empereur, une fois
consulté, |
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ne pourrait se
déterminer à consentir, et que, d’une façon ou d’autre, ii exprimerait son
refus. Dès-lors, le roi de France ne voudrait pas intervenir et, en
conséquence, le projet de mariage se dissiperait enfumée , sans que le duc de
Richelieu parut y avoir aucune |
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part. |
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C’était donc
arracher l’âme à cet ambitieux, que de le contraindre à lever lui- même
l’obstacle qu’une inspiration heureuse lui avait fourni; d’une autre part,
irriter trop la marquise, amènerait des chances fatales au complément de sa
fortune ^ il se sentait décliner avec rapidité dans l’opinion publique et
croyait, pour se rehausser aux yeux des Français, que l’éclat d’une ou deux
batailles gagnées, lui devenait indispensable. Ceci méritait d’y faire
attention, et un sacrifice commandé par une circonstance impérieuse, s il ne
pouvait l’éviter, ne devait au moins arriver qu’après avoir tout tenté pour
éviter ce calice. Dans cette occurence, et le propos de la maréchale de
Mirepoix le |
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poussant à bout,
il se hâta de prendre la parole, de proclamer sa franchise, d’attester son
envie d’en finir, et, pour cela, offrant toutes les satisfactions propres à
convaincre qu’il ne jouait pas un jeu caché différent de celui public. |
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|
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(( Vous me charmez, repartit la favorite, vous me rappelez à
une vraie affection pour vous ; oui, on a voulu me prévenir contre votre
astuce, on a mis en avant cette démarche dont je me plains. |
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» — Elle est faite
par malheur, répondit le duc d’un ton plein de douleur. |
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» — Mais, non pas
irréparable, répliqua la marquise, une voie vous est ouverte, veuillez
écrire au comte de Stainvilie pour qu’il sollicite de leurs majestés
impériales l’agrément auquel vous et moi attachons tant de prix, mettez-vous
à mon bureau..oui, sans cérémonie, les nœuds qui vont nous unir, nous en
dispensent. Tracez un mot à notre ambassadeur ; un courrier part ce soir, il |
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fera diligence, et
j’espère que la réponse favorable, ne tardera pas. » |
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Le duc pris au
piège , et comprenant les conséquences de lacté qu’on lui demandait, hésita
un instant, s’il préférerait la possibilité d’une disgrâce à la certitude du
déshonneur de sa maison, ce ne fut qu’un éclair, le gentilhomme s’effaça
devant le courtisan qui obéit à l’invitation de la marquise ; il prit une
plume, et écrivit au comte de Stainville, Cette lettre, dont le souvenir ne
s’effaça jamais de la mémoire du duc de Richelieu, fut une des causes
principales de l’inimitié constante qui exista entre lui et ce seigneur,
devenu ministre, un an après,sous le nom de duc de Choiseuil. |
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CHAPITRE IV. |
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.... Tripodas , vatesquc Deorum» |
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Aors obscura lenet. |
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|
Lucain , Pharsale , chanté- |
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|
|
Les oracles du Ciel ne
nous montrent L’avenir qu’à travers un nuage. |
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|
A voir le règne
d’un prince , on peut deviner le sort de ses successeurs. |
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|
Recueil de maximes. |
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LA TERRIBLE
PROPHÉTIE. |
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« Le renard s’est
laissé prendre au piège qu’il avait tendu, dit madame de Pompadour, après
que le Maréchal, duc de Richelieu se fut retiré; vraiment, pensait-il qu’il
tromperait toutes les femmes ? Si maintenant le mariage manque, la faute ne
peut |
|
|
|
venir de lui |
Quant à Marie
Thérèse, non, |
|
|
|
celle-là ne m’opposera aucune résistance ; ce n’est pas,
lorsque déjà elle pense à unir l’une de ses filles à T aîné des en fan s de
Mon sei- |
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84 |
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|
gneur le dauphin ,
qu elle s’attachera à empêcher que le duc de Fronsac épouse mademoiselle
d’Étioles. Les souverains font bien |
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H |
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|
|
d’autres
concessions à leur désir; allons, voilà une affaire conclue , Alexandrine
aura le tabouret. |
|
|
|
La maréchale de
Mirepoix aida encore à augmenter les illusions de la favorite, et trouvant
l’occasion favorable pour battre le fer, car il était chaud,, demanda un
intérêt dans une opération de finance que madame de Pompadour ne lui refusa
pas. Le Roi survint, il était retombé dans sa mélancolie ordinale. Les
plaisirs de la soirée précédente laissaient dans son cœur le vide accoutumé.
Le supplice accompli de son assassin ne pouvait non plus retremper son âme
affectée douloureusement de la résistance des cours souveraines. Cette lutte
qui, de lui à elles, se prolongea pendant tout son règne en empoisonna la
durée. |
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|
Madame de Mirepoix, habile à savoir se retirera propos,
sortit dès qu’elle eut pré- |
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a~> 85 |
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sente ses hommages
à Louis XV, devinant qu’il souhaitait de causer sans témoins aveo la marquise
; elle avait rencontré la vérité. A peine refermait-elle la porte que le Roi
s’adressant à sa maîtresse : |
|
|
|
» Avez-vous dormi? dit-il. |
|
|
|
» —Peu,
répondit-elle en souriant, mais le matin venu, j’ai été plus tranquille. |
|
|
|
» C’est un bonheur que je vous
envie, et ses traits conservèrent leur apparence morne. Lorsque j’ai été seul
le même cauchemar d’avant-hier , est venu me reprendre; j’ai passé le reste
de la nuit entouré de meurtriers; ma famille était là, son sang coulait |
Oh ! c’était une
vision horrible. |
|
|
|
» — Votre sensibilité excessive est la cause unique de ces
rêves affreux, repartit la Marquise; vous n’avez pu vous défendre de déplorer
le sort d’un monstre et, dans le sommeil, votre imagination frappée, a
enfanté des chimères qui ne se réaliseront pas. |
|
|
|
» — Il est vrai,
dit le roi, que j’attribue le mécompte que j’ai éprouvé à lier parfai- |
|
|
|
|
|
|
tement la sauce
dont je vous ai régalée avec le fameux plat de pigeons au basilic, à la peine
que me faisait le supplice de ce misérable. |
|
|
|
» — Eh ! Sire, qui de nous tous ne l a pas aperçu ! la
conduite du Roi, hier, a été admirable, chacun adorait l’excellence de votre
cœur, en respectant votre chagrin; vous nous représentiez trait pour trait
Henri IV. |
|
|
|
Le Roi sourit et
s’enivra de cette llatte- rie dégoûtante ; puis, retombant dans sa ta-
citurnîté, demeura quelque tems en silence. Madame de Pompadour, assise
vis-à-vis de lui, brodait une bourse dont elle voulait faire cadeau à Sa
Majesté. Parfois, relevant la tête, elle regardait son royal amant et se
taisait pour ne pas lui être désagréable. Lui, enfin, sortant de sa rêverie. |
|
|
|
« Quel jour a pris le comte de
Saint- Germain pour satisfaire à votre fantaisie |
? Ne lui avez*vous
pas fait part de |
|
|
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|
s—> |
|
|
|
la mienne? je serais
curieux de connaître jusqu’où il porte sa science. |
|
|
|
» — Le comte ne se
soucie aucunement de montrer au roi son savoir faire , il craint... |
|
|
|
» — Que i’ aie
peur de voir le diable ! Ce n’est pas le diable que je souhaite qu’il
appelle; il faut qu’il me fasse lire dans l’avenir de mes petits-fils ;
dites-le lui, et s’il recule, vous ajouterez que je le veux ; oui, je le
veux, entendez-vous ? Je crois que le vulgaire est sans droit pour pénétrer
dans les voiles de l'avenir, mais moi...! |
|
|
|
» — Dieu doit
cette connaissance à vjtre majesté.... Le comte de Saint-Germain est un
personnage bien extraordinaire. |
|
|
|
n — C’est votre
opinion, Madame. |
|
|
|
D — Oui, sire. |
|
|
|
» — Et ceux qui le
prétendent charlatan. |
|
|
|
j) — Qu’a-t-il
demandé au roi ? |
|
|
|
» —> Rien ! |
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|
|
» — Quels objets d’art
ou curieux a-t-il voulu lui vendre ? |
|
|
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88 « |
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|
|
» — Aucun ; il a, au contraire,
rendu plus beau et d’un meilleur prix un de mes dia- mans ; celui dont il a
enlevé la tache ; c est un effet prodigieux de chimie : non, le comte de
Saint-Germain ne cherche pas à tromper ; d’ailleurs, il a négocié si habilement |
» |
|
|
|
Madame du Hausset
entra dans ce moment. Le comte de Saint-Germain faisait demander si la
marquise était visible. |
|
|
|
« Parbleu! dit le
roi, il ne pouvait, ce magicien célèbre, se présenter plus à propos. Vous
convient-il, Madame , qu’il vienne ? |
|
|
|
» — Que la volonté
du roi soit faite en toutes choses , dit la marquise en s’inclinant de
manière à toucher, de sa figure, sur son métier. » |
|
|
|
Madame du Hausset
alla donner l’ordre aux valets de chambre. La grande porte du salon fut
ouverte, le comte de Saint-Germain entra ; il était vêtu d’un habit couleur
de mouche en furie ,
doublé de satin vert pomme, la culotte pareille, et la veste glacée d’or et |
|
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|
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|
89 |
|
|
|
d’argent. Les
boutons , les boucles, la gance du chapeau, la poignée de l’épée étaient de
diamans d’une eau et d’une netteté sans pareilles. Cette magnificence
surprit à tel point le roi, qu’il dit au comte en le voyant venir à. lui : |
|
|
|
« Combien y a-t-il
de siècles que vous êtes descendu le premier dans les mines de Gol- conde ? |
|
|
|
■ » — Je
prends le tems comme il vient 5 répondit de Saint-Germain , et ce que j’ou- |
|
|
|
-h. |
|
|
|
blie le plus
facilement, c’est la durée. Cent ans sont pour moi la semaine dernière.
Qu’est- ce en effet qu’un nombre d’années devant le grand cercle de
l’éternité ? |
|
|
|
» — Monsieur, je vous parlais d’un fait positif, et vous
répondez par de la haute philosophie... Vos diamans sont admirables. |
|
|
|
j) — Je les
choisis de mon mieux. |
|
|
|
» — A voir la
profusion et la beauté de ceux qui vous parent, dit la marquise, on dirait
que vous les composez à votre fantaisie. |
|
|
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90 « |
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|
|
— C’est là, reprit
le comte, le résultat de mes études eu science naturelle. Le diamant peut
être rendu malléable à volonté. |
|
|
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|
|
— Vous pourriez ,
dit le roi, en inonder |
|
|
|
le monde. |
|
|
|
jj — Je leur
enlèverais toute leur valeur, et, au lieu d y trouver mon profit, je m’y
ruinerais avec beaucoup d’autres. |
|
|
|
» — M. de
Saint-Germain, repartit le roi, est-ce là à quoi se borne votre savoir? Ne
possédez-vous pas des connaissances plus étendues et plus relevées ? » |
|
|
|
Saint-Germain
parut embarrassé, et dans sa réponse qu’il bégaya , plutôt que de prononcer
nettement, il ch erefa de faire entendre au roi qu’il ne se souciait pas de
traiter cette matière $ mais ce prince, une fois lancé , ne crut point
devoir s’arrêter en chemin, et, malgré la répugnance qui lui était
manifestée , reprenant la parole , dit : |
|
|
|
Feriez vous moins
pour moi que pour ceux, de mes courtisans en qui vous avez eu de la
confiance? Si les sciences occultes vous |
|
|
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|
sont familières,
si vous en avez dévoile à d’autres une partie, j’aurais à me plaindre si vous
montriez plus de réserve à mon égard. |
|
|
|
» — La volonté du
roi est absolue, dit le thaumaturge sans cacher son chagrin, mon devoir est
de lui obéir, sans doute ;
il est vrai que de profondes recherches, que des études opiniâtres m’ont
conduit loin , et que je puis contenter les désirs de ceux que dévore la
fantaisie d’être témoin de scènes extraordi- daires ; mais , par une fatalité
attachée à ces sortes de lumières , ceux qu’elles éclairent en retirent
toujours du désagrément ou des soucis amers. L’être suprême, qui
s’estréserve 1 a- venir^ souffre avec impatience que des mortels y pénètrent
comme lui... Sire, poursuivit le comte en prenant une attitude imposante ,
je peux complaire à Votre Majesté mais je la conjure de ne pas m’imposer
cette loi. |
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» — Tout cela est
bel et bon, reoartit |
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„ 7 1 |
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Louis XV, mais
vous éludez au lieu de me satisfaire, et il faut me contenter. |
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» — Je cède au
roi, mais j’ai besoin que le roi m’engage sa parole sacrée , que de tout ce
qu’il verra, que de ces choses qui échappe^ ront à ma bouche, il n’en fera
envers moi ni sujet de défaveur, ni reproches d’avoir mis au jour de
sinistres secrets. |
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» — En vérité, dit
la marquise^ à vous entendre , M. le Comte, on croirait que vous n’auriez à
dire au roi que des choses désagréables. |
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» — Je prends mes précautions, Madame, et avec d’autant plus
de nécessité, que maintenant j’ignore tout ce qui est en avant de ce jour;
mais mon expérience me fait craindre que les époques à naître ne soient pas
aussi heureuses que celle où nous sommes , et, ce qu’à l’être suprême ne
plaise, si l’avenir réserve à la France de grands malheurs, il ne serait pas
juste de faire retomber sur moi le chagrin qui en résultera. |
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» — Soyez , sur ce
point, sans inquiétude, repartit le roi ; vous accuserais-je de ce que vous
ne pouvez empêcher ? Je m’engage , au |
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contraire à vous
mieux traiter lorsque vdus m’aurez obéi, que je ne le fais maintenant * Cela vous accommode -t-il? Et,
dans ce cas, commencez], je vous prie. |
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» — Un accident m’a ôté ces jours derniers j dit le comte, un
miroir constellé que je ne puis reproduire qu’avec beaucoup de peine ;
celui-là m’en aurait épargné maintenant , et vous auriez pu lire dans cette
glace véridique ce qui encore est enseveli dans les ténèbres de l’avenir ;
mais , à son défaut, il est d’autres moyens... Je suis aux ordres du roi, et
s’il lui plaît qne je les emploie, qu’il commande. |
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» — Allez-vous donc faire venir le diable dans ma chambre à
coucher ? demanda la marquise en riant. |
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» — Voilà bien les
femmes, repartit le roi, elles plaisantent toujours ; ce n’est pas au diable
ni à ses camarades que je veux avoir affaire; ce serait d’ailleurs un péché,
et point ne me soucie d’en prendre la charge, il s’agit... » |
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